La LIR comporte de nombreuses règles anti-évitement. La plupart d’entre elles sont des règles anti-évitement « spécifiques » en ce sens qu’elles ciblent des manœuvres et opérations frauduleuses. Par exemple, les règles d’attribution du revenu vous empêchent de fractionner un revenu avec des membres de votre famille dans certaines situations. (Nous avons déjà traité des règles d’attribution du revenu et nous les résumerons à nouveau dans un Bulletin de fiscalité ultérieur.)
En plus de ces règles spécifiques, une règle générale anti-évitement (RGAE) peut potentiellement s’appliquer à toute opération ou événement qui contrevient au plan général et à l’esprit de la LIR.
Si la RGAE s’applique, les résultats de votre opération ou manœuvre pourraient être redéfinis en résultats « raisonnables dans les circonstances », ce qui signifie que vous paierez plus d’impôt que vous aviez prévu. L’Agence du revenu du Canada (ARC), ou éventuellement les tribunaux, peuvent invoquer cette règle pour réduire une déduction, majorer une inclusion, ou réduire un crédit, et ils peuvent utiliser la règle à d’autres fins défavorables au contribuable si la RGAE s’applique.
Mais, quand donc cette RGAE s’applique-t-elle?
D’abord, il doit y avoir une « opération d’évitement », laquelle s’entend d’une opération ou d’un événement qui vous amène, directement ou indirectement, à bénéficier d’un avantage fiscal — qui pourrait se traduire, notamment, par une inclusion additionnelle dans le revenu, une réduction de vos déductions, ou plus généralement une réduction de votre impôt à payer (dont un impôt futur à payer, en vertu d’une modification proposée à la RGAE qui s’appliquera rétroactivement). Toutefois l’opération n’est pas une opération d’évitement si vous pouvez démontrer que l’opération a été menée ou l’événement est survenu principalement à des fins véritables autres que l’obtention de l’avantage fiscal. En général, si vous pouvez démontrer que l’opération ou l’événement visait principalement des fins d’entreprise, des fins de placement ou des fins personnelles, et non l’obtention de l’avantage fiscal, vous ne serez pas soumis à la RGAE.
Une opération d‘évitement comprend en outre une opération ou un événement s’inscrivant dans une série d’opérations ou d’événements, série qui vous amène à obtenir un avantage fiscal. Cette règle élargit sensiblement la notion d’opération d’évitement parce que, même si l’opération elle-même ne produit pas d’avantage fiscal, si la série d’opérations le fait, vous pouvez toujours être soumis à la RGAE. Ici encore, une exception prévoit que la RGAE ne s’applique pas, en ce sens que l’opération n’est pas une opération d’évitement, si vous pouvez démontrer que l’opération a été considérée comme ayant été menée principalement à des fins véritables autres que l’obtention de l’avantage fiscal.
Par bonheur, il existe aussi une disposition prépondérante, suivant laquelle la RGAE ne s’applique que si l’opération ou la manœuvre entraîne un « abus » de dispositions précises de la LIR ou d’autres lois fiscales.
Côté négatif, cette disposition relative à l’ « abus » est difficile à interpréter dans maintes situations, et exige le recours à un avocat fiscaliste ou autre expert en fiscalité pour obtenir des éclaircissements. Et, même alors, si le cas se retrouve en cour, il appartient aux juges de déterminer si la RGAE s’applique ou non.