Moore
Bulletin de mars 2016

Comme les gains en capital ne sont imposés que pour la moitié, la distinction entre gain en capital et revenu ordinaire est très importante.

Une immobilisation est un bien sur lequel tout gain est imposé comme un gain en capital. Seulement la moitié d’un gain en capital entre dans le revenu dans votre déclaration de revenus – le « gain en capital imposable ». Le gain en capital est donc imposé à la moitié du taux applicable à un revenu ordinaire, tel un revenu d’intérêt ou un revenu d’emploi.

Tous les gains ne sont pas des gains en capital. Si vous exploitez une entreprise d’achat et de vente de biens – par exemple, un magasin de vente au détail – de toute évidence, vos gains tirés de la vente de biens sont des profits d’entreprise, qui sont pleinement imposables, et non pas des gains en capital.

Certains types de gains se situent près de la ligne. La LIR définit le terme « entreprise » – dont le revenu est pleinement imposable – comme incluant une « affaire de caractère commercial ». Cette expression a été interprétée dans des centaines de décisions publiées des tribunaux.

Si ce que vous faites constitue une « entreprise » ou une « affaire de caractère commercial », votre gain est alors pleinement imposable au titre de la vente d’articles d’inventaire. Dans le cas contraire, votre gain ne sera imposé que pour la moitié à titre de gain en capital. En revanche, les pertes d’entreprise sont pleinement déductibles du revenu, alors que les pertes en capital ne sont déductibles que pour la moitié et, normalement, que des gains en capital imposables.

Comment alors déterminer la différence entre une immobilisation et un article d’inventaire?

C’est essentiellement une affaire d’intention. Si vous achetez un bien avec l’intention de le revendre, vous êtes considéré comme exploitant une entreprise et le gain sera pleinement imposé comme un profit d’entreprise.

Bien immeubles

Les questions les plus difficiles se posent habituellement dans le cas de biens immeubles. Vous pourriez construire une habitation dans le but de l’occuper (immobilisation), mais vous pouvez aussi planifier la vendre (inventaire). Vous pourriez acheter un terrain sur lequel développer un centre commercial destiné à la location (immobilisation), ou sur lequel construire un ensemble de maisons neuves que vous vendrez (inventaire).

Le Bulletin d’interprétation IT-218R de l’Agence du revenu du Canada (ARC), « Bénéfices, gains en capital et pertes provenant de la vente de biens immeubles » (disponible sur cra-arc.gc.ca) donne le point de vue de l’Agence à savoir si l’achat et la vente de biens immeubles seront considérés comme produisant des profits d’entreprise ou des gains en capital. Le paragraphe 3 du Bulletin énumère douze facteurs que l’ARC juge pertinents :

  1. l’intention du contribuable en ce qui concerne le bien immeuble au moment de l’achat;
  2. la vraisemblance de l’intention du contribuable;
  3. l’emplacement géographique du bien immeuble acquis et son zonage;
  4. la mesure dans laquelle l’intention du contribuable est réalisée;
  5. la preuve que l’intention du contribuable a changé après l’achat du bien immeuble;
  6. la nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés;
  7. la mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et les modalités arrêtées pour le financement s’il y a lieu;
  8. la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable;
  9. le fait que la possession du bien immeuble soit partagée avec des personnes autres que le contribuable;
  10. la nature de la profession des autres personnes mentionnées en i) ci-dessus, de même que leurs intentions avouées et leur ligne de conduite;
  11. les facteurs qui ont motivé la vente du bien immeuble;
  12. la preuve que le contribuable et/ou les associés se livrent sur une grande échelle au commerce de l’immeuble.

Pour déterminer votre intention relativement au bien, les tribunaux ont également élaboré la notion d’« intention secondaire ». Si vous avez l’intention d’utiliser le bien à titre d’immobilisation, tout en entretenant l’intention secondaire de le vendre si votre intention principale ne se matérialise pas, le bien peut être alors considéré comme un élément d’inventaire et le gain, pleinement imposable. Le Bulletin d’interprétation IT-459 de l’ARC traite de cette question. Certes, à peu près n’importe qui vendra un bien si la bonne offre se présente; l’intention secondaire doit donc être un peu plus que la simple volonté de vendre si le prix est bon. Souvent, il n’y a pas de ligne claire permettant de trancher, mais la Cour d’appel fédérale a affirmé dans Canada Safeway en 2008 que, pour qu’il y ait une intention secondaire, « au moment de l’acquisition du bien, le contribuable doit avoir été motivé par l’intention secondaire de le revendre avec bénéfice ».

