Moore
Bulletin de mai 2021

Nous avons abordé brièvement cette question dans notre Bulletin de fiscalité de mars 2021 (sous « Dix erreurs fréquentes en impôt »). Plus de détails sont donnés ici.

De manière générale, les pensions alimentaires pour enfant versées à un ex-conjoint (époux ou conjoint de fait) ne sont ni déductibles pour le payeur, ni incluses dans le revenu du bénéficiaire. Une exception s’applique si l’ordonnance du tribunal ou l’accord qui sous-tend le paiement remonte avant mai 1997, s’il n’y a eu ni modification ni remplacement par une autre ordonnance ou un autre accord après avril 1997, et si les parties n’ont pas fait le choix de demander l’application des règles actuelles. (Cette règle ne s’applique presque plus désormais, car la plupart des pensions alimentaires pour enfant se terminent vers l’âge de 18 ans.) Dans ces rares cas, le payeur peut déduire le montant de la pension versée pour l’enfant, et le bénéficiaire doit l’inclure dans son revenu.

Par ailleurs, les pensions alimentaires versées pour un conjoint sont généralement déductibles pour le payeur et incluses dans le revenu du bénéficiaire, dans la mesure où certaines conditions sont remplies. Si elles ne le sont pas, il n’y a ni déduction ni inclusion.

Les conditions générales comprennent les éléments suivants :

  1. Le paiement d’une pension alimentaire à un ex-conjoint doit prendre la forme d’une « allocation périodique ». Ainsi, normalement, une somme forfaitaire ou un montant non périodique n’est pas admissible (quelques exceptions sont mentionnées ci-après). Les tribunaux ont affirmé que les facteurs suivants sont pertinents dans la détermination du caractère périodique de l’allocation :
    • L’intervalle entre les paiements. Les sommes qui sont versées chaque semaine ou chaque mois peuvent être plus facilement considérées comme des allocations périodiques. Lorsque les intervalles sont plus longs, la situation est moins claire. Si les paiements sont faits à intervalles supérieurs à un an, l’ARC et, ultimement, un tribunal peut décider qu’ils ne constituent pas des allocations périodiques.
    • Le montant des paiements au regard du revenu et du niveau de vie du payeur et du bénéficiaire. Lorsque le paiement équivaut à une part importante du revenu du payeur ou du bénéficiaire, il est peu probable qu’il soit considéré comme une allocation périodique. Par ailleurs, lorsque le paiement ne dépasse pas ce qui devrait être nécessaire pour assurer le maintien du niveau de vie du bénéficiaire, il est plus susceptible d’être admis comme une allocation.
    • Si les paiements prévoient des intérêts jusqu’à leur échéance, un tribunal pourrait affirmer qu’il s’agit essentiellement du versement d’un montant forfaitaire que le payeur a été autorisé à échelonner sur une période de temps, plutôt que d’une allocation périodique.
    • Une allocation périodique s’applique le plus souvent soit pour une période indéterminée soit jusqu’à ce que se produise un événement tel le remariage du bénéficiaire, ou quelque autre événement qui entraîne un changement important des besoins financiers du bénéficiaire. Les montants payables sur une durée déterminée peuvent être considérés comme ne constituant pas une allocation périodique et, en conséquence, comme n’étant ni déductibles pour le payeur ni inclus dans le revenu du bénéficiaire.
    • Si les paiements libèrent le payeur d’obligations futures de verser une pension alimentaire (par exemple, des paiements initiaux pendant quelques années plutôt que des paiements pendant de nombreuses années), ils peuvent être considérés comme n’étant pas des allocations périodiques.
  2. Le bénéficiaire doit avoir discrétion quant à l’utilisation du montant, ce qui signifie que le bénéficiaire, et non le payeur, détermine à quoi serviront les fonds. Par conséquent, si le payeur verse les fonds sous condition qu’ils soient utilisés d’une façon déterminée, ils pourraient ne pas être admissibles (une exception à cette règle est décrite plus loin).
  3. Bénéficiaire et payeur doivent vivre séparés en raison de l’échec de leur mariage ou de leur union de fait.
  4. Le paiement doit être fait en vertu de l’ordonnance d’un tribunal ou d’un accord écrit conclu entre les parties.

Exception aux règles générales

Une disposition particulière de la loi a préséance sur les règles générales selon lesquelles le paiement d’une pension alimentaire pour conjoint doit être périodique et le bénéficiaire doit avoir discrétion quant à l’utilisation des fonds.

