Moore
Bulletin de juin 2022

En février 2018, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il prévoyait exiger des déclarations fiscales détaillées de toutes les fiducies au Canada. Les fiducies sont constituées pour diverses raisons, comme préserver la propriété privée des biens d’une famille, et protéger des enfants jusqu’à ce qu’ils soient assez vieux et sérieux pour gérer l’argent de sage façon. Y ont également recours certains contribuables qui souhaitent cacher de l’information au gouvernement. Même si les fiducies qui gagnent un revenu sont tenues de produire des déclarations de revenus et de payer l’impôt sur le revenu depuis de nombreuses décennies, rien ne les obligeait jusqu’à maintenant à fournir beaucoup de détails courants sur leur structure de fonctionnement, leurs bénéficiaires et leur contrôle − à moins d’être sélectionnées spécifiquement pour un audit de l’Agence du revenu du Canada (ARC) leur demandant ces renseignements. De plus, les fiducies qui ne payaient pas effectivement d’impôt − mais détenaient des actifs importants − n’étaient généralement pas tenues de produire des déclarations de revenus.

Un avant-projet de loi visant à instaurer un nouveau régime de déclaration a été publié en juillet 2018, aux fins de consultation publique, dans l’intention que les règles entrent en vigueur pour l’année d’imposition 2021. Cependant, après avoir reçu de très nombreux commentaires, le ministère des Finances n’a pas publié de version révisée de l’avant-projet de loi, ni ne l’a inclus dans un texte de loi, pendant plusieurs années.

Le 4 février 2022, le ministère des Finances a enfin publié une version révisée de l’avant-projet de loi et des règlements. Au moment de la rédaction du présent Bulletin, le ministère n’avait pas encore soumis de projet de loi au Parlement, mais ledit projet sera fort probablement adopté cette année. Les nouvelles règles entreront en vigueur pour l’année d’imposition 2022 (en fait, pour les années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2022), ce qui fait qu’elles s’appliqueront aux déclarations de revenus des fiducies de 2022 qui doivent être produites au plus tard le 31 mars 2023.

En vertu des nouvelles dispositions réglementaires (article 204.2 du Règlement), toute fiducie (sous réserve de quelques exceptions décrites ci-après) sera tenue de donner le nom, l’adresse, la date de naissance, la juridiction de résidence et le numéro d’identification fiscale de tout fiduciaire et bénéficiaire, ainsi que de toute personne qui a constitué la fiducie ou lui a transféré ou prêté de l’argent (sans tenir compte toutefois du transfert pour une contrepartie à la juste valeur marchande ni d’un prêt à un taux d’intérêt raisonnable). Toute personne agissant comme « protecteur » ou en mesure de prendre certaines décisions concernant la fiducie doit aussi être inscrite sur la liste.

Les pénalités pour défaut de se conformer à ces nouvelles règles de divulgation seront sévères. Même dans le cas d’une non-divulgation de bonne foi, la pénalité pour non-production ou production tardive sera de 25 $ par jour, avec un minimum de 100 $ et un maximum de 2 500 $ (après 100 jours). Au surplus, s’il s’agit d’une non-conformité de mauvaise foi ou résultant d’une négligence dans des circonstances équivalant à une faute lourde (par exemple, dans un cas d’aveuglement volontaire), une pénalité supplémentaire (minimum de 2 500 $ et maximum de 5 % de la juste valeur marchande totale la plus élevée de la fiducie dans l’année) sera imposée. Par exemple, si une personne ne déclare pas délibérément ces renseignements pendant les cinq années précédant la découverte du manège par l’ARC, elle sera assujettie à une pénalité égale à 25 % ou plus des biens de la fiducie − plus les intérêts courus sur la pénalité.

De plus, en vertu des modifications annoncées le 4 février, les simples fiducies (bare trusts) devront être déclarées elles aussi (par. 150(1.3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR)). Les simples fiducies sont largement utilisées au Canada pour la détention de biens immobiliers commerciaux − le plus souvent une société prête-nom est le propriétaire légal d’un bien, à titre de simple fiduciaire pour les propriétaires véritables. Si la proposition n’est pas modifiée, il en résultera de nombreux problèmes de conformité et, vraisemblablement, de lourdes pénalités seront imposées du fait que les simples fiducies existantes n’auront pas toutes fait l’objet d’une déclaration. Si vous participez à la propriété d’un bien immobilier commercial détenu par une simple fiducie, vous devez procéder à un suivi pour apprécier l’application de cette règle.

Certaines fiducies sont exemptées de ces règles :

  • une fiducie qui existe depuis moins de trois mois à la fin de l’année
  • une fiducie qui ne détient que des liquidités et certains placements (comme des actions cotées et des parts de fonds communs de placement) d’une valeur totale ne dépassant pas 50 000 $
  • un compte en fiducie exigé en loi pour une activité réglementée, comme celle d’un avocat ou d’un courtier immobilier, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une fiducie distincte pour un ou des clients précis
  • un organisme de bienfaisance enregistré, un organisme sans but lucratif, une fiducie de fonds commun de placement, une fiducie de soins de santé au bénéfice d’employés, et nombre d’autres fiducies régies par la LIR (par exemple, les REER, FERR, REEE, CELI, les régimes de pension agréés et beaucoup d’autres).

Si ces règles sont mises en application comme il est proposé et que vous êtes fiduciaire ou détenez le contrôle d’un bien en fiducie, vous devrez vous assurer de la conformité à ces règles au plus tard le 31 mars 2023 ou vous pourriez être soumis aux pénalités. Vous devez donc vous tenir à jour quant à cet enjeu et trouver à quel moment les dispositions législatives seront adoptées et dans quelle mesure exactement les règles s’appliqueront à votre cas.

Mise à jour : 2 June 2022

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