Nos lecteurs se rappelleront que le budget fédéral de 2018 limitait les avantages fiscaux dont bénéficient les sociétés privées sous contrôle canadien (« SPCC ») qui réalisent un revenu de placement. Cette disposition visait les SPCC qui investissent dans des placements leur revenu d’entreprise après impôt assujetti au taux d’impôt réduit accordé aux sociétés exploitant une petite entreprise.
Les nouvelles règles prévoient essentiellement que, si une SPCC (ainsi que toute société associée) gagne plus de 50 000 $ de revenu de placement dans une année, son plafond des affaires, qui est normalement de 500 000 $, est diminué l’année suivante. Le plafond des affaires est le montant maximal du revenu tiré d’une entreprise exploitée activement d’une SPCC qui est assujetti au taux d’impôt réduit accordé aux sociétés exploitant une petite entreprise, taux qui varie d’environ 9 % à 13 % selon la province. L’excédent du revenu d’entreprise sur le plafond des affaires est assujetti au taux d’impôt général des sociétés, qui varie d’environ 26 % à 31 %, selon la province.
La raison pour laquelle le gouvernement a instauré la nouvelle règle est que les propriétaires de SPCC avaient un avantage significatif à gagner des revenus de placement à l’intérieur de la SPCC au regard des propriétaires d’entreprises autres que des SPCC. Par exemple, si un particulier imposé à 52 % détenait une SPCC qui tirait d’une entreprise un revenu imposé à un taux de 12 %, la SPCC conservait 88 % de son revenu après impôt, qu’elle pouvait investir. Un autre particulier se situant dans la même tranche d’imposition de 52 % qui gagnerait personnellement un revenu d’entreprise (ou autre revenu) n’aurait que 48 % du revenu après impôt à investir. Même si la société dans le premier cas devait être soumise à un impôt remboursable sur le revenu de placement au moment où il était gagné, il en résultait une économie d’impôt globale du fait du report de l’impôt à payer sur le revenu d’entreprise initial.
Les nouvelles règles prévoient, dans une année donnée, une diminution de 5 $ du plafond des affaires de la SPCC pour chaque tranche de 1 $ de l’excédent du total du « revenu de placement total ajusté » de la SPCC (et de toute société associée) pour son année d’imposition se terminant dans l’année civile précédente sur 50 000 $. Par exemple, si le revenu de placement total ajusté de la SPCC est de 80 000 $ dans une année d’imposition, son plafond des affaires sera diminué pour passer de 500 000 $ à 350 000 $ dans l’année d’imposition suivante (c’est-à-dire qu’il sera diminué de 5 x (80 000 $ − 50 000 $)). En conséquence, une fois que le revenu de placement total ajusté atteint 150 000 $ ou plus dans une année, le plafond des affaires est nul l’année suivante et la SPCC paiera le taux d’impôt le plus élevé (entre 26 % et 31 %) sur la totalité de son revenu d’entreprise.
De manière générale, le « revenu de placement total » d’une SPCC comprend les gains en capital imposables nets (soit la moitié des gains en capital, diminués des pertes en capital déductibles), la plupart des formes de revenus provenant de biens comme les intérêts et les loyers, et les dividendes de portefeuille (dividendes reçus de sociétés « non rattachées »). Cependant, les gains en capital imposables nets provenant de la disposition de « biens actifs » sont exclus de la définition. Les biens actifs sont en général les biens utilisés principalement dans le cadre d’une entreprise exploitée activement par la SPCC ou une SPCC liée, et certaines actions d’autres SPCC qui exploitent une entreprise activement au Canada. L’exception a pour but de permettre aux SPCC d’investir dans de petites entreprises en démarrage et certaines autres sociétés au Canada sans être soumises à la réduction du plafond des affaires.
Les nouvelles règles s’appliquent aux années d’imposition s’ouvrant après 2018.
Comme il a été mentionné plus haut, si le revenu de placement total réduit le plafond des affaires de la SPCC, tout excédent du revenu d’entreprise sur le plafond sera assujetti au taux d’impôt général des sociétés se situant entre 26 % et 31 %, selon la province. Par conséquent, si vous vous situez personnellement dans une tranche d’imposition élevée, vous pourriez avoir encore un avantage fiscal à réaliser un revenu de placement dans la SPCC même si celui-ci est assujetti au taux d’impôt général des sociétés. Par exemple, si vous êtes imposé à 52 % et que le taux d’impôt général des sociétés est de 26 %, vous auriez 48 % de revenu après impôt à investir personnellement, tandis que la SPCC aurait 74 % de revenu après impôt à investir. Un report d’impôt est donc toujours possible et avantageux.