Aperçu général
Des règles spéciales, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), s’appliquent aux transferts de biens à une personne avec laquelle le cédant a un lien de dépendance. Les règles, décrites ci-après, peuvent avoir préséance sur l’utilisation du produit ou du prix de vente réel reçu lors du transfert.
Dans presque tous les cas, les personnes « liées », selon la définition de la LIR, sont des personnes ayant un lien de dépendance.
Dans le cas des particuliers, les personnes liées et, par conséquent, les personnes ayant un lien de dépendance, regroupent habituellement les divers types de personnes que vous considéreriez normalement comme vous étant liées, par exemple :
- votre conjoint (époux ou conjoint de fait);
- vos enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, etc.;
- vos parents, grands-parents, arrière-grands-parents, etc.;
- vos frères et soeurs;
- votre belle-famille.
Fait intéressant, ne figurent pas parmi ces personnes vos oncles et tantes, cousins et cousines, et neveux et nièces. Les règles relatives aux transferts entre personnes ayant un lien de dépendance ne s’appliquent donc pas, normalement, aux transferts de biens à ces personnes.
Dans le cas des sociétés, les règles sont un peu plus complexes. Voici quelques exemples de base de relations entre des personnes liées ou ayant un lien de dépendance :
- vous et une société que vous contrôlez;
- vous et une société que vous contrôlez de concert avec un groupe lié de personnes (par exemple, vous et vos deux soeurs contrôlez une société);
- deux sociétés ou plus, qui sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes.
À ces fins, le contrôle s’entend en général de plus de 50 % des actions avec droit de vote de la société.
Les règles qui s’appliquent au moment du transfert
Une règle prévoit que, si vous cédez un bien à une personne ayant avec vous un lien de dépendance pour un montant supérieur à zéro mais inférieur à sa juste valeur marchande, vous êtes réputé avoir disposé du bien pour un produit égal à sa juste valeur marchande. Cependant, cette règle est à sens unique, en ce sens que le coût pour l’acquéreur est le montant qu’il vous a réellement payé pour le bien. Comme on peut le voir ci-dessous, cette règle a un caractère punitif et peut entraîner une double imposition.
Exemple
Je vends, au prix de 5 000 $, un bien à ma soeur à un moment où la juste valeur marchande en est de 15 000 $. Le coût du bien était pour moi de 5 000 $.
En vertu de cette règle, j’aurai un produit réputé de 15 000 $, qui se traduira par un gain en capital de 10 000 $, dont la moitié sera incluse dans mon revenu à titre de gain en capital imposable.
Cependant, le coût pour ma soeur, qui n’est pas majoré à la juste valeur marchande, se limite au montant de 5 000 $ qu’elle m’a payé pour le bien. Dans l’hypothèse où elle vendrait le bien à un tiers au prix de 15 000 $, elle aurait un gain en capital de 10 000 $, dont la moitié serait incluse dans son revenu à titre de gain en capital imposable.
Il y a double imposition. Ma soeur et moi serions imposés sur le même gain en capital.
Nota : Cette règle ainsi que les autres règles relatives aux transferts entre personnes ayant un lien de dépendance comportent une exception significative, lorsque vous transférez le bien à votre conjoint (époux ou conjoint de fait). Cette exception est expliquée plus loin à la rubrique « Exception pour les transferts faits au conjoint ».
Une autre règle s’applique si vous transférez un bien à une personne avec laquelle vous avez un lien de dépendance, à un prix supérieur à la juste valeur marchande. Dans ce cas, votre produit de disposition reste le montant que le cessionnaire vous a payé, quel qu’il soit. Cependant, le coût du bien pour le cessionnaire est réduit et ramené à sa juste valeur marchande, même s’il vous a payé davantage pour le bien. Là encore, il peut en résulter une double imposition.
Exemple
Ma soeur m’achète un bien au prix de 15 000 $, à un moment où la juste valeur marchande en est de 5 000 $. Le coût du bien était pour moi de 5 000 $. J’aurai donc un gain en capital de 10 000 $ (mon gain en capital réel), dont la moitié sera incluse dans mon revenu à titre de gain en capital imposable.
