Moore
Bulletin de décembre 2022

Nombre de familles fortunées voient l’assurance-vie comme un achat incontournable, tout comme l’assurance de leur voiture ou de leur maison. Elles ne comprennent pas que l’assurance-vie est beaucoup plus qu’un remplacement du revenu de la personne décédée, devant aider la famille laissée derrière après le décès – un défi financier auquel sont rarement confrontées les familles ayant beaucoup d’argent. Une planification appropriée ouvre d’incroyables possibilités de constituer une fortune et de gérer les risques, notamment la surimposition et les éventuelles hausses d’impôt.

Il existe essentiellement deux types d’assurance-vie : l’assurance temporaire et l’assurance permanente. L’assurance temporaire vous protège pour un nombre d’années déterminé. Au terme de cette durée, la police n’a plus aucune valeur. L’assurance permanente (qui comprend l’assurance-vie universelle et l’assurance-vie entière avec participation) offre une protection pour la vie entière plus une composante placement. Il s’agit d’un actif ayant une valeur durable.

 

Budget fédéral et gains en capital

Quelques-unes des bonnes nouvelles contenues dans le budget fédéral d’avril 2022 et l’Énoncé économique de novembre 2022 résidaient dans ce qui n’y était pas mentionné. Pas d’augmentation du taux d’exclusion de 50 % des gains en capital, qui laisse libres d’impôt les autres 50 % de ces gains. Pas d’introduction d’impôt sur la fortune, d’impôt sur les successions ni d’impôt sur une résidence principale (si ce n’est pour s’assurer que les ventes faites au cours d’une même année ne peuvent être normalement considérées comme la vente d’une résidence principale, ce qui était déjà le cas dans plusieurs des décisions rendues par les tribunaux). Pour l’avenir, rien ne garantit que l’une quelconque de ces occasions de constituer une fortune et de la transférer dans un contexte fiscal favorable sera maintenue.

Un changement proposé dans le budget fédéral fait sauter une occasion de planification fiscale pour les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) dites « SPCC en substance ». Des personnes adoptaient des stratégies de planification faisant intervenir des entités établies dans d’autres pays, de sorte que leur revenu de placement était imposé dans leur société à un taux approximatif de 26 % plutôt que d’environ 50 % (le taux exact diffère selon la province). Essentiellement, elles bénéficiaient du taux d’impôt général plutôt que du taux s’appliquant aux revenus de placement d’une société, ce qui générait quelques possibilités de report avantageuses. Le budget coupe court à ce type de planification.

Ce changement a pour effet de rendre l’assurance-vie beaucoup plus avantageuse comparativement à d’autres placements dans ces SPCC. De nos jours, l’assurance-vie surclasse facilement nombre de ces autres possibilités, parce qu’elle permet une croissance sans impôt et crée la possibilité de convertir des bénéfices non répartis en dividendes en capital libres d’impôt.

Voici cinq différents moyens en vertu desquels les familles fortunées peuvent avoir recours à l’assurance-vie permanente libre d’impôt pour préserver leur patrimoine, faire croître leurs actifs à l’abri de l’impôt et créer des legs durables, souvent en substituant aux impôts des dons de bienfaisance.

N1 : Financer les impôts dus au décès

Sans planification préalable, les actifs peuvent être imposés dans la déclaration de revenus finale d’une personne décédée à un taux se situant quelque part entre 27 % et 70 %. La succession doit payer la facture d’impôt avec des liquidités disponibles (qui font défaut à maintes personnes ayant réussi, précisément du fait que leur trésorerie est déployée), ou avec des sommes empruntées (inintéressant parce que l’intérêt ajoute au problème et n’est pas déductible) ou encore en vendant des actifs (or, une vente ne doit jamais s’effectuer sous pression et entraîne la perte du potentiel de croissance future des actifs cédés).

La solution à privilégier ? L’assurance-vie. Pour quelques cents par dollar, vous pouvez constituer un paiement unique libre d’impôt versé rapidement et pouvant couvrir la facture d’impôt finale. Et les personnes qui n’hésitent pas à emprunter pour investir peuvent recourir à un plan de financement immédiat (PFI) et créer ainsi une structure de flux de trésorerie neutre permettant un investissement continu dans des titres de capitaux propres privés, des biens immobiliers et des valeurs mobilières, plutôt que d’engager des fonds dans des primes d’assurance.

N2 : Éviter la double ou triple imposition

Ce que nous appelons la « planification post‑mortem » met l’accent sur l’élimination de la double ou triple imposition qui peut apparaître lorsqu’un actionnaire d’une société privée décède. Au décès, la disposition réputée des actions peut entraîner un impôt sur les gains en capital. Il peut également y avoir un impôt des sociétés sur les gains en capital résultant de la vente des actifs de la société, et un impôt sur les dividendes lorsque l’argent est retiré de la société et transféré aux héritiers.

Ces trois niveaux d’impôt peuvent éroder sensiblement la valeur d’une succession, mais deux stratégies, utilisées individuellement ou concurremment, peuvent aider :

  1. Report en arrière d’une perte sur rachat – élimine l’impôt sur les gains en capital et doit être mené à terme dans l’année d’imposition suivant le décès de l’actionnaire.
  2. Pipeline – élimine l’impôt sur les dividendes et peut être mené à terme dans les trois à cinq années suivant le décès de l’actionnaire.

