Le taux d’impôt le plus élevé auquel peut être assujetti un revenu personnel se situe aux environs de 50 %, voire plus, selon la province de résidence, alors que le taux combiné (fédéral et provincial) le plus élevé applicable au revenu d’une société est un peu plus faible.
Cette différence constituerait donc pour un particulier un incitatif à détenir ses placements dans une société. Aussi longtemps que le revenu demeurerait dans la société, l’impôt payé sur le revenu d’intérêt serait inférieur. Pour contrecarrer cette situation, depuis 1995, il est prévu un impôt remboursable sur le revenu de placement gagné par une société privée sous contrôle canadien (SPCC). Cet impôt est actuellement de 10,67 % sur le revenu de placement. Résultat, une SPCC paie un impôt combiné (fédéral et provincial) d’environ 50 % sur son revenu de placement. L’impôt est remboursé lorsque la SPCC verse suffisamment de dividendes −, moment auquel l’actionnaire paiera un impôt sur ce revenu à titre personnel.
L’impôt remboursable s’applique aux revenus d’intérêts, de loyers et de redevances. Il ne s’applique pas aux dividendes, qui sont imposés différemment (mais peuvent également être assujettis à un impôt remboursable de la « Partie IV »). Les intérêts se rapportant à une entreprise exploitée activement (par exemple, des intérêts sur les liquidités nécessaires pour exploiter l’entreprise) ne sont pas assujettis à l’impôt remboursable. De même, les loyers perçus par une entreprise exploitée activement (un hôtel par exemple) ne sont pas assujettis à cet impôt.
Au cours des dernières années, des planificateurs fiscaux ont conçu des structures permettant à une société de s’exclure du statut de SPCC. Il est habituellement avantageux d’être une SPCC, puisque cela donne accès à la déduction accordée aux petites entreprises (faible taux d’impôt sur la première tranche de 500 000 $ de revenu tiré d’une entreprise exploitée activement chaque année), à des crédits enrichis pour la recherche scientifique et le développement expérimental, et à d’autres avantages. Mais, pour un revenu de placement, il s’agissait d’un désavantage. C’est pourquoi certaines SPCC ont fait en sorte que leur existence soit « prolongée » dans un pays étranger (par exemple, les Îles Caymans ou les îles Vierges britanniques), cessant ainsi d’être des sociétés « canadiennes » et, par conséquent, des SPCC assujetties à l’impôt remboursable. D’autres mécanismes existaient également, comme l’insertion d’une société de portefeuille étrangère de telle sorte que la société ne soit plus une société « contrôlée » par des Canadiens.
L’ARC conteste actuellement ces mécanismes au moyen de la Règle générale anti-évitement, mais on ne sait toujours pas si elle gagnera ses causes devant les tribunaux. Pour régler le problème, le ministère des Finances a annoncé des modifications dans le Budget fédéral d’avril 2022, et a publié des dispositions détaillées le 9 août 2022.
En vertu des nouvelles règles, une société qui serait une SPCC, ne serait-ce du genre de mécanismes de planification décrits ci-dessus, sera considérée comme une « SPCC en substance ». Elle ne bénéficiera pas des avantages d’une SPCC (comme la déduction accordée aux petites entreprises), mais elle sera assujettie à l’impôt remboursable sur son revenu de placement. Elle paiera donc un impôt de base d’environ 50 % sur son revenu de placement, l’impôt remboursable lui étant remboursé une fois versés suffisamment de dividendes.
Ce type de planification s’étant répandu, il est estimé, dans le budget d’avril 2022, que les changements feront économiser plus de 4 milliards de dollars au gouvernement fédéral sur cinq ans.