Le système d’impôt sur le revenu canadien utilise le particulier comme unité fiscale, plutôt que le couple ou la famille. En d’autres mots, chaque particulier dans une famille est assujetti à l’impôt sur son revenu propre, puisque le revenu n’est pas combiné avec celui des autres membres de la famille.
Notre système d’impôt sur le revenu utilise en outre des taux d’impôt progressifs, ce qui signifie qu’au fur et à mesure que votre revenu augmente, le taux d’impôt marginal qui s’y applique peut augmenter. Par exemple, en 2018, votre première tranche de 46 605 $ de revenu imposable est assujettie à un taux d’impôt fédéral de 15 %, alors que tout revenu imposable en excédent de 205 842 $ est assujetti à un taux de 33 %. Le revenu imposable entre ces seuils fait l’objet de trois autres taux (20,5 %, 26 % et 29 %), encore une fois selon le niveau de votre revenu imposable. En sus de cet impôt fédéral, chaque province lève un impôt sur le revenu provincial progressif dont les taux diffèrent selon la province.
Du fait que l’unité fiscale est le particulier et que les taux d’impôt sont progressifs, si un particulier ayant un revenu élevé peut transférer un revenu à un particulier ayant un revenu moindre, il y aura économie globale d’impôt. Par exemple si vous êtes un parent se situant dans la tranche d’imposition la plus élevée et si vous pouvez transférer une partie de votre revenu à votre conjoint ou à un enfant mineur se situant dans une tranche d’imposition moindre, de toute évidence, vous pourrez économiser de l’impôt.
Certes, le gouvernement est bien conscient de cette situation, et la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») renferme diverses règles d’« attribution du revenu » qui peuvent s’appliquer lorsque vous transférez un bien utilisé à des fins de placement à votre conjoint (époux ou conjoint de fait) ou à un enfant mineur. Les plus importantes de ces règles sont résumées ci-dessous.
Prêts ou transferts au conjoint
Si vous prêtez ou transférez un bien à votre conjoint (époux ou conjoint de fait), le revenu ou la perte provenant du bien vous est attribué et il est inclus dans votre revenu plutôt que dans celui de votre conjoint. Le revenu de bien comprend des éléments comme les intérêts, dividendes, redevances et loyers. Une règle semblable peut s’appliquer pour que vous soient attribués des gains en capital imposables (ou des pertes en capital déductibles) résultant de la disposition par votre conjoint du bien ou d’un bien de remplacement.
Heureusement, comme on l’a expliqué ci-dessous, ces deux règles comportent diverses exceptions.
Il y a aussi la règle relative au « bien de remplacement », selon laquelle l’attribution peut continuer même si votre conjoint vend ou convertit le bien prêté ou transféré et utilise le produit pour acquérir un autre bien. Par exemple, si vous donnez de l’argent à votre conjointe qui l’utilise pour acheter des parts de fonds commun de placement, le revenu des fonds vous sera attribué. De plus, si elle vend les parts et utilise le produit pour acheter un autre bien productif de revenu, les règles d’attribution peuvent continuer de s’appliquer au revenu ou au gain tiré de cet autre bien.
La règle d’attribution cesse de s’appliquer si vous divorcez ou vivez « séparés » de votre conjoint pour cause de rupture du mariage (ou de l’union de fait). L’attribution des gains en capital s’interrompt après le divorce, mais ne cesse durant votre séparation que si vous et votre conjoint faites un choix conjoint dans vos déclarations de revenus.
Prêts ou transferts à un enfant mineur
Une règle semblable s’applique si vous prêtez ou transférez un bien à votre enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant, frère ou sœur, neveu ou nièce (y compris dans des relations par alliance) de moins de 19 ans, ou à tout autre enfant de moins de 18 ans avec lequel vous avez un lien de dépendance.
Tout comme la règle d’attribution relative au conjoint, le revenu ou la perte provenant du bien ou d’un bien de remplacement de ce bien vous est attribué.
Cette attribution du revenu ne s’applique pas dans l’année au cours de laquelle l’enfant mineur atteint 18 ans ou dans les années suivantes.
De plus, les règles d’attribution ne s’appliquent pas aux gains en capital réalisés par des enfants mineurs. Par exemple, si vous achetez des actions cotées ou des parts de fonds communs de placement pour vos enfants mineurs, tout gain en capital imposable provenant du bien sera inclus dans leur revenu et ne sera pas soumis aux règles d’attribution. Vous pouvez donc légitimement fractionner des gains en capital avec vos enfants mineurs.
Une exception notable est prévue lorsque le fractionnement de gains en capital n’est pas avantageux : si l’enfant mineur vous cède des actions d’une société privée (à vous ou à une personne avec laquelle vous avez un lien de dépendance), le gain sera normalement assujetti à l’impôt sur le revenu fractionné avec des enfants mineurs (le « kiddie tax ») au taux d’impôt marginal le plus élevé. Le champ d’application de cette disposition est largement étendu à compter de 2018.
Exceptions
Heureusement, diverses exceptions font que les règles d’attribution ne s’appliquent pas.
- Les règles ne s’appliquent pas au revenu tiré d’une entreprise. Par conséquent, vous pouvez donner ou prêter un bien à votre conjoint ou votre enfant mineur pour lui permettre de tirer un revenu de son entreprise et le revenu ne vous sera pas attribué.
