Moore
Bulletin de juin 2019

Si vous « faites des travaux » pour une entreprise, êtes-vous un employé ou un entrepreneur indépendant? En quoi cela importe-t-il?

Aux fins de l’impôt, cela importe vraiment. En général, il est préférable d’être un entrepreneur indépendant du point de vue fiscal, bien que cela comporte quelques désavantages.

Si votre relation avec l’entreprise est celle d’un entrepreneur indépendant (c’est-à-dire que vous exploitez votre propre entreprise et fournissez des services à l’entreprise cliente), alors :

  • Vous pouvez déduire aux fins de l’impôt toutes les dépenses d’entreprise légitimes, sauf celles spécifiquement interdites par la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). Votre façon de calculer le revenu est essentiellement la même que celle de General Motors ou d’Apple : soit le total des revenus diminué des charges d’exploitation.
  • Vous n’avez pas à retenir des impôts à la source. Vous pouvez plutôt conserver tous les fonds que vous percevez jusqu’à ce que vous deviez payer votre impôt sur le revenu à l’Agence du revenu du Canada (ARC), le 30 avril suivant. (Cependant, au plus tard le 15 septembre de la deuxième année de ce mode de fonctionnement, vous devez normalement commencer à verser des acomptes provisionnels trimestriels.)
  • Vous êtes davantage susceptible de pouvoir déduire les coûts d’un « bureau à domicile », lequel sera considéré comme votre principal lieu d’affaires. (Le bureau de l’entreprise cliente, où vous faites une partie − petite ou grande − de votre travail, n’est pas votre lieu d’affaires, et ne vous empêche pas du coup de déduire les frais d’un bureau à domicile.)
  • La date d’échéance de production de votre déclaration de revenus sera le 15 juin plutôt que le 30 avril. (Vous devrez néanmoins payer tout solde dû pour le 30 avril, ou des intérêts s’accumuleront sur ce solde.) Cependant, si vous ratez l’échéance de production, une pénalité de 5 % (s’accroissant de 1 % par mois pour atteindre 17 % après 12 mois) s’applique automatiquement à tout solde d’impôt non réglé.
  • Vous n’aurez pas l’obligation de verser des primes d’assurance-emploi. (L’aspect négatif est que vous ne serez pas admissible aux prestations de l’AE si vous cessez de travailler.) Cependant, vous devrez verser en double les cotisations au Régime de pensions du Canada (RPC), qui seront perçues dans votre déclaration de revenus. Pour 2019, si vos gains sont supérieurs à 47 400 $, vous économiserez 860 $ de primes d’AE mais vous paierez 2 749 $ de cotisations additionnelles au RPC. (Au Québec, vous verserez des cotisations au Régime de rentes du Québec (RRQ) plutôt qu’au RPC.) Vous obtiendrez toutefois une déduction et/ou un crédit partiel pour les cotisations au RPC ou au RRQ dans votre déclaration de revenus.
  • Votre revenu aux fins de l’impôt comprendra les montants que vous avez facturés, même si vous n’en avez pas encore reçu paiement, et peut-être aussi le montant afférent aux « travaux en cours ».
  • Vous avez habituellement l’obligation de vous inscrire au registre de la TPS/TVH et de facturer la TPS/TVH sur vos services, auquel cas vous pouvez normalement demander des crédits de taxe sur les intrants de façon à recouvrer la totalité de la TPS/TVH que vous payez sur les achats que vous faites pour votre entreprise.

Par ailleurs, si vous êtes un employé de l’entreprise, la situation est la suivante :

  • Normalement, votre employeur déduit à la source l’impôt sur le revenu, les cotisations au RPC (ou au RRQ) et les primes d’assurance-emploi. S’il a prélevé des montants trop élevés, vous obtiendrez un remboursement après avoir produit votre déclaration de revenus au printemps.
  • Vous ne pouvez déduire aux fins de l’impôt que les dépenses expressément permises par la LIR. Très peu de dépenses sont accordées aux employés (certains frais de déplacement liés au travail, par exemple). Vous pouvez toutefois déduire le montant canadien pour emploi dans votre déclaration de revenus; ce crédit, qui est de 183 $ en 2019, n’est accordé qu’aux employés.
  • Vous ne pouvez normalement pas déduire les frais d’un bureau à domicile, à moins que l’entreprise n’exige que vous ayez un bureau et que vous passiez la plus grande partie de votre temps de travail à domicile plutôt que dans les locaux de l’entreprise.
  • L’échéance de production de votre déclaration de revenus sera le 30 avril (à moins que votre époux ou conjoint de fait soit un travailleur autonome). Si vous ratez l’échéance, une pénalité de 5 % (s’accroissant de 1 % par mois pour atteindre 17 % après 12 mois) s’applique automatiquement à tout solde d’impôt non réglé.
  • Vous devez payer l’impôt sur tous les revenus d’emploi que vous touchez dans l’année civile, mais pas sur les montants que vous avez gagnés (pour un travail) mais que vous n’avez pas encore encaissés.
  • Vous avez habituellement droit à l’assurance-emploi, et vous devez verser des primes d’AE.
  • Vous ne facturez ni ne payez de TPS ou de TVH sur vos revenus.
  • La plupart des avantages dont vous bénéficiez au titre de votre emploi sont assujettis à l’impôt. Un entrepreneur indépendant reçoit rarement de tels avantages.

