Le Canada a un régime d’impôt sur le revenu progressif, en vertu duquel un pourcentage d’impôt de plus en plus élevé s’applique à l’assiette d’imposition au fur et à mesure que celle-ci s’accroît. Au niveau fédéral, il existe actuellement cinq tranches d’imposition, la plus faible étant de 15 % et la plus élevée, de 33 %. Selon la province, les taux d’impôt combinés (fédéral et provincial) peuvent varier d’environ 20 % à environ 54 %.
En conséquence, le fractionnement du revenu entre les membres d’une famille peut entraîner une économie d’impôt, en particulier lorsque l’un d’eux gagne un revenu élevé et qu’un ou plusieurs autres gagnent un revenu plus faible. Par exemple, si mon taux d’impôt marginal est de 53 % et que celui de mon conjoint ou de mon enfant est de 20 %, de toute évidence, nous nous retrouverons dans une meilleure situation d’ensemble si je peux leur transférer un montant de revenu. De plus, nous pourrions être en mesure de multiplier certains crédits d’impôt, comme le crédit d’impôt personnel de base.
Le gouvernement n’est pas emballé à l’idée d’un fractionnement du revenu, du moins dans la plupart des cas. La Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) renferme des règles d’attribution du revenu qui, lorsqu’elles s’appliquent, ont pour effet de contrecarrer les avantages fiscaux du fractionnement du revenu. Heureusement, elle prévoit quelques exceptions, qui permettent certaines formes de fractionnement.
Les règles d’attribution
Il existe deux grandes règles d’attribution du revenu.
La première règle s’applique si vous prêtez ou transférez un bien, y compris des espèces, à votre conjoint (époux ou conjoint de fait). Si ce dernier tire un revenu du bien (dividendes, intérêts, loyer ou autre), ou réalise un gain en capital sur la vente du bien, le revenu vous sera attribué et sera inclus dans votre propre revenu. Des exceptions sont décrites ci-dessous.
Cette règle peut s’appliquer même si vous prêtez ou transférez le bien à votre conjoint avant de conclure avec lui un mariage ou une union de fait. Dans ce cas, la règle peut entrer en vigueur une fois que vous êtes devenus conjoints, mais pas avant ce moment.
La première règle d’attribution du revenu cesse de s’appliquer au moment de la rupture du mariage ou de l’union de fait. Si vous êtes séparés mais encore mariés, la règle relative au revenu tiré du bien ne s’applique pas, même si la règle relative aux gains en capital ne cesse de s’appliquer que si vous et votre conjoint faites un choix commun dans votre déclaration de revenus.
La seconde règle s’applique si vous prêtez ou transférez un bien à un enfant de moins de 18 ans avec lequel vous avez un lien de dépendance (par exemple, votre enfant ou petit-enfant), y compris un neveu ou une nièce. Cette règle ne s’applique qu’au revenu tiré du bien (intérêts, dividendes, loyer ou autre), et ne s’applique pas aux gains en capital. Par conséquent, le fractionnement de gains en capital avec votre enfant est légitime. Ainsi, vous pouvez acheter des actions ordinaires cotées ou des parts de fonds commun de placement pour votre enfant, et les gains en capital ultérieurs seront imposés entre ses mains plutôt qu’entre les vôtres. (Évidemment, vous ne savez pas avec certitude si la valeur des actions montera!)
La seconde règle cesse de s’appliquer dans l’année au cours de laquelle l’enfant atteint l’âge de 18 ans, sans égard à sa date d’anniversaire. Par exemple, si votre enfant arrive à 18 ans le 31 décembre de cette année, il n’y a pas d’attribution dans l’année en cause.
Les deux règles peuvent continuer de s’appliquer au revenu tiré d’un « bien de remplacement ». Par exemple, si vous donnez de l’argent à votre épouse et que celle-ci achète des actions qu’elle revend ensuite pour acheter des obligations, le revenu tiré des obligations pourrait vous être attribué. La règle relative aux « biens de remplacement » peut continuer de s’appliquer sans égard au nombre de ventes et d’achats de nouveaux biens.