Résidence principale

La perspective de considérer votre résidence principale (votre maison) comme une immobilisation est toujours intéressante. Ce qui est encore mieux que le fait, pour les gains en capital, d’être imposés pour la moitié seulement, le gain sur une résidence principale est normalement totalement exonéré de l’impôt.

Cependant, si vous oeuvrez dans l’industrie de la construction, ou si vous changez d’habitation souvent, attention! De nombreux petits constructeurs de maisons ont tenté de construire une maison, d’y emménager, puis de la vendre pour déménager dans une autre maison, répétant le stratagème plusieurs fois. Si vous agissez ainsi, l’ARC considérera que, tout compte fait, vous n’avez pas un gain en capital exonéré. Vous devez plutôt traiter chaque maison comme un élément d’« inventaire » – même si vous l’habitez – et vous serez pleinement imposé sur le gain à titre de profit d’entreprise. Et, si vous n’avez pas conservé tous vos reçus relatifs aux coûts de construction, vous pourriez avoir de la difficulté à prouver que votre profit était inférieur à ce que l’ARC prétend!

(Encore pire, si cela se produit, vous serez également tenu de payer la TPS ou TVH sur la valeur totale de la nouvelle habitation, y compris le terrain, à la date à laquelle vous emménagez. De même, à moins que vous ayez conservé les reçus indiquant la TPS/TVH payée sur les coûts de construction, les crédits de taxe pour intrants compensatoires vous seront probablement refusés. Un bon nombre de petits constructeurs de maisons en ont appelé de tels avis de cotisation devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI) et ont perdu leur cause, tant sur les questions de TPS que de résidence principale.)

Notez que les registres de transmission des biens immeubles sont permanents. Les auditeurs de l’ARC peuvent y accéder facilement et, dans nombre de cas, il n’y a pas de prescription – notamment parce que votre déclaration comportait une présentation erronée des faits par « négligence ou inattention », ou que vous n’avez pas produit de déclaration de TPS. On sait que l’ARC a pourchassé des constructeurs 10, 15 ou même 20 ans après les faits et a délivré un avis de cotisation d’impôt, de TPS ou TVH, et imposé des pénalités et d’importants montants d’intérêt qui s’étaient accumulés au fil des ans. Si vous êtes dans cette situation, pensez à faire une déclaration volontaire avant que l’ARC frappe à votre porte.

Actions

Dans le cas des actions de sociétés et autres titres, comme des obligations et des parts de fonds communs de placement, l’ARC accepte généralement que la plupart des gens détiennent de telles valeurs à titre d’immobilisations, même lorsqu’il s’agit d’actions de second rang qui sont peu susceptibles de rapporter un dividende à court terme. Cependant, si vous négociez activement, achetez et vendez des actions de façon régulière et ne les détenez que pour de courtes périodes, vous pourriez être considéré comme étant en entreprise, de sorte que vos gains seraient pleinement imposés. (Si vous avez des pertes, ceci sera à votre avantage.)

Vous pouvez éviter cette situation, dans le cas d’actions de sociétés canadiennes, en produisant un « choix visant la disposition de titres canadiens » (paragraphe 39(4) de la LIR), au moyen du formulaire T123, avec votre déclaration de revenus. Une fois que vous avez fait ce choix, tous les titres canadiens que vous détenez sont réputés être des immobilisations, pour toujours. (En d’autres termes, si vous avez des pertes lors de négociations très actives dans une année ultérieure, ces pertes seront des pertes en capital d’utilisation limitée, plutôt que des pertes d’entreprise que vous pouvez déduire d’autres revenus.)

Le choix visant la disposition de titres canadiens ne s’applique pas à toutes les actions canadiennes. Une exclusion est prévue pour les « titres prescrits », énumérés à l’article 6200 du Règlement de l’impôt sur le revenu. Ces titres comprennent :

  • les actions d’une société privée dont la valeur est principalement attribuable à un bien immobilier ou un avoir minier
  • une créance sur une personne ou une société avec laquelle vous avez (ou aviez) un lien de dépendance
  • des actions ou des titres de créance acquis d’une personne avec laquelle vous aviez un lien de dépendance (ce qui comprendrait des actions dont vous avez hérité d’un membre de votre famille)
  • des actions relatives à l’exploration et à l’aménagement
  • des actions ou des créances acquises en remplacement de l’un des titres ci-dessus.
Mise à jour : 8 March 2016