Il n’est pas rare qu’un actionnaire d’une société, en particulier dans le cas d’une petite entreprise dirigée par son propriétaire, utilise des fonds de la société pour acquitter des dépenses personnelles.
L’actionnaire peut avoir envisagé un tel retrait comme une façon de faire parmi d’autres − un prêt, le remboursement d’un emprunt, un avantage imposable, ou le versement d’un dividende ou d’un salaire − ou peut avoir simplement utilisé l’argent sans porter attention à la formule de retrait.
Les conséquences fiscales d’un retrait d’argent par l’actionnaire d’une société sont le plus souvent déterminées par la façon dont le retrait est comptabilisé dans les livres de la société puis présenté dans les déclarations de revenus du particulier et de la société.
Une société a le droit, par exemple, de prêter des fonds à ses actionnaires. Pour assurer le suivi du montant dû par l’actionnaire, le prêt doit être inscrit dans le compte « prêt à l’actionnaire » dans les livres de la société.
Aucun impôt n’est dû par l’actionnaire sur le prêt dans la mesure où ledit prêt est remboursé à la société au plus tard à la fin de l’année suivant l’année du prêt.
Le prêt serait toutefois traité comme un revenu imposable pour l’actionnaire s’il est toujours impayé après cette période. Ce n’est que lorsque le prêt sera éventuellement remboursé que l’actionnaire aura droit à une déduction fiscale qui annulera l’inclusion dans son revenu imposable.
Si un actionnaire retire un montant d’une société, et dans la mesure où ce montant n’est pas comptabilisé comme un prêt dans le compte « prêt à un actionnaire », la somme retirée peut être considérée immédiatement comme un revenu imposable entre les mains de l’actionnaire.
Par conséquent, il est essentiel de consigner les intentions de la société et de l’actionnaire au moment où ce dernier procède à un retrait.
La cause Kumar (2024 CCI 105) est un exemple récent de la mesure dans laquelle il est important de bien comptabiliser ces types de retraits [jugement en anglais seulement].
Dans Kumar, le contribuable, alors septuagénaire, avait réhypothéqué sa maison en deux occasions distinctes dans le but de lancer une entreprise automobile et d’aider ainsi son fils dans le développement de sa carrière − le fils était un mécanicien automobile diplômé qui projetait d’exploiter une entreprise automobile par l’entremise d’une nouvelle société que M. Kumar aurait constituée juridiquement.
En 2013 et 2014, la société avait versé plus de 40 000 $ au contribuable. M. Kumar a témoigné que les montants en cause constituaient des remboursements des prêts qu’il avait consentis à la société pour sa constitution et le financement de ses activités.
Le compte « prêt d’un actionnaire » de la société n’avait toutefois pas été mis à jour pour refléter ces remboursements. En conséquence, l’ARC a réévalué les années d’imposition 2013 et 2014 de M. Kumar en faisant valoir que les sommes payées par la société représentaient des avantages con-férés à un actionnaire, plutôt que des rem-boursements relatifs à son prêt à la société.
Kumar avait préparé les déclarations de revenus de la société. Il avait précédemment suivi un cours de fiscalité, mais n’avait aucune formation en fiscalité des entreprises; il a aussi admis qu’il ne savait pas comment comptabiliser correctement les remboursements relatifs au prêt d’un actionnaire dans les livres de la société. Il a toutefois confirmé que les sommes reçues étaient bien des remboursements sur le prêt de l’actionnaire.
Même si la Cour canadienne de l’impôt (CCI) a jugé que le contribuable était un témoin crédible, cela n’a pas suffi pour que les paiements soient classés comme des remboursements du prêt de l’actionnaire puisqu’il n’y avait aucune écriture à cet effet dans le compte de prêt.
La cour a affirmé que, pour être admis à titre de remboursements du prêt de l’actionnaire, les paiements devaient être comptabilisés comme tels dans les livres du payeur et que l’intention subjective du contribuable, exprimée après le fait, avait au mieux une faible pertinence.
Même si la cour a accepté que des omissions « ponctuelles» dans le compte « prêt d’un actionnaire » peuvent parfois être corrigées après le fait, une pratique persistante de ne pas comptabiliser des opérations dans ce compte ne le permet pas.
Le juge a conclu que le contribuable avait le choix de rechercher une aide professionnelle pour s’assurer que les livres de la société étaient bien tenus ou d’apprendre comment les tenir lui-même. M. Kumar n’avait retenu aucune des deux options.
La CCI a maintenu la réévaluation des montants en cause par l’ARC comme devant être inclus dans le revenu imposable de l’actionnaire, plutôt que d’être considérés comme des remboursements de son prêt à la société.
Le résultat malheureux pour le contribuable dans Kumar doit servir de leçon aux propriétaires d’entreprise. Si des prêts sont faits à une société par un actionnaire, ou obtenus par la société auprès d’un actionnaire, la comptabilisation exacte des opérations est cruciale afin que soit évitée une désagréable surprise fiscale.