Moore
Bulletin de décembre 2019

Qu’arrive-t-il sur le plan fiscal si vous quittez votre emploi de votre gré ou si vous êtes congédié, et que votre employeur vous donne un montant d’argent additionnel?

Le plus souvent, vous pourriez recevoir l’un des deux types de paiements suivants, ou les deux :

  1. Un prolongement du versement de votre salaire pendant une période au cours de laquelle vous conservez le statut officiel d’employé. Par exemple, on pourrait vous donner un avis de licenciement de 12 mois, période au cours de laquelle le versement de votre salaire se poursuivrait et vos avantages seraient maintenus – que vous continuiez ou non à vous présenter au travail.
  2. Une indemnité de cessation d’emploi. Par exemple, on pourrait vous verser 12 mois de salaire, cela de plusieurs façons :
    • Votre employeur vous offre un forfait « retraite anticipée », que vous acceptez.
    • On vous licencie et vous acceptez une offre d’indemnité de cessation d’emploi de 12 mois.
    • On vous licencie et vous n’acceptez pas l’offre de votre employeur. Vous consultez plutôt un avocat, qui menace votre employeur de poursuite pour licenciement abusif. Vous entamez peut‑être même une poursuite. Vous obtenez plus tard un règlement, avec l’aide de votre avocat, et l’employeur vous paie l’équivalent de 12 mois de salaire.
    • On vous congédie et vous poursuivez votre ancien employeur. La cause ne se règle pas avant procès, et le tribunal vous accorde 12 mois de salaire pour congédiement injustifié.

Les paiements de type 1), qui prolongent le versement de votre salaire, sont considérés comme un revenu d’emploi ordinaire, et reçoivent le même traitement que le salaire que vous touchiez avant de recevoir l’avis. La même retenue à la source s’applique également – c’est-à-dire une retenue à peu près égale au montant d’impôt que vous devrez payer sur ce revenu. L’impôt continuera en outre de s’appliquer aux avantages imposables qui se poursuivront pendant que vous recevez toujours un salaire.

Les paiements de type 2) – qu’ils aient été simplement offerts par l’employeur (et acceptés), versés en règlement d’une poursuite pour licenciement abusif ou accordés par un tribunal – s’inscrivent dans la définition de ce que la LIR désigne comme une « allocation de retraite ». Cette expression englobe en outre un paiement véritablement effectué en reconnaissance de longs états de service au moment de votre départ à la retraite.

Une « allocation de retraite » est imposable et doit être incluse comme revenu dans votre déclaration de revenus. Il n’importe donc pas, sous certains aspects, que vous obteniez un prolongement du versement de votre salaire ou une indemnité de cessation d’emploi. Il y a toutefois un grand nombre de différences importantes entre une « allocation de retraite » et un revenu d’emploi ordinaire.

