Si vous achetez une maison ou un appartement en copropriété, puis le revendez peu après en avoir acquis le titre de propriété – certainement si cela est fait à l’intérieur de 18 mois environ –, l’Agence du revenu du Canada (ARC) est d’avis le plus souvent qu’il s’agit d’une opération d’achat-revente rapide du bien (« flip immobilier »), sur laquelle tout gain réalisé doit être imposé en totalité comme un revenu d’entreprise, et non pour la moitié à titre de gain en capital. Cela signifie en outre que vous n’avez pas droit à l’exonération de résidence principale, même si vous avez emménagé dans l’habitation, parce que l’exonération ne s’applique qu’à des immobilisations, non aux biens d’inventaire d’une entreprise. Et, si vous aviez l’intention – voire une « intention secondaire » − de revendre l’habitation au moment où vous avez convenu de l’acheter, l’ARC sera alors dans son droit.
La situation est la même si vous construisez votre propre habitation, et cela sur plusieurs années, et que vous revendez l’habitation peu de temps après qu’elle soit prête à être occupée – même si vous y emménagez d’abord.
En pratique, vous devez attendre environ 3 à 5 ans avant de revendre, pour avoir une certitude raisonnable que l’ARC ne considérera pas votre gain comme un revenu d’entreprise. Vos antécédents personnels seront très pertinents ici : si vous ou des membres de votre famille œuvrez dans la construction ou l’immobilier, ou si vous avez vendu de nombreux immeubles au cours des dernières années, il est fort probable que l’ARC supposera que tout immeuble que vous avez acheté l’a été avec l’intention de le revendre.
Légalement, le critère est celui de votre intention initiale mais, en général, les vérificateurs de l’ARC rejetteront les explications du type « changement de situation », car n’importe quel contribuable peut faire valoir des raisons pour lesquelles il ou elle a dû vendre l’immeuble même après avoir eu l’« intention de l’habiter ».
Cependant, si vous pouvez vraiment prouver votre intention initiale ainsi que le changement de situation, il est souvent possible de convaincre un vérificateur de l’ARC ou un vérificateur des appels ou encore un juge de la Cour canadienne de l’impôt (CCI), que la propriété était réellement une immobilisation et que, par conséquent, vous aviez droit à l’exonération. Pour ce faire, vous devrez normalement démontrer que la maison ou l’appartement en copropriété avait été spécifiquement choisi ou conçu pour votre famille, et qu’il comportait des caractéristiques particulières que l’on ne retrouverait pas normalement dans un immeuble acheté en vue de la revente.
Certains contribuables œuvrent clairement dans le « commerce » de l’achat-revente d’habitations. Ils et elles achètent et revendent de nombreux immeubles, les rénovent parfois, y emménagent parfois pour un certain temps, puis ne déclarent pas le gain, pensant que l’exonération de résidence principale s’applique. L’ARC pourchasse ces contribuables et elle peut lever un impôt sur le revenu sur leur profit, plus la TPS ou la TVH sur le nouvel immeuble (y compris la valeur du terrain), plus des intérêts, plus des pénalités importantes. Évidemment, des registres immobiliers sont tenus en permanence et mis à la disposition du public, de telle sorte que l’ARC peut trouver en tout temps qui a acheté un immeuble, à quel moment et à quel prix. Et, si l’ARC croit qu’un ou une contribuable a délibérément ou par négligence omis de déclarer le revenu tiré de l’opération, aucun délai ne lui est imposé pour établir un avis de nouvelle cotisation. La situation est la même si vous n’avez pas déclaré la vente du tout, même si l’omission était une erreur de bonne foi.
Ces règles deviennent maintenant un peu plus contraignantes. De nouvelles dispositions relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), annoncées de manière générale dans le budget d’avril 2022, et publiées dans le cadre de l’avant-projet de loi du 9 août 2022, établiront qu’un gain réalisé sur un « bien visé par une revente précipitée » est toujours un revenu d’entreprise. (Cette règle ne s’appliquera pas à une perte, seulement à un gain.)
L’expression « bien visé par une revente précipitée » (« flipped property ») s’entend de tout immeuble résidentiel que vous détenez pendant moins de 365 jours consécutifs, et qui constituerait par ailleurs une immobilisation. Une exception est toutefois prévue si vous revendez le bien pour l’une des raisons figurant dans une liste, notamment : décès ou ajout au ménage, échec d’un mariage, incapacité ou maladie grave, insolvabilité; congédiement, déménagement au moins 40 km plus près d’un nouveau lieu de travail, ou « menace à la sécurité personnelle ».
Ces modifications de la LIR ne changeront pas vraiment grand-chose à la législation à proprement parler. Comme il est expliqué ci‑dessus, si vous détenez une habitation pendant moins d’un an avant de la revendre, la division Vérification de l’ARC vous imposera presque toujours sur un revenu d’entreprise, de toute façon. En fait, cette modification pourrait avantager les contribuables, leur permettant de faire valoir plus facilement la présomption selon laquelle un bien détenu pendant plus d’un an est une immobilisation, ainsi que l’argument voulant que l’une des exceptions motivées par un « changement de situation » s’applique de telle sorte que le bien ne soit pas un « bien visé par une revente précipitée ». Vous devrez néanmoins toujours respecter le critère initial voulant que le bien soit une immobilisation – c’est-à-dire qu’il n’a pas été acheté avec l’intention première ou secondaire de le revendre.
Les nouvelles règles auront une incidence sur la conformité, toutefois : elles inciteront les contribuables et les préparateurs de déclarations fiscales à ne pas déclarer avant au moins un an le produit d’une disposition de bien, comme un gain en capital, ni à demander l’exonération de résidence principale, à moins d’invoquer l’application de l’une des exceptions énumérées. Un préparateur de déclarations qui intervient dans l’énoncé d’une telle prétention, tout en sachant que le bien est un « bien visé par une revente précipitée », risque d’être soumis à une « pénalité imposée à un tiers ». Notez que, depuis 2016, un gain réalisé sur une résidence principale doit être déclaré pour que l’exonération de résidence principale soit accordée; avant 2016, vous pouviez simplement vous abstenir de déclarer le gain, au motif qu’il s’agissait de votre résidence principale, et laisser à l’ARC le soin de vous trouver.
Enfin, en vertu tant des règles actuelles que des nouvelles dispositions législatives, si vous achetez un appartement en copropriété en construction, que vous attendez (disons) quatre ans et obtenez alors le titre de propriété, puis le revendez rapidement, l’ARC estimera que vous avez « détenu » le bien pendant un court laps de temps. Cependant, dans deux décisions de la Cour canadienne de l’impôt (CCI), soit Gosai (2020) et Wang (2021), il a été précisé que la durée de détention devait être mesurée depuis le moment de la signature du contrat exécutoire d’achat de la copropriété.