Moore
Bulletin d’août 2021

Lorsque vous vendez des actions de votre société, tout gain qui résulte de la transaction est normalement un gain en capital, dont la moitié est incluse dans votre revenu à titre de gain en capital imposable. De plus, si les actions sont des actions admissibles de petite entreprise, ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale, vous pouvez vous prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital à l’égard du gain. L’exonération cumulative est de 892 218 $ en 2021 pour les actions admissibles de petite entreprise, indexée annuellement à l’inflation.

Pour les sociétés agricoles ou de pêche familiales, le montant de l’exonération est actuellement de 1 M $. La portion exonérée des gains est généralement libre d’impôt.

Cependant, si vous vendez vos actions à une société appartenant à un membre de votre famille (la « société acheteuse » ou l’« acheteur »), les conséquences fiscales pourraient être différentes — ou du moins elles l’étaient avant les modifications décrites ci-après.

De manière générale, si vous vendez les actions de votre société à la société du membre de votre famille (la « société acheteuse »), la contrepartie que vous recevez (autre que des actions de la société acheteuse) en sus du coût des actions que vous détenez dans votre société, peut être un dividende réputé plutôt qu’un gain en capital. (Techniquement, il s’agit de l’excédent de la contrepartie sur le coût pour vous et le « capital versé » de vos actions, plus d’autres ajustements possibles.) Ces règles peuvent s’appliquer si le membre de votre famille a un lien de dépendance avec vous, ce qui est le cas de vos enfants et petits-enfants.

Alors où est le problème?

En vertu de la LIR, les dividendes sont imposés plus lourdement que les gains en capital si vous vous situez dans une fourchette d’imposition élevée. De plus, les dividendes ne donnent pas droit à l’exonération des gains en capital.

On trouve ces règles, et les récentes modifications y apportées, à l’article 84.1 de la LIR; elles sont très techniques. L’explication qui suit est de nature plus générale.

L’article 84.1 se veut une règle anti-évitement. Comme nous l’avons vu, il peut transformer en dividendes réputés des gains en capital résultant de certains transferts entre des personnes ayant un lien de dépendance. La disposition ne s’applique pas aux transferts à une société sans lien de dépendance — par exemple, une société qui n’est pas liée au cédant ou n’est pas contrôlée par les membres de la famille du cédant.

Des groupes de lobbyistes représentant les petites entreprises ont fait valoir que l’article 84.1 discrimine les particuliers dans les cas de transferts intergénérationnels — par exemple, lorsque les propriétaires souhaitent vendre l’entreprise à leurs enfants ou petits-enfants. Un député du Parti conservateur fédéral a décidé d’agir et a proposé un projet de loi privé, qui a été adopté à la majorité des voix au Parlement (le Parti libéral au pouvoir étant minoritaire au Parlement).

Le projet de loi C-208, modifiant l’article 84.1, a été adopté le 29 juin 2021. Les modifications s’appliquent lorsque les actions vendues par le cédant sont des actions admissibles de petite entreprise ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale, si la société acheteuse est contrôlée par les enfants ou petits-enfants de 18 ans ou plus du cédant. Dans la mesure où la société acheteuse ne cède pas les actions dans les 60 mois suivant l’achat, la règle relative au dividende réputé ne s’applique pas. En conséquence, le gain résultant de la vente initiale par le cédant est un gain en capital, admissible à l’exonération des gains en capital.

Le projet de loi prévoit toutefois la réduction de l’exonération des gains en capital dans un tel cas si la société exploitant une petite entreprise admissible (ou la société agricole ou de pêche familiale) a un gain en capital imposable supérieur à 10 M$. Malheureusement, le libellé du projet n’est pas clair sur ce point et risque de nécessiter d’autres modifications

Le projet de loi comporte d’autres modifications techniques, que nous n’abordons pas ici, qui sont avantageuses pour la société acheteuse et/ou les enfants ou petits-enfants qui contrôlent cette société. Toutes les modifications ont pour objet de traiter ces transferts intergénérationnels de la même manière que les transferts faits à des tiers non liés.

Dans le libellé adopté, et sur la base des dispositions de la Loi d’interprétation, les modifications du projet de loi C-208 sont entrées en vigueur le 29 juin 2021. Le ministère des Finances a toutefois annoncé qu’il avait l’intention de présenter de nouvelles dispositions législatives qui repousseront la mise en application des modifications jusqu’au 1 janvier 2022. Reste à voir s’il y parviendra. Il appert que le ministère des Finances, qui s’est opposé au projet de loi lors de son étude par le Comité des finances de la Chambre des communes, proposera de plus amples modifications susceptibles de contrecarrer les effets du projet de loi C-208, ou du moins d’en limiter la portée.

Mise à jour : 13 August 2021