En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), l’intérêt sur un emprunt est déductible, en général si l’argent sert à gagner un revenu plutôt qu’à des fins personnelles ou autres. Plus précisément, l’intérêt sur un emprunt est déductible si les conditions suivantes sont réunies :
- il existe une obligation légale de verser l’intérêt;
- l’argent emprunté est utilisé dans le but de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien (ou l’intérêt porte sur un montant payable pour le bien acquis dans le but d’en tirer un revenu de bien ou d’entreprise);
- l’intérêt est « raisonnable ».
La première condition concernant une obligation légale de payer l’intérêt est habituellement facile à remplir, même si elle peut causer problème dans le cas d’un emprunt entre personnes ayant un lien de dépendance ou entre membres d’une famille lorsque les obligations de paiement ne sont pas énoncées par écrit. De plus, si le paiement de l’intérêt est conditionnel ou peut être évité, il peut ne pas être déductible si la condition n’est pas résolue, ou jusqu’à ce qu’elle le soit, le cas échéant.
Passons à la troisième condition, celle du caractère raisonnable de l’intérêt, qui devrait être satisfaite si le taux d’intérêt correspond au taux qui serait payable sur un prêt entre un emprunteur et un prêteur sans lien de dépendance, ou s’il s’en approche (selon le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans Shell Canada).
La deuxième condition est normalement la plus difficile des trois à remplir. Les tribunaux ont affirmé que l’argent emprunté doit être utilisé directement dans le but de tirer un revenu d’un bien ou d’une entreprise. Les utilisations indirectes ne suffisent pas, sauf dans des « circonstances exceptionnelles », comme il est expliqué plus loin dans la sous-rubrique portant ce titre.
Par exemple, si j’emprunte de l’argent pour acquérir des placements tels que des actions ou des parts de fonds communs de placement, l’intérêt est normalement déductible parce que l’utilisation directe de l’argent emprunté consiste à tirer un revenu de biens (dividendes ou intérêts). De plus, si vous empruntez dans le but premier de réaliser des gains en capital (qui ne sont pas considérés comme un revenu de biens), par exemple pour l’achat d’actions ordinaires, les tribunaux ont affirmé que l’intérêt est déductible dans la mesure où le bien est susceptible de produire un revenu de bien tel des dividendes.
Par ailleurs, si vous empruntez à des fins personnelles et que vous tentez de faire valoir que l’emprunt, ayant libéré vos autres capitaux, vous a permis d’acquérir des placements, l’intérêt n’est pas déductible.
À cet égard, une stratégie, qui a reçu la bénédiction des tribunaux, fait intervenir un emprunt de substitution (« switch »). Disons, par exemple, que je songe à contracter un emprunt à des fins personnelles. Au lieu de cela, si je détiens quelques placements, je pourrais les vendre et utiliser le produit à des fins personnelles (la vente des placements peut donner lieu à un gain ou une perte en capital). Si j’emprunte ensuite pour acquérir de nouveau les placements, l’intérêt sur l’emprunt sera déductible du fait de l’utilisation directe de l’argent emprunté dans le but de tirer un revenu des biens, même si une utilisation indirecte m’a permis d’affecter l’argent à des fins personnelles. La Cour suprême du Canada a confirmé ce résultat dans la cause Singleton entendue en 2001.
L’exigence d’une « utilisation directe » doit être satisfaite dans chaque année d’imposition pour laquelle vous demandez la déduction de l’intérêt. Prenons un exemple simple : supposons que j’emprunte pour acquérir quelques placements que je conserve dans les années 1 et 2, mais que je revends au début de l’année 3 pour utiliser le produit à des fins personnelles. L’exigence d’une utilisation directe sera remplie dans les années 1 et 2, mais pas dans l’année 3. En conséquence, si l’emprunt est toujours dû, aucun intérêt ne sera déductible dans l’année 3.
En revanche, si j’affecte le produit dans l’année 3 à l’achat d’un autre placement dans le but d’en tirer un revenu de bien, l’intérêt continuera d’être déductible dans l’année 3.
Qu’arrive-t-il, cependant, si j’emprunte de l’argent dans le but d’acheter un placement que je revends plus tard à perte, tout en conservant l’emprunt? Si j’affecte la totalité du produit de la vente à l’achat d’un autre placement, l’intérêt continuera d’être déductible en totalité. Cependant, une règle spéciale de l’article 20.1 de la LIR prévoit qu’une partie de l’intérêt continuera d’être déductible même si je n’utilise pas le produit dans le but de gagner un revenu. Essentiellement, une fraction proportionnelle de l’intérêt, fondée sur la « portion déficitaire » du placement, continuera d’être déductible même si j’affecte le produit à d’autres fins, bien qu’un ajustement puisse être exigé dans certains cas. (Fait intéressant, cette règle spéciale ne s’applique pas à un emprunt contracté en vue de l’acquisition d’un immeuble ou d’un bien amortissable.)
Exemple
J’ai emprunté 100 000 $ pour acquérir des actions d’une société. Je les vends plus tard pour 60 000 $, subissant ainsi une perte de 40 000 $. J’utilise le produit de 60 000 $ à des fins personnelles. Le montant intégral de l’emprunt reste dû.
La dépense d’intérêt sur 40 000 $ de l’emprunt continuera d’être déductible. Le reste de l’intérêt ne sera pas déductible.
« Circonstances exceptionnelles »
Dans certains cas (qui sont plutôt rares), l’intérêt sur un emprunt peut être déductible même si l’argent emprunté ne semble pas être utilisé directement dans le but de gagner un revenu.
Ainsi, selon l’Agence du revenu du Canada (ARC), la déduction de l’intérêt sera normalement admise si un actionnaire d’une société emprunte de l’argent qu’il utilise pour consentir un prêt sans intérêt à la société (sans intention directe de gagner un revenu, puisque le prêt sans intérêt ne rapporte pas), si le prêt sans intérêt a une incidence sur la capacité de la société de gagner un revenu, ce qui accroît la possibilité de recevoir des dividendes. Cette prise de position, qui se fonde sur un cas de jurisprudence concernant le même sujet, est énoncée dans le Folio de l’impôt sur le revenu S3-F6-C1 de l’ARC.