Il convient généralement de procéder au report en arrière de la perte sur rachat lorsque vous avez des attributs fiscaux favorables tels des soldes d’impôt en main remboursable au titre de dividendes ou des soldes de comptes de dividendes en capital. Et souvent, il est souhaitable d’opter pour le pipeline lorsque vous êtes dans un environnement plus favorable quant aux gains en capital, comme en ce moment. Nous reviendrons plus en détail sur les deux stratégies dans un Bulletin fiscal ultérieur.

Les deux façons de procéder peuvent faire appel à l’assurance-vie de façon stratégique afin de réduire le taux d’impôt effectif.

N3 : Faire des legs justes

« Égal » ne veut pas dire nécessairement « juste ». Supposons que Mère et Père lancent une entreprise alors qu’ils ont trois enfants. La fille qui travaille dans l’entreprise reprendra éventuellement la société. Les deux fils exercent d’autres professions. Il serait « égal » de diviser les actions de la société entre les enfants, un tiers allant à chacun − mais cela ne serait pas « juste » pour la fille, qui se retrouverait soudainement actionnaire minoritaire, les deux tiers de son succès dans l’exploitation de l’entreprise étant versés à ses frères sous forme de dividendes. Il serait beaucoup plus juste de laisser l’entreprise à la fille et de céder d’autres actifs d’une valeur équivalente aux fils.

Selon les règles de répartition équitable du patrimoine, la succession est envisagée comme un tout plutôt qu’à la pièce, question de s’assurer que les legs sont justes pour tous les héritiers. Ce principe est essentiel lorsque la succession englobe une entreprise familiale, et aussi très utile dans les cas de familles recomposées. L’assurance-vie, facile à mettre en place, est un moyen efficient de parvenir à une répartition appropriée.

N4 : Diversifier les placements à revenu fixe

L’assurance-vie permanente offre une occasion sans égal de placement à l’abri de l’impôt, pouvant contribuer à la diversification d’un portefeuille d’autres actifs. Plus précisément, les familles ayant une valeur nette élevée redirigent souvent certains placements à revenu fixe dans une assurance-vie permanente afin d’améliorer les rendements tout en maintenant ou réduisant la volatilité.

Les contrats d’assurance-vie permanente sont tout à fait prévisibles et monotones, mais ils peuvent produire des rendements à long terme équivalant à un rendement avant impôts de 9 % ou plus. En outre, dans un contexte d’entreprise, vous pouvez payer les primes à même les revenus après impôts de la société, alors que la prestation de décès sera créditée au compte de dividendes en capital de la société, pour être retirée ensuite de la société pratiquement sans impôt. Il s’agit d’un moyen extrêmement efficient sur le plan fiscal de retirer de l‘argent d’une société pour en faire profiter la génération suivante.

Voici le moyen le plus simple de visualiser comment cette stratégie pourrait s’inscrire dans votre planification. Les soldes des CELI ont maintenant surpassé les soldes des REER au Canada. Imaginez avoir un CELI SANS plafond pour vous-même ou pour votre société. Votre argent pourrait croître en franchise d’impôt, être accessible sans impôt et être transféré presque sans impôt à vos héritiers. Une telle stratégie existe. C’est d’ailleurs ainsi que les familles fortunées utilisent l’assurance-vie permanente au Canada.

N5 : Mettre en place une stratégie philanthropique

Un objectif que privilégient de nombreuses familles fortunées est de prévoir un legs caritatif important. Il est possible de constituer un legs beaucoup plus important en convertissant des impôts en œuvre philanthropique grâce à une assurance-vie permanente. Il existe de nombreuses façons d’y parvenir, mais nous vous suggérons ici l’une des plus simples.

Les dons de bienfaisance peuvent effacer jusqu’à 75 % des impôts annuels nets à payer pour une année, et les montants excédentaires peuvent être reportés en avant jusqu’à cinq ans. Mais les règles sont même plus généreuses encore lorsque vient le moment de produire la déclaration de revenus finale d’une personne décédée. À ce moment, les dons de bienfaisance peuvent effacer jusqu’à 100 % des impôts dus pour l’année du décès et l’année précédente.

Par conséquent, si vous prévoyez une charge fiscale de 1 M$ d’impôt sur le revenu pour chacune de ces deux années au moment de votre décès, vous pourriez faire don d’une assurance-vie de 2 M$, une option efficiente sur le plan fiscal. Au lieu de verser beaucoup d’argent à l’ARC, vous pourriez ainsi effectuer un don important afin de soutenir les causes dans lesquelles vous croyez.

Enfin, vous pourriez envisager un PFI pour atteindre vos objectifs philanthropiques. Pour les personnes admissibles, il est intéressant d’avoir le beurre et l’argent du beurre, ce qui signifie que vous pouvez mieux servir les organismes de bienfaisance et les causes qui vous tiennent à cœur. Tout cela doit cependant être examiné dans le cadre de votre planification successorale globale.

Mise à jour : 8 December 2022