Moore
Bulletin de décembre 2023

Un bien en immobilisation est un bien sur lequel tout gain est imposé à titre de gain en capital. Seulement la moitié d’un gain en capital − le « gain en capital imposable » − est incluse dans le revenu dans votre déclaration de revenus. Le gain en capital n’est donc imposé qu’à la moitié du taux d’un revenu ordinaire comme un revenu d’intérêts ou un revenu d’emploi.

Tous les gains ne sont pas forcément des gains en capital. Si vous exploitez une entreprise d’achat et de vente de biens − par exemple, un commerce de détail −, il va de soi que les gains que vous tirez des produits que vous vendez sont des profits d’entreprise, qui sont pleinement imposables, et non des gains en capital. Certains types de gains se situent à la frontière. La Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) définit le terme « entreprise » − entité dont le revenu est pleinement imposable − comme incluant une « affaire de caractère commercial ». Cette formulation a été interprétée dans des centaines de jugements rendus par les tribunaux.

Si votre activité est une « entreprise » ou une « affaire de caractère commercial », votre gain sera « pleinement imposable » (au titre de la vente d’articles figurant dans un inventaire). Dans le cas contraire, votre gain ne sera imposé que pour la moitié à titre de gain en capital. En revanche, les pertes d’entreprise sont pleinement déductibles du revenu, alors que les pertes en capital ne sont déductibles que pour la moitié et, normalement des seuls gains en capital imposables. Alors, comment déterminer la différence entre un bien en immobilisation et un bien figurant dans un inventaire?

La différence tient essentiellement à l’intention. Si vous achetez un bien avec l’intention de le revendre, il est présumé que vous œuvrez dans une entreprise et le gain sera pleinement imposé à titre de profit d’entreprise.

Biens immeubles

Les principaux enjeux concernent généralement les biens immeubles. Vous pouvez construire une habitation en vue de l’habiter (bien en immobilisation), mais vous pouvez aussi envisager de la vendre (bien figurant dans un inventaire). Votre société pourrait acheter un terrain avec l’intention d’y aménager un centre commercial offrant des espaces en location (bien en immobilisation), ou d’y installer un parc de maisons neuves qu’elle vendra (bien figurant dans un inventaire).

Dans son Bulletin d’interprétation IT-218R, « Bénéfices, gains en capital et pertes provenant de la vente de biens immeubles », l’ARC énonce ses arguments à savoir si l’achat et la vente d’un bien immeuble sera considéré comme produisant des profits d’entreprise ou des gains en capital. Au paragraphe 3 du Bulletin sont énumérés douze facteurs que l’ARC juge pertinents :

  1. l’intention du contribuable en ce qui concerne le bien immeuble au moment de l’achat;
  2. la vraisemblance de l’intention du contribuable;
  3. l’emplacement géographique du bien immeuble acquis et son zonage;
  4. la mesure dans laquelle l’intention du contribuable est réalisée;
  5. la preuve que l’intention du contribuable a changé après l’achat du bien immeuble;
  6. la nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés;
  7. la mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et les modalités arrêtées pour le financement s’il y a lieu;
  8. a période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable;
  9. le fait que la possession du bien immeuble soit partagée avec des personnes autres que le contribuable;
  10. la nature de la profession des autres personnes mentionnées en i) ci-dessus, de même que leurs intentions avouées et leur ligne de conduite;
  11. les facteurs qui ont motivé la vente du bien immeuble;
  12. la preuve que le contribuable et/ou les associés se livrent sur une grande échelle au commerce de l’immeuble.

Pour déterminer quelle est l’intention à l’égard du bien, les tribunaux ont aussi mis au point la notion d’« intention secondaire ». Si vous avez l’intention d’utiliser le bien comme un bien en immobilisation, mais aussi l’intention secondaire de le vendre si l’intention principale ne se matérialise pas, le bien peut alors être considéré comme un bien figurant dans un inventaire et le gain peut être pleinement imposable. L’ARC traite de la question dans le Bulletin d’interprétation IT-459. Certes, à peu près n’importe qui vendra le bien si la bonne offre se présente, de telle sorte que l’intention secondaire doit être plus qu’un simple souhait de vendre si le prix est bon. Souvent, il n’y a pas de démarcation claire, mais la Cour d’appel fédérale a affirmé, dans le jugement Canada Safeway, en 2008, que pour qu’il y ait intention secondaire, l’acquisition du bien doit avoir été motivée par l’intention […] de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait ».

Résidence principale

La possibilité de traiter votre résidence principale (votre maison) comme un bien en immobilisation est toujours attrayante, même davantage que le traitement de base « à la moitié du taux d’impôt » accordé aux gains en capital. Le gain réalisé sur une résidence principale est le plus souvent totalement exonéré de l’impôt.