- Comme on l’a mentionné, les règles ne s’appliquent normalement pas aux gains en capital de vos enfants mineurs. Par conséquent, vous pouvez fractionner des gains en capital avec vos enfants. Cependant, les règles peuvent s’appliquer si vous transférez un bien agricole ou de pêche admissible à votre enfant en vertu des dispositions de « roulement » en franchise d’impôt de la LIR. Il y a aussi possibilité que soit prélevé un impôt sur le revenu fractionné avec des enfants mineurs dont il est question ci-dessus.
- Les règles ne s’appliquent pas si vous prêtez de l’argent à votre conjoint ou à votre enfant mineur au taux d’intérêt prescrit au moment du prêt, dans la mesure où ce dernier paie l’intérêt chaque année ou au plus tard le 30 janvier de l’année suivante. Le taux prescrit est actuellement de 2 % (voir la rubrique ci-dessous « Taux d’intérêt prescrits »).
Par exemple, si vous prêtez de l’argent à votre conjoint moyennant un intérêt annuel de 2 % et s’il utilise les fonds pour acquérir un placement qui rapporte un rendement annuel de 6 %, les règles d’attribution ne s’appliqueront pas. Votre conjoint inclura le rendement net de 4 % dans son revenu (le rendement brut de 6 % moins les intérêts de 2 % qui vous sont payés). Vous inclurez dans votre revenu les intérêts de 2 % que vous recevrez. Cependant, si votre conjoint rate l’échéance du 30 janvier, ne serait-ce que d’un paiement d’intérêt annuel, cette exception aux règles d’attribution cesse de s’appliquer.
Fait intéressant, cette exception peut s’appliquer sans égard à la durée du prêt. Le prêt peut donc demeurer impayé pendant 10 ou 20 ans ou davantage, et il sera toujours admissible à l’exception, aussi longtemps que votre conjoint paie l’intérêt à temps chaque année.
- Les règles d’attribution ne s’appliquent pas si vous recevez pour le bien une contrepartie au moins égale à la juste valeur marchande du bien. Comme pour l’exception relative au prêt ci-dessus, si la contrepartie est une créance, vous devez demander au moins le taux d’intérêt prescrit, et le débiteur doit vous payer l’intérêt chaque année ou au plus tard le 30 janvier de l’année suivante. De plus, dans le cas de votre conjoint, si vous transférez le bien en vertu de cette exception, vous devez faire le choix de vous soustraire au « roulement » libre d’impôt sur le transfert, qui est possible par ailleurs pour les transferts entre conjoints. Cela signifie que le transfert du bien se fera normalement à la juste valeur marchande, ce qui pourrait se traduire par un gain en capital pour vous si la valeur est supérieure à votre coût du bien. En conséquence, pour les transferts en faveur de votre conjoint, il faudra normalement utiliser un bien comportant un gain accumulé (plus-value) faible ou nul.
- Les règles ne s’appliquent pas au revenu réinvesti (revenu secondaire). Par conséquent, si vous transférez un bien à votre conjoint ou à votre enfant mineur et si celui-ci réinvestit le revenu gagné sur le bien, le revenu gagné sur le revenu réinvesti n’est pas soumis aux règles d’attribution.
- Les règles ne s’appliquent pas aux transferts de biens à des enfants de 18 ans ou plus. Cependant, dans le cas de prêts, une règle d’attribution peut s’appliquer si vous prêtez de l’argent à un enfant (mineur ou majeur) ou à une autre personne avec laquelle vous avez un lien de dépendance et que l’une des principales raisons motivant le prêt est de réduire votre impôt à payer. Comme ci-dessus, une exception est prévue à cette règle d’attribution si vous demandez au moins le taux d’intérêt prescrit sur le prêt.
- Comme les règles d’attribution ne s’appliquent pas si le bien prêté ou transféré ne produit pas de revenu ou de gains en capital, vous pouvez donner à votre conjoint et à vos enfants de l’argent pour leur permettre de payer leurs dépenses personnelles, et cela n’enclenchera pas de règles d’attribution. À des fins de planification, vous pourriez régler des dépenses personnelles de votre conjoint (y compris son impôt sur le revenu exigible) ainsi que les dépenses du ménage, libérant ainsi le revenu propre de votre conjoint que celui-ci pourra investir dans des biens productifs de revenu. Les règles d’attribution ne s’appliqueront pas.
- Comme les revenus et les gains en capital d’un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ne sont pas inclus dans le revenu, vous pouvez verser de l’argent dans le CELI de votre conjoint ou d’un enfant adulte et aucune attribution ne frappera quelque revenu subséquent. De même, si vous versez de l’argent dans le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) de votre conjoint, il n’y a pas d’attribution au moment où votre conjoint retire des fonds et des revenus, en général dans la mesure où le retrait n’a pas lieu dans l’année civile au cours de laquelle le versement a été fait ou les deux années civiles suivantes.
- Si vous touchez la Prestation fiscale canadienne pour enfants, la prestation peut être investie et le revenu ou les gains provenant du placement sont exemptés des règles d’attribution.
- Vous pouvez fractionner un revenu de retraite admissible (par exemple, un revenu de votre régime de pension agréé, un revenu de retraite de votre REER et un revenu de votre fonds enregistré de revenu de retraite (FERR)) avec votre conjoint (époux ou conjoint de fait). Normalement, vous pouvez fractionner jusqu’à 50 % de ce revenu de retraite par année. Si vous avez moins de 65 ans, le fractionnement du revenu de retraite est un peu plus restreint que dans le cas où vous avez 65 ans ou plus.