En vertu de cette règle, le coût du bien pour ma soeur est ramené à 5 000 $. Supposons qu’elle vende le bien quelques années plus tard à un tiers, au prix de 15 000 $. Elle aura un gain en capital de 10 000 $, dont la moitié sera incluse dans son revenu à titre de gain en capital imposable.
Là encore, il y a possibilité de double imposition.
Don d’un bien
Les règles sont quelque peu différentes pour les dons de biens. Si vous donnez un bien, vous avez un produit réputé égal à la juste valeur marchande du bien. Dans ce cas, toutefois, le donataire du bien a un coût réputé égal à la juste valeur marchande, et la question de la double imposition ne se pose pas.
Exemple
Je donne à ma soeur un bien à un moment où la juste valeur marchande en est de 15 000 $. Le coût du bien était pour moi de 5 000 $.
En vertu de cette règle, j’aurai un produit de disposition réputé de 15 000 $, ce qui résultera en un gain en capital de 10 000 $, dont la moitié sera incluse dans mon revenu à titre de gain en capital imposable.
Le coût du bien pour ma soeur est toutefois majoré pour être porté à la juste valeur marchande de 15 000 $. Dans l’hypothèse où elle vend le bien à un tiers au prix de 15 000 $, elle n’aura pas de gain en capital. Il n’y a pas de double imposition.
Dernier point : dans le cas de dons, le donataire n’inclut pas le montant du don dans son revenu, qu’il s’agisse d’espèces ou d’un autre bien. Par exemple, si je fais un cadeau en espèces à mon enfant, ou lui achète une voiture ou une maison, il n’a rien à inclure dans son revenu.
Exception pour les transferts au conjoint
Si vous transférez un bien à votre conjoint (époux ou conjoint de fait), une règle différente s’applique. Il s’agit d’un « roulement » libre d’impôt, ce qui signifie que vous avez un produit de disposition égal au coût du bien pour vous et que votre conjoint hérite de ce même coût. Vous ne réalisez donc ni gain ni perte en capital sur le transfert.
Si vous le souhaitez, vous pouvez faire le choix de vous soustraire au roulement dans votre déclaration de revenus pour l’année du transfert. Si vous le faites, les règles décrites ci-dessus s’appliquent. Dans la plupart des cas, vous ne voudrez pas vous soustraire au roulement mais, dans certains cas, le faire aurait du sens.
Disons, par exemple, que vous donnez à votre conjoint un bien qui comporte un gain en capital accumulé. Vous avez par ailleurs des pertes en capital qui pourraient être utilisées pour neutraliser le gain. (Les pertes en capital ne peuvent être portées en diminution que de gains en capital.) Vous faites donc le choix de vous soustraire au roulement, vous provoquez la réalisation du gain en capital accumulé, et vous portez vos pertes en capital en diminution du gain, ce qui signifie que vous ne paierez aucun impôt sur le transfert. Le résultat pour vous est essentiellement le même qu’en vertu du roulement. Mais la différence, pour votre conjoint, est qu’il acquiert un prix de base rajusté majoré égal à la juste valeur marchande du bien.
Exemple
Je donne un bien à mon conjoint à un moment où la juste valeur marchande en est de 15 000 $. Le coût du bien était pour moi de 5 000 $. J’ai par ailleurs des pertes en capital de 25 000 $ que je n’ai pas encore déduites.
Si j’utilise le roulement, j’aurai un produit de disposition de 5 000 $ et, par conséquent, aucun gain en capital. Mon conjoint aura un coût de 5 000 $ aux fins de l’impôt.
Si je fais le choix de me soustraire au roulement, j’aurai un produit de disposition réputé de 15 000 $, faisant apparaître un gain en capital de 10 000 $. Cependant, je peux neutraliser ce gain en y imputant 10 000 $ de mes pertes en capital inutilisées. Le coût du bien pour mon conjoint sera alors de 15 000 $.
Malheureusement, l’on ne peut normalement faire apparaître une perte en capital en se soustrayant au roulement, cela en raison de la règle relative aux « pertes apparentes » expliquée à la rubrique suivante.