Selon l’OCDE : « La transparence fiscale, c’est mettre un terme au secret bancaire et à l’évasion fiscale à travers une coopération à échelle mondiale. » Nous, les geeks de la comptabilité, savons bien que la profession de CPA a affirmé publiquement qu’elle soutenait la transparence des bénéficiaires de sociétés afin de créer un cadre national favorable aux dénonciations et au partage d’information.
Nous avons vu des démarches faites en ce sens par le passé, en commençant par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA). Le 13 décembre 2018, le projet de loi C-86 a reçu la sanction royale et est venu modifier la LCSA afin d’imposer des exigences de divulgation supplémentaires : Dès le 13 juin 2019, les sociétés incorporées sous la LCSA doivent identifier tous leurs bénéficiaires effectifs, ce qui inclut :
- Les actionnaires inscrits et bénéficiaires ou les particuliers avec une direction ou un contrôle direct ou indirect d’au moins 25 % sur les actions existantes ou avec droit de vote;
- Un particulier avec une influence directe ou indirecte qui, si exercée, pourrait découler en un contrôle factuel de la société;
- Un particulier pour qui les circonstances prévues par le règlement s’appliquent. De telles circonstances sont énoncées dans des règlements qui dépassent la portée de cet article.
Les informations suivantes doivent être conservées dans un registre de société distinct en lien avec les particuliers qui satisfont les critères pour se qualifier comme ayant un « contrôle important ».
- leur nom, date de naissance et dernière adresse connue;
- leur juridiction de résidence aux fins d’imposition;
- la date à laquelle le particulier est devenu ou a cessé d’avoir un contrôle important sur la société;
- une description de comment le particulier se qualifie comme ayant un contrôle important, en incluant leur droit, titre et intérêts envers et pour les actions de la société;
- tout autre renseignement exigé;
- les démarches entreprises par la société pour identifier tous les particuliers ayant un contrôle important afin de s’assurer que l’information du nouveau registre est exacte, complète et à jour.
Améliorer les mesures de transparence va au-delà des sociétés; l’ARC a depuis longtemps fait part de ses préoccupations concernant l’utilisation des fiducies pour faciliter les planifications fiscales abusives, les évasions fiscales et le blanchiment d’argent. Afin « d’améliorer la collecte de renseignements sur la propriété effective en ce qui a trait aux fiducies ainsi que d’aider l’ARC à évaluer la dette fiscale des fiducies et de leurs bénéficiaires », l’ARC a instauré un avant-projet de loi concernant de nouvelles règles de production pour les fiducies qui entrera en vigueur le 31 décembre 2021. Sous cette nouvelle loi, les constituants, fiduciaires, bénéficiaires et toute personne qui a la capacité d’exercer une influence sur les décisions du fiduciaire sont tenus de produire une déclaration comprenant leur adresse, leur date de naissance, leur territoire de résidence et leur numéro d’identification fiscal.
Le budget fédéral de 2021 propose de fournir 2,1 millions de dollars sur deux ans à Innovation, Sciences et Développement économique Canada afin de soutenir, d’ici 2025, l’implantation d’une propriété effective des sociétés accessible publiquement. L’utilité de cette propriété permettra aux forces de l’ordre, aux autorités fiscales et autres d’accéder à des données justes et à jour sur les particuliers qui possèdent et contrôlent les sociétés, et de coincer ceux qui tentent de blanchir de l’argent, de se soustraire à l’impôt ou de commettre d’autres crimes financiers. En plus de ces mesures fédérales, les changements provinciaux vont certainement suivre et ont même déjà été promulgués dans certaines provinces, comme en Colombie-Britannique, avec la Land Owner Transparency Act.
Personne ne remet en question que des changements sont nécessaires afin de contrer l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent et d’assurer l’intégrité de notre régime fiscal, mais à quel prix? À partir de quel moment la transparence empiète sur d’autres valeurs, notamment, la vie privée? Je suis d’avis que le débat philosophique devrait être au premier plan alors que des pressions vers plus de transparence continuent à être faites.
Rédigé par Brad Berry, de Mowbrey Gil. Cet article a été écrit pour notre survol trimestriel sur l’actualité canadienne, publié par les cabinets membres de Moore Amérique du Nord.