Un paiement forfaitaire peut être déductible pour le payeur et inclus dans le revenu du bénéficiaire, en dépit du fait qu’il n’est pas périodique, que le bénéficiaire n’a pas discrétion quant à l’utilisation des fonds, et même que le paiement est fait à un tiers plutôt que directement au bénéficiaire. Cette disposition particulière s’applique seulement si l’ordonnance du tribunal ou l’accord prévoit que les parties consentent à son application. La disposition peut s’appliquer à des frais comme les frais médicaux, les frais de scolarité, le loyer et les versements hypothécaires dont le payeur s’acquitte auprès du bénéficiaire ou d’un tiers (par exemple, un établissement de santé, une école, un propriétaire ou une banque). Dans le cas de paiements hypothécaires (capital et intérêts) relatifs à la résidence du bénéficiaire, la déduction annuelle se limite en général à 1/5 du montant de capital du prêt hypothécaire initial.

En plus de cette règle particulière, l’ARC est d’avis qu’un paiement forfaitaire est déductible pour le payeur et inclus dans le revenu du bénéficiaire s’il :

  • représente des montants exigibles périodiquement après la date de l’ordonnance du tribunal ou de l’accord écrit et qui sont devenus en souffrance;
  • est versé en vertu d’une ordonnance d’un tribunal et en rapport avec une obligation existante de paiement d’une pension alimentaire périodique, selon laquelle le paiement représente l’accélération ou le devancement du versement d’une pension future périodique, à la seule fin de garantir les fonds au bénéficiaire, ou
  • est versé en vertu d’une ordonnance d’un tribunal qui établit une obligation claire de verser une pension alimentaire périodique rétroactive pour une période définie antérieure à la date de l’ordonnance.

Paiements faits avant l’ordonnance du tribunal ou l’accord

Pour être déductible, une pension alimentaire au conjoint doit être versée « en vertu » d’une ordonnance d’un tribunal ou d’un accord écrit entre les parties. De ce fait, les paiements faits avant le rendu de l’ordonnance ou la conclusion de l’accord ne sont normalement pas déductibles pour le payeur ni inclus dans le revenu du bénéficiaire.

Cependant, une autre disposition de la LIR prévoit que des paiements faits avant la date de l’ordonnance ou de l’accord peuvent être déductibles pour le payeur et inclus dans le revenu du bénéficiaire, si l’ordonnance ou l’accord établit que cette règle s’applique. Ceci ne vaut toutefois que pour les paiements faits dans l’année civile de l’ordonnance ou de l’accord ou dans l’année civile précédente.

Règles d’ordonnancement dans les cas conjuguant des pensions pour conjoint et enfant

Si des pensions alimentaires sont versées à la fois pour un conjoint et pour un enfant chaque année en temps opportun, la règle d’ordonnancement n’a pas vraiment de signification. Cependant, la règle s’applique si les paiements ne sont pas faits en entier chaque année. De manière générale, les paiements de pension alimentaire sont imputés à la satisfaction des besoins de l’enfant (non déductibles) jusqu’à ce que la pension soit versée intégralement, avant d’être imputés à la satisfaction des besoins du conjoint (déductibles).

Exemple

Ahmed est tenu, en vertu d’une ordonnance du tribunal ou d’un accord écrit, de verser chaque année une pension alimentaire de 60 000 $ pour son enfant et une pension alimentaire de 40 000 $ pour sa conjointe, pour un total de 100 000 $. En 2021, pour des raisons financières, il ne paie que 80 000 $ au total.

En vertu de la règle d’ordonnancement, la première tranche de 60 000 $ des 80 000 $ payés en 2021 sera considérée comme une pension pour l’enfant et ne sera donc pas déductible dans le calcul du revenu d’Ahmed. La seconde tranche de 20 000 $ sera considérée comme une pension pour sa conjointe et sera déductible.

En 2022, Ahmed a de meilleures rentrées de fonds et paie alors un total de 120 000 $ — soit le total de 100 000 $ des pensions dues en 2022 plus les 20 000 $ d’insuffisance en 2021. Par conséquent, en 2022, il peut déduire 60 000 $, soit l’insuffisance de 20 000 $ de 2021 plus les 40 000 $ de pension alimentaire à sa conjointe pour 2022.

Son ex-conjointe doit inclure dans ses déclarations les mêmes montants que ceux qui sont déductibles dans les déclarations d’Ahmed.

Mise à jour : 17 May 2021