Être un employé ou un entrepreneur indépendant ne tient pas simplement à la façon dont vous et l’entreprise désignez votre relation. Si vous souhaitez être un entrepreneur indépendant, vous devez établir que vous êtes factuellement indépendant et non employé.

On ne se surprendra pas que l’ARC soit souvent d’avis que le contribuable est, en réalité, un employé. Cette conclusion sera d’autant plus probable si vous ne recevez un revenu que d’une seule entreprise (c’est-à-dire que vous n’avez qu’un seul « client »). Vous pourriez toutefois être quand même en mesure de démontrer que vous n’êtes pas un employé.

Aucun critère précis ou définitif ne s’applique. Les tribunaux ont élaboré un certain nombre de directives, mais chaque cas est d’espèce.

Les critères suivants sont importants :

  • Bénéficiez-vous d’habituels avantages accordés aux employés, tels des congés de maladie, des primes de cessation d’emploi, un régime de retraite, un régime d’assurance maladie collective, une assurance-vie ou des options sur actions? Dans l’affirmative, vous aurez vraisemblablement le statut d’employé.
  • Qui contrôle votre environnement de travail, ce que vous faites et quand vous le faites? Votre présence est-elle requise dans un lieu donné de 9 heures à 17 heures chaque jour ouvrable, ou vous rémunère-t-on davantage pour le travail exécuté que pour le temps passé? Dans le premier cas, vous êtes davantage susceptible d’être un employé.
  • À qui appartiennent les pièces d’équipement ou les outils que vous utilisez? Fournissez-vous les vôtres? Si vous ne le faites pas, vous êtes davantage susceptible d’être un employé.
  • Avez-vous l’autorisation d’engager d’autres personnes pour faire une partie du travail? S’il vous faut faire le travail personnellement sans pouvoir le déléguer à d’autres personnes que vous embauchez, vous êtes davantage susceptible d’être un employé.
  • Avez-vous personnellement quelque possibilité de profit ou assumez-vous un risque de perte, ou vous rémunère-t-on simplement pour votre temps? Par exemple, si vous commettez une erreur dans votre travail, devez-vous la réparer en dehors des heures de travail? Si votre rémunération est fondée simplement sur votre temps sans égard aux résultats, vous êtes davantage susceptible d’être un employé.
  • Comment vous et l’entreprise avez-vous défini votre relation? Si vous avez un contrat précisant que vous êtes un entrepreneur indépendant, les tribunaux sont plus susceptibles d’accepter ce fait, dans la mesure où les autres critères ne plaident pas fortement en faveur d’une relation d’employé.

Vous devriez décliner les traditionnels avantages liés à un emploi (régime de retraite, régime d’assurance médicaments, régime d’assurance dentaire, congés de maladie, vacances, assurance-vie, options sur actions, utilisation d’une automobile de l’entreprise et autres), et préférer remettre périodiquement des factures à l’entreprise pour vos services, majorés des décaissements comme les frais de déplacement ou d’interurbains que vous engagez.

Vous devriez avoir un contrat signé par les deux parties, dans lequel il est stipulé que vous êtes un entrepreneur indépendant et non un employé. Aussi, vous devriez éviter d’avoir une carte de visite au nom de l’entreprise, et d’apparaître sur la liste téléphonique interne de l’entreprise. Cela vous identifie davantage comme un employé de l’entreprise, et moins comme un conseil ou un entrepreneur externe.

Enfin, si vous êtes un entrepreneur indépendant et que vous facturez plus de 30 000 $ par année, n’oubliez pas de vous inscrire au registre de la TPS ou de la TVH et de facturer la taxe.

Mise à jour : 14 June 2019