Moore
Bulletin de juin 2019

Si votre entreprise achète des produits ou des services auprès d’autres entreprises, et que vous craignez que certaines d’entre elles puissent ne pas se conformer à leurs obligations en matière de taxe, il y a un risque sérieux dont vous devez vous préoccuper. Le risque réside principalement dans le domaine de la TPS/ TVH.

Le cas peut se présenter dans de nombreux secteurs : services de construction, agences qui fournissent du personnel temporaire, fabrication de vêtements, vente de ferraille, offre de services de nettoyage, et autres.

Fait surprenant, le risque est présent principalement lorsque le fournisseur vous facture la TPS/TVH. S’il ne vous facture pas la TPS ou la TVH que vous devriez payer, le risque que vous courez est beaucoup plus faible, le pire qui peut normalement se produire étant que vous deviez payer la TPS ou la TVH un jour ou l’autre, auquel cas vous pourrez le plus souvent demander un crédit de taxe sur les intrants compensatoire.

Historique

En supposant que votre entreprise effectue des « fournitures taxables » aux fins de la TPS/TVH, vous avez normalement droit à des crédits de taxe sur les intrants (CTI) qui vous permettent de recouvrer la totalité de la TPS ou de la TVH que vous payez sur vos achats.

Cependant, comme vous le savez probablement, vous n’avez droit à des CTI que si le fournisseur vous remet une facture ou un reçu qui satisfait aux exigences documentaires détaillées, lesquelles comprennent normalement le nom du fournisseur et son numéro d’inscription au registre de la TPS/TVH, le prix payé, « une description suffisante pour identifier chaque fourniture », le montant de TPS ou de TVH, la date, le nom de l’acheteur, les conditions de paiement et certains autres détails.

Ces exigences documentaires sont contraignantes; si elles ne sont pas satisfaites, vous ne pouvez demander de CTI afin de recouvrer la taxe que vous avez payée au fournisseur. Vous pouvez vérifier en ligne si le numéro d’inscription du fournisseur aux fins de la TPS/TVH est valide, en consultant le « Registre de la TPS/TVH » de Revenu Canada à www.arc.gc.ca.

Le problème

L’ARC se préoccupe depuis nombre d’années du problème des sociétés qui facturent la TPS ou la TVH pour des produits ou des services, perçoivent l’argent puis disparaissent. En plus de ne pas payer l’impôt sur le revenu des sociétés sur leurs profits, ces entreprises volent littéralement les taxes de vente qu’elles perçoivent pour le compte du gouvernement et sont censées détenir en fiducie pour ce dernier.

Le problème se pose également au Québec, où Revenu Québec (RQ) administre la TPS ainsi que la taxe de vente du Québec.

Des entreprises innocentes se voient refuser des CTI

Au cours des dernières années, l’ARC et RQ ont poursuivi de façon très active des entreprises qui avaient fait affaire avec de tels fournisseurs véreux. Incapables de trouver les voleurs, les vérificateurs s’en sont plutôt pris aux entreprises qui avaient acheté des produits et services auprès de ces fournisseurs, refusant à ces entreprises innocentes les CTI qu’elles avaient demandés.

L’ARC et RQ ont connu beaucoup de succès devant les tribunaux dans la contestation des appels interjetés par ces entreprises innocentes.

Bien qu’une entreprise n’ait pas d’obligation légale de « surveiller » ses fournisseurs pour s’assurer qu’ils remettent la TPS/TVH qu’ils ont perçue, les tribunaux ont trouvé des moyens d’imputer à des entreprises innocentes la responsabilité de ces impayés.

Le gouvernement et les tribunaux ont notamment harponné ces entreprises en statuant que la facture ne provenait pas du fournisseur « véritable ». Même si la facture émanait d’une société à dénomination numérique dûment inscrite au registre de la TPS (inscription vérifiée dans le Registre de la TPS/TVH en ligne), et satisfaisait par ailleurs les exigences documentaires, les tribunaux ont conclu, dans certaines de ces causes, que le fournisseur désigné sur la facture n’était pas le fournisseur « véritable » et que, par conséquent, les exigences documentaires n’étaient pas satisfaites.

Comment une entreprise peut-elle se prémunir contre ce risque?

Une façon d’aborder ce problème consiste à prendre des mesures pour vous assurer que le nom de l’entreprise qui figure sur la facture que vous payez correspond bien à l’entité juridique avec laquelle vous faites affaire, et que celle-ci est bien inscrite au registre de la TPS/TVH de l’ARC (ou de RQ) (et de la TVQ au Québec).

1) Pour vous assurer qu’un fournisseur est inscrit au registre de la TPS/TVH : pour tout nouveau fournisseur, consultez le registre de la TPS/TVH de l’ARC à www.arc.gc.ca, avant de payer quelque TPS ou TVH, et inscrivez son nom et le numéro d’inscription à la TPS/TVH qu’il vous donne. Le registre en ligne vous indiquera si la personne est effectivement inscrite sous ce nom à la date de votre consultation.

2) Pour vérifier l’identité :

  • Si la facture est établie au nom d’une personne physique, demandez à voir son permis de conduire ou quelque autre pièce d’identité avec photo délivrée par le gouvernement, et assurez-vous que le nom qui y figure est bien celui que vous avez trouvé dans le registre de TPS/TVH à l’étape précédente, et celui qui apparaît sur la facture que vous payez.
  • S’il s’agit d’une dénomination d’entreprise, en particulier d’une dénomination numérique, la seule façon de vous assurer que l’entité identifiée sur la facture est celle avec laquelle vous faites réellement affaire est de demander au fournisseur des documents indiquant qui sont les administrateurs de la société (cette information est également disponible en ligne auprès du gouvernement provincial, moyennant un coût), et de vérifier l’identité de la personne avec laquelle vous traitez comme étant un administrateur de la société, en obtenant une copie de son permis de conduire ou quelque autre pièce d’identité avec photo.

Évidemment, toute entreprise devra déterminer s’il vaut la peine de mettre en application ces procédures, ou si le risque que les fournisseurs soient des voleurs de taxe est assez faible pour que ces mesures ne valent pas le coût et l’énergie. Mais pour ceux qui risquent sérieusement de recevoir un avis de nouvelle cotisation leur refusant d’importants CTI, ces mesures pourraient être vitales.

Mise à jour : 14 June 2019