Cependant, si vous exploitez une entreprise de construction, ou si vous changez souvent de résidence, prudence! De nombreux modestes constructeurs de résidences ont tenté de construire une maison, d’y emménager, puis de la revendre pour déménager dans une autre maison, répétant la manœuvre à quelques reprises. Si vous procédez ainsi, l’ARC établira que votre gain en capital n’est pas exonéré d’impôt au bout du compte. Elle considérera que vous traitez plutôt chaque maison comme un « bien figurant dans un inventaire » − même si vous l’habitez − et votre gain sera totalement imposé comme un profit d’entreprise. Et, si vous n’avez pas conservé tous vos reçus relatifs aux coûts de construction, vous pourriez avoir grande difficulté à prouver que votre profit était inférieur aux estimations de l’ARC!

(Pour aggraver la situation, si cela se produit, vous serez également dans l’obligation de payer la TPS ou TVH sur la valeur totale de la nouvelle maison, incluant le terrain, à la date à laquelle vous avez emménagé. Ici encore, à moins que vous n’ayez conservé les reçus faisant état de la TPS/TVH payée sur les coûts de construction, on vous refusera probablement les crédits de taxe sur intrants compensatoires. Nombre de modestes constructeurs de résidences ont contesté des avis de cotisation de cette nature devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI) et ont perdu, sur les enjeux tant de TPS que de résidence principale.)

À noter que les registres des transferts immobiliers sont permanents et facilement accessibles aux auditeurs de l’ARC pour peu que ceux-ci fassent des recherches. En outre, dans nombre de cas, il n’y a pas de délai de prescription − soit parce que la déclaration comportait une fausse information attribuable à « une négligence ou une inattention », soit parce qu’aucune déclaration de TPS n’a été produite.

On sait que l’ARC pourchasse des constructeurs 10, 15 ou 20 ans même après le fait et leur réclame impôt, TPS ou TVH, pénalités et importants montants d’intérêts qui se sont accumulés au fil des ans. Si vous êtes dans cette situation, songez à faire une déclaration volontaire avant que l’ARC ne se pointe.

De plus, si vous vendez un immeuble résidentiel après l’avoir détenu pendant moins de 365 jours, en vertu de nouvelles règles entrées en vigueur en janvier 2023, l’immeuble est réputé être un bien figurant dans un inventaire et non un bien en immobilisation, à moins que vous ne puissiez démontrer que la vente s’inscrivait dans une liste d’événements divers, comme un mariage, un divorce, la naissance d’un enfant ou un congédiement. (Cette règle ne modifie pas sensiblement la loi, puisque les auditeurs de l’ARC traiteront généralement une telle vente rapide comme la vente d’un bien figurant dans un inventaire.)

Actions

Lorsqu’il est question d’actions de sociétés ou d’autres valeurs mobilières, comme des obligations et des parts de fonds communs de placement, l’ARC reconnaît généralement que la plupart des gens détiennent de telles valeurs à titre de biens en immobilisation, même s’il s’agit de valeurs de second rang peu susceptibles de rapporter un dividende dans un avenir proche. Cependant, si vous négociez très activement sur le marché, achetant et vendant des actions de façon régulière et ne les détenant que pendant de courtes périodes, on pourrait considérer que vous êtes en affaires, de telle sorte que vos gains seraient imposés en totalité. (Si vous avez des pertes, ce sera à votre avantage.)

Vous pouvez éviter cette situation, à l’égard d’actions de sociétés canadiennes, en produisant un « choix visant la disposition de titres canadiens » (paragraphe 39(4) de la LIR) au moyen du Formulaire T123, en même temps que votre déclaration de revenus. Une fois que vous faites ce choix, toutes les valeurs canadiennes que vous détenez sont réputées être des biens en immobilisation, pour toujours. (En d’autres termes, si vous subissez des pertes à la suite de très actives négociations sur valeurs dans une année ultérieure, ces pertes seront des pertes en capital d’utilité restreinte, plutôt que des pertes d’entreprise que vous auriez pu porter en diminution d’autres revenus.)

Le choix visant la disposition de titres canadiens ne s’applique pas à toutes les actions canadiennes. Une exception est prévue pour les « titres prescrits », dont l’énumération figure à l’article 6200 du Règlement de l’impôt sur le revenu, et qui comprennent :

  • les actions d’une société privée dont la valeur est principalement attribuable à un bien immobilier ou un avoir minier
  • un titre de dette envers une personne ou une société avec laquelle le contribuable a (ou avait) un lien de dépendance
  • des actions ou un titre de dette acquis auprès d’une personne avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance (dont des actions qu’il aurait héritées d’un membre de sa famille décédé)
  • des actions de sociétés ayant des frais d’exploration et de mise en valeur
  • des actions ou des titres de dette remplaçant l’un des titres ci-dessus.

Ce choix n’est pas non plus offert aux « courtiers ou négociants en valeurs ».

Une profusion de règles à surveiller!

Mise à jour : 13 December 2023

Abonnez-vous au
bulletin mensuel
et restez informé!