Moore
Bulletin d’avril 2024

Les conseillers professionnels se font poser la question régulièrement : pourquoi les impôts sont-ils si compliqués? La version papier actuelle de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) compte quelque 2 000 pages! Comment en sommes-nous arrivés là?

La réponse tient en partie à l’un des principes les plus fondamentaux du système fiscal canadien : l’intégration.

La prémisse générale de l’intégration veut que tout revenu supporte le même montant d’impôt total, quelle que soit l’entité utilisée pour gagner ledit revenu.

Par exemple, un particulier qui exerce son activité commerciale dans le cadre d’une entreprise individuelle, et touche le revenu de l’entreprise directement, devrait payer le même impôt sur le revenu total qu’une personne qui utilise le cadre de la société par actions (où sont payés à la fois un impôt sur le revenu des sociétés et un impôt sur le revenu des particuliers).

Tout simple, en théorie. En pratique, toutefois, l’objectif est difficile à atteindre étant donné les divers types de revenus attendus (revenu d’entreprise, revenu de salaire, revenu de dividende, etc.).

L’intégration véritable (cette notion simple décrite ci-dessus) est contrecarrée du fait de ces différences. Certaines structures d’entreprise et certaines provinces sont légèrement plus favorables ou défavorables du point de vue fiscal. Il reste, toutefois, que l’intégration fonctionne assez bien pour ce qui est de minimiser ces différences.

Exemple d’un revenu de dividende

Pour illustrer comment le principe de l’intégration peut compliquer les choses en pratique, prenons l’exemple d’un revenu gagné dans une société au regard d’un revenu gagné personnellement par un particulier.

Lorsque le revenu est gagné par un particulier, les incidences fiscales sont assez simples : les profits d’entreprise sont imposés aux taux personnels s’appliquant aux « autres revenus » et les revenus de placement sont principalement assujettis aux taux d’imposition personnels des dividendes.

Conformément au principe de l’intégration, le même revenu gagné par l’entremise d’une société devrait produire le même résultat fiscal. Cependant, les taux de l’impôt sur le revenu des sociétés sont inférieurs aux taux d’impôt personnels parce que l’on reconnaît qu’il y aura une couche d’imposition additionnelle lorsque les fonds seront distribués aux actionnaires.

 

De plus, dans le cas d’un revenu d’entreprise, les actionnaires paieront vraisemblablement l’impôt sur cette seconde couche de revenu aux taux d’imposition des dividendes, lesquels sont différents des taux s’appliquant aux « autres revenus ».

Pour ajouter à la complexité, certaines entreprises ont droit à un taux réduit d’impôt sur le revenu sur leur première tranche de 500 000 $ de revenu d’entreprise (du fait de la déduction accordée aux petites entreprises), ce qui réduit encore davantage leur impôt total à payer, et risque de compromettre l’intégration.

Pour contrer cette difficulté, un régime complexe de crédits d’impôt pour dividendes et d’impôts remboursables a été jugé essentiel. Ce régime a nécessité l’introduction d’un tout nouveau type d’impôt sur les sociétés (l’impôt de la Partie IV), prenant la forme d’un impôt remboursable sur les sociétés, lequel sera remboursé lorsque des dividendes seront versés ultimement aux actionnaires.

Planification fiscale

De nombreux plans fiscaux actuellement utilisés sont également le résultat de l’intégration. Comme l’intégration n’entraîne que peu ou pas d’avantages fiscaux qui dépendent de la nature de l’entité, les planificateurs fiscaux essaient, tout en se conformant aux règles de la LIR, d’obtenir un résultat qui s’écarte du principe de l’intégration, procurant à leurs clients un avantage fiscal supérieur à la normale.

La complexité croissante de la LIR fait que, de plus en plus, divers articles de la Loi ne s’intègrent pas correctement (sans jeu de mots) aux autres, ce qui ouvre la possibilité d’« échappatoires », dans la mesure où l’on peut les dénicher.

Cette situation nécessite l’adoption de dispositions anti-évitement là et au moment où de tels plans émergent, ce qui ajoute encore à la longueur de la Loi et à sa complexité.

Qu’est-ce donc qui rend la loi si compliquée? Fait surprenant, l’intégration est, en partie, la réponse simple!

Mise à jour : 10 April 2024