Devriez-vous transférer à votre REER des actions que vous détenez déjà?
La possibilité peut sembler attrayante. Les actions que vous transférez sont considérées comme un versement à votre REER. Si vous avez des déductions inutilisées au titre d’un REER, vous pouvez alors obtenir une importante déduction fiscale pour des actions que vous détenez déjà. Si vous n’avez pas versé le maximum des montants auxquels vous aviez droit au titre de votre REER, il se peut que vous ayez accumulé des droits de cotisation importants depuis 1991. (Ces droits de cotisation peuvent être reportés en avant indéfiniment.)
Il y a toutefois un certain nombre de problèmes et d’écueils dont vous devez être au courant (la plupart de ces préoccupations concernent également les FERR, CELI, REEE et RPDB).
1- Transférez – n’échangez pas!
Vous pouvez transférer des actions à votre REER, sous réserve des autres points décrits ci-dessous. Mais, n’échangez pas des actions contre d’autres actions, titres ou liquidités se trouvant dans votre REER.
Certains contribuables avaient trouvé des moyens de manipuler leur revenu aux fins de l’impôt en échangeant, dans un sens ou dans l’autre, des titres contre d’autres dans leur REER (à un moment, peut-être choisi pour que d’importants dividendes soient versés en franchise d’impôt au REER.) Le ministère des Finances a mis un frein à ces manipulations en 2011, et introduit des règles qui pénalisent sévèrement les contribuables qui échangeraient des actions dans leur REER contre des liquidités ou d’autres actifs. Tout revenu ou gain réalisé dans le REER sur ces actifs serait effectivement confisqué en totalité.
Assurez-vous donc d’effectuer des versements à votre REER, et non pas d’échanger des actions contre quelque chose que le REER détient déjà.
2- Les actions sont-elles admissibles?
Les actions de sociétés inscrites sur des bourses canadiennes ne posent pas de problème. Pour les actions de sociétés «privées» ou de sociétés étrangères, toutefois, vous devez vous assurer qu’elles constituent des «placements admissibles» dans un REER. Certaines le sont, mais les règles sont complexes et doivent être soumises à l’examen minutieux d’un expert.
Les règles relatives aux sociétés privées exigent en général que vous et les membres de votre famille déteniez au plus 10 % des actions de toute catégorie de la société, et que celle-ci utilise la presque totalité de ses actifs dans une entreprise exploitée activement au Canada. Les règles relatives aux sociétés étrangères exigent en général que celles-ci soient inscrites sur des bourses déterminées (incluant toutes les grandes bourses américaines ainsi que des bourses déterminées d’environ 25 autres pays).
3- Gain en capital au transfert
Lorsque vous transférez des actions à votre REER, vous êtes réputé les avoir vendues à leur juste valeur marchande aux fins de l’impôt. Si la valeur marchande est supérieure à votre prix de base, vous aurez un gain en capital.
La moitié du gain en capital sera incluse dans votre revenu et assujettie à l’impôt (sauf si vous avez des pertes en capital inutilisées dans la même année ou reportées d’autres années). Vous devrez tenir compte de ce coût lors de l’évaluation du versement au REER.
Exemple
Vous détenez des actions d’une société «publique» que vous avez payées 6 000 $ en 2013. Elles valent maintenant 10 000 $. Vous avez des déductions inutilisées de 10 000 $ au titre de votre REER. Votre revenu est assez élevé pour que vous soyez dans une tranche d’imposition de 50 % (impôts fédéral et provincial combinés).
Si vous transférez les actions à votre REER, vous aurez une déduction de 10 000 $, qui vaudra 5 000 $ dans votre déclaration de revenus de 2017.
Cependant, vous aurez également un gain en capital de 4 000 $, puisque vous serez réputé avoir vendu les actions pour 10 000 $. La moitié de ce gain, soit 2 000 $, sera incluse dans votre revenu. Dans votre tranche d’imposition de 50 %, le coût sera pour vous de 1 000 $.
Résultat, vous profitez toujours du transfert, mais votre économie d’impôt nette sera de 4 000 $ plutôt que de 5 000 $. (Si vous donnez plutôt les actions à un organisme de bienfaisance, vous ne paierez pas l’impôt sur le gain en capital de telle sorte que votre économie d’impôt sera d’environ 5 000 $, le montant variant selon la province.)