  • Si votre emploi auprès de cet employeur (ou d’un employeur lié) a commencé avant le 1er janvier 1996, une partie de l’allocation de retraite peut être transférée à votre REER plutôt que d’être imposée cette année. Vous pouvez transférer jusqu’à 2 000 $ pour chaque année (ou partie d’année) civile au cours de laquelle vous avez été à l’emploi de cet employeur (ou d’un employeur lié) avant 1996.
  • De même, si vous ne participiez pas à un régime de pension ou un régime de participation différée aux bénéfices dans lequel vous aviez des droits acquis, vous pouvez ajouter 1 500 $ de plus pour chacune de ces années au cours de laquelle vous étiez un employé avant 1989.
  • Si l’argent en question est transféré directement par votre employeur à votre REER, aucun impôt ne sera retenu sur cette somme. Cependant, si votre employeur ne s’en charge pas, vous pouvez effectuer le transfert vous-même, dans la mesure où vous le faites dans les 60 jours suivant la fin de l’année (échéance identique à celle des versements ordinaires à un REER).
  • Une « allocation de retraite » n’est pas considérée comme un revenu d’emploi aux fins de l’impôt. (Techniquement, elle est imposable en vertu de l’article 56 de la LIR, plutôt qu’en vertu des articles relatifs au revenu d’emploi, soit les articles 5, 6 et 7.) Il ne se crée donc pas de droits de cotisation à un REER (sauf pour un emploi antérieur à 1996 comme nous l’avons vu plus tôt), et l’allocation de retraite ne compte pas comme un « revenu gagné » aux fins de la déduction pour frais de garde d’enfants. Cela signifie en outre que ni vous, ni votre employeur, n’aurez à verser de cotisations au Régime de pensions du Canada / Régime de rentes du Québec ou à l’assurance-emploi sur l’« allocation de retraite ». En conséquence, si le paiement est fait tôt dans l’année civile alors que des cotisations au RPC / RRQ et à l’AE. doivent être versées sur un revenu d’emploi, une « allocation de retraite » pourrait se révéler préférable.
  • La retenue d’impôt sur l’allocation de retraite (autre qu’un montant transféré directement à votre REER dans le cas évoqué plus tôt) est de 10 % pour les montants jusqu’à 5 000 $, 20 % du total pour les montants se situant entre 5000,01 $ et 15 000 $, et 30 % du total pour les montants supérieurs à 15 000 $. (Au Québec, la retenue est de 21 %, 30 % et 35 %, respectivement.) Cette retenue  n’est qu’un paiement anticipé de votre impôt; l’impôt réel que vous paierez sera calculé dans votre déclaration de revenus pour l’année, revenus qui incluront l’allocation de retraite, et vous obtiendrez un crédit pour l’impôt retenu. Par conséquent, si vous vous situez dans une tranche d’impôt de 50 %, vous devrez peut-être mettre de côté une somme additionnelle égale à 20 % du montant avant impôt pour couvrir l’impôt que vous devrez payer le printemps suivant.
  • Si vous devenez un non-résident avant de recevoir l’allocation de retraite, le seul impôt applicable sera une retenue d’impôt uniforme de 25 % à laquelle sont assujettis les non-résidents, plutôt que l’impôt sur le revenu personnel de base à des taux allant jusqu’à 54 %.

Existe-t-il un moyen de libérer le règlement de l’impôt?

Outre le transfert dans un REER décrit plus tôt, il y a d’autres moyens de faire en sorte que des paiements pour licenciement abusif soient, du moins partiellement, libérés de l’impôt.

  • Si vous poursuivez votre employeur pour un préjudice de l’ordre d’une souffrance morale ou d’une diffamation (calomnie ou médisance) et que le règlement ou la sentence de la cour vous attribue explicitement un montant au titre de tels dommages-intérêts, le montant peut ne pas être imposable.
  • Si vous adoptez cette approche, préparez-vous à vivre dans l’incertitude pendant plusieurs années. Il y a toujours de bonnes chances que votre situation ne fasse même pas l’objet d’une vérification, encore moins d’une nouvelle cotisation. Une fois trois ans passés après la date de l’avis de cotisation pour l’année au cours de laquelle vous recevez le paiement, l’ARC ne peut normalement pas vous adresser un avis de nouvelle cotisation.
  • Dans la même veine, l’ARC accepte normalement que, si vous et votre employeur classez une partie de la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour une violation des droits de la personne, cette partie sera libre d’impôt (jusqu’au maximum qui pourrait être accordé en vertu de la législation applicable relative aux droits de la personne).
  • Tout comme ci-dessus, il peut être possible, dans le cas de méfaits graves de la part de votre employeur, qu’un tribunal classe une partie de la somme à titre de « dommages punitifs » ou de « dommages exemplaires », lesquels ne seraient pas imposables.
  • Vous pouvez demander à votre employeur qu’il vous fournisse des services conseil en matière de réemploi ou de retraite dans le cadre du règlement. Ce sont là des avantages non imposables en vertu de la LIR.
  • Les montants payés par l’employeur à votre avocat en règlement de vos frais juridiques ne sont pas imposables pour vous. De même, si vous touchez l’argent et payez votre avocat vous-même, les frais juridiques sont déductibles du montant du règlement et peuvent ainsi réduire l’« allocation de retraite » ou le revenu d’emploi sur lequel vous devez payer l’impôt.

Considérant tous les aspects fiscaux, il est crucial que vous procédiez à une planification fiscale très tôt dans le processus de réclamation de dommages pour licenciement abusif  dès la première lettre que vous ou votre avocat adressez à l’employeur.

Mise à jour : 13 December 2019

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