Exemple
Je donne quelques actions à mon épouse. Elle reçoit des dividendes sur les actions, puis vend les actions plus tard, réalisant alors un gain en capital imposable. Elle affecte le produit à l’achat de parts de fonds communs de placement dont elle retire des intérêts et des dividendes.
Résultat : tout le revenu provenant des actions et des fonds communs de placement, y compris le gain en capital imposable, sera inclus dans votre revenu.
Exceptions
En plus des exceptions décrites ci-dessus, d’autres exceptions visent les deux règles d’attribution.
Une exception importante s’applique lorsque vous prêtez de l’argent à votre conjoint ou votre enfant et lui demandez des intérêts au « taux prescrit » en vertu du Règlement de l’impôt sur le revenu au moment du prêt. (Vous devrez inclure les intérêts dans votre revenu, mais votre conjoint ou votre enfant pourra les déduire du revenu de placement qu’il aura gagné en investissant l’argent.) Le taux prescrit est fondé sur les taux d’intérêt des bons du Trésor fédéraux à 90 jours et mis à jour à chaque trimestre. Le taux actuel est de 2 %. La seule contrainte est que votre conjoint ou votre entant doit obligatoirement vous payer les intérêts chaque année ou au plus tard le 30 janvier de l’année suivante. S’ils ratent le paiement des intérêts d’une année, ne serait-ce que d’un jour, l’exception cesse de s’appliquer. Fait intéressant, l’exception peut s’appliquer quelle que soit la durée du prêt. Vous pouvez donc prêter de l’argent à votre conjoint avec échéance dans 10 ou 20 ans, et avoir toujours droit à l’exception.
Une autre exception s’applique si vous vendez un bien à un membre de votre famille pour un produit égal à sa juste valeur marchande. S’il s’agit de votre conjoint, vous devez renoncer au « roulement » libre d’impôt qui s’applique normalement à ces ventes et, si la contrepartie que vous recevez comprend un titre de dette, vous devez demander le taux d’intérêt prescrit comme il est indiqué ci-dessus.
Les règles d’attribution ne s’appliquent pas si vous (cédant ou prêteur) n’êtes pas résident du Canada. Elles ne s’appliquent pas non plus après votre décès.
Les règles ne s’appliquent pas à un revenu d’entreprise. Vous pouvez donc donner des espèces à votre conjoint ou votre enfant pour qu’il les utilise dans son entreprise, et le revenu d’entreprise ne vous sera pas attribué.
Les règles ne s’appliquent pas au revenu tiré du revenu réinvesti. Par exemple, si vous transférez des obligations à votre conjoint et qu’il en utilise les intérêts pour acquérir d’autres placements, le revenu provenant de ces autres placements ne vous sera pas attribué.
Les règles ne s’appliquent évidemment pas si le bien ou l’argent transféré ne produit pas de revenu. Ainsi, à titre d’exemple, vous pourriez donner de l’argent à votre conjoint ou votre enfant qui l’utiliserait à des fins personnelles ou pour payer ses impôts sur le revenu personnels, libérant ainsi son propre argent pour effectuer des placements. Le revenu de ces placements ne vous sera pas attribué.
Les règles ne s’appliquent pas si le revenu est assujetti à l’« impôt sur le revenu fractionné » (IRF) entre les mains de votre conjoint ou de votre enfant. Le problème est que votre conjoint ou votre enfant sera imposé au taux marginal le plus élevé sur ce revenu. L’IRF peut s’appliquer à des éléments comme des dividendes de sociétés privées, et le revenu passif de sociétés de personnes ou de fiducies qui fournissent des services à votre entreprise ou société. Nous avons étudié l’IRF dans notre Bulletin de fiscalité de janvier 2018, et nous y reviendrons dans un Bulletin futur.