4- Pas de perte en capital sur le transfert
Comme on l’a mentionné plus haut, lorsque vous transférez des actions à votre REER, vous êtes réputé les avoir vendues à leur juste valeur marchande aux fins de l’impôt. Cependant, si cette valeur est inférieure à votre coût des actions, vous ne pouvez pas déduire une perte en capital. La division 40(2)g)(iv)(B) de la LIR interdit expressément la déduction d’une perte en capital sur des actions que vous transférez à votre REER (ou à celui de votre conjoint).
Il est difficile de mesurer ce qu’il vous en coûte de ne pas être en mesure de déduire la perte en capital, parce que cela dépend de divers autres facteurs. Les pertes en capital ne peuvent normalement être déduites que de gains en capital. Si vous avez d’autres gains en capital à utiliser, la perte en capital peut avoir une bonne valeur. Dans un tel cas, vous devriez assurément envisager de vendre les actions sur le marché en subissant une perte en capital, puis de transférer l’argent dans votre REER. (Il ne faut pas que le REER rachète les mêmes actions, car la déduction de votre perte en capital vous sera refusée à titre de «perte apparente».)
5- Coût d’un retrait des fonds
N’oubliez pas que les fonds dans votre REER sont toujours imposés lorsque vous les retirez. Le transfert vous permet un report d’impôt qui pourra avoir une grande valeur, particulièrement en raison de la capitalisation en franchise d’impôt dans le REER. Cependant, lorsque vous voudrez accéder aux fonds, vous devrez payer l’impôt. L’institution financière retiendra un pourcentage du montant que vous retirerez, en paiement anticipé de l’impôt que vous devrez verser sur ce montant.
Si vous transférez des actions à votre REER, assurez-vous d’être bien informé de ces coûts dans l’éventualité où vous aurez besoin de retirer les fonds bientôt. De même, si vous les retirez, vous aurez effectivement perdu les droits à cotisation inutilisés pour les années futures.
6- Pas de crédit d’impôt pour dividendes ni de traitement spécial des gains en capital
Tant les dividendes que les gains en capital bénéficient d’un allégement fiscal particulier lorsque vous les touchez personnellement. Pour les dividendes de sociétés canadiennes, vous obtenez le crédit d’impôt pour dividendes, qui annule une grande partie de l’impôt payé par la société sur le revenu qu’elle a dû gagner pour vous verser le dividende. Résultat, le taux d’impôt le plus élevé sur les dividendes peut être de l’ordre de 30 % à 50 %, plutôt que d’environ 50 % (les détails dépendent de votre province de résidence ainsi que de votre niveau de revenu imposable et du type de dividende). Les gains en capital, comme nous l’avons vu plus haut, ne sont imposés que pour la moitié et, ici, le taux le plus élevé se situe en général aux environs de 25 %.
Si vous placez des actions dans votre REER, ces deux avantages sont perdus. Tous les dividendes ou les gains en capital font simplement en sorte qu’il y a plus d’argent dans le REER. Le REER ne paie pas d’impôt. Cependant, lorsque vous retirez les fonds du REER, vous êtes pleinement imposé sur les sommes en cause, sans compensation pour le fait qu’une partie des fonds retirés a été encaissée sous forme de dividendes ou de gains en capital.
Si vous laissez les fonds dans votre REER pendant nombre d’années, ces inconvénients peuvent être annulés par d’autres avantages, comme la déduction d’impôt initiale et l’accumulation en franchise d’impôt dans le REER, et la possibilité que vous soyez imposé à un taux moindre lorsque vous retirerez éventuellement les fonds à la retraite. Cependant, il faudrait peut-être calculer les deux possibilités, selon la période pendant laquelle vous prévoyez laisser les actions dans le REER et le taux de rendement attendu.
Conclusion
Le transfert d’actions à votre REER peut être une excellente façon d’obtenir une déduction fiscale immédiate si vous avez des déductions inutilisées. Ce n’est toutefois pas toujours avantageux. Ne négligez pas les écueils et les coûts qui pourraient s’appliquer.