La question du choix entre REER et CELI se pose régulièrement dans les cercles de planification financière et fiscale. Mais, avant d’y répondre, nous devons savoir en quoi diffère le traitement fiscal de chacun de ces régimes.
Même si certains commentateurs ont l’habitude de désigner les 60 premiers jours de l’année comme la « saison des REER », cela n’est pas tout à fait juste. Ainsi que nous le verrons ci-après, pour avoir droit à une déduction fiscale à l’égard d’une cotisation à un REER dans une année, vous pouvez verser la cotisation dans l’année même ou dans les 60 jours suivant la fin de l’année. Comme un REER et un CELI produisent un revenu libre d’impôt, vos cotisations à votre REER ou votre CELI devraient s’inscrire dans un plan s’échelonnant sur toute l’année.
Fondements du REER
Un REER (régime enregistré d’épargne-retraite) est essentiellement un régime « à cotisations déterminées » personnel, le plus souvent constitué auprès d’une société de fiducie ou d’une société d’assurance.
Vos cotisations au REER sont déductibles dans le calcul de votre revenu, sous réserve des plafonds décrits ci-après. Le REER peut investir dans divers instruments de placement, dont des actions cotées, des obligations, des fonds communs de placement, des CPG et autres.
Le revenu gagné dans votre REER est entièrement à l’abri de l’impôt pendant qu’il est dans le régime. Cependant, lorsque vous retirez les fonds, ceux-ci sont intégralement inclus dans votre revenu aux fins de l’impôt.
Pour 2022, le plafond de cotisation est la somme des montants suivants :
- vos droits inutilisés de cotisations au REER des années précédentes,
- le moins élevé de 18 % de votre « revenu gagné » pour 2021 ou du plafond REER général pour 2022 de 29 210 $ (indexé sur l’inflation chaque année), diminué de votre « facteur d’équivalence », lequel correspond globalement, le cas échéant, aux cotisations versées à un régime de pension agréé de l’employeur (si vous ne participez pas à un tel régime, votre facteur d’équivalence est de zéro).
Votre « revenu gagné » correspond essentiellement à votre revenu d’emploi ou votre revenu net d’entreprise, et quelques autres types de revenus également admis.
La composante « droits inutilisés de cotisations » découle du fait que, si vous ne versez pas le montant complet auquel vous avez droit dans une année, à concurrence de votre plafond REER, vous pouvez reporter en avant les droits de cotisations indéfiniment.
Les cotisations sont normalement versées dans l’année visée, mais la déduction pour une année donnée est aussi permise à l’égard des cotisations versées dans les 60 jours suivant la fin de l’année. Ainsi, pour l’année 2022, vous pouvez verser des cotisations au cours de l’année 2022 ou jusqu’au 1er mars 2023 inclusivement et demander la déduction en 2022. (Notez qu’en ce qui concerne la déduction de l’année prochaine, l’échéance sera le 29 février 2024, et non le 1er mars!)
Fondements du CELI
Un CELI (compte d’épargne libre d’impôt) est le plus souvent établi auprès de votre banque ou d’une société de fiducie.
Les fonds du CELI, comme ceux du REER, peuvent être investis dans des actions, des obligations, des fonds communs de placement, etc.
Comme pour le REER, il n’y a pas non plus d’impôt à payer sur le revenu gagné dans le régime.
À l’opposé, toutefois, vous n’avez pas de déduction fiscale lorsque vous cotisez au CELI, et il n’y a pas d’inclusion dans le revenu lorsque vous en retirez de l’argent.
Les plafonds monétaires ne dépendent pas de votre revenu gagné (contrairement à ceux du REER qui, nous l’avons vu plus haut, en dépendent effectivement). Des plafonds monétaires fixes sont prévus chaque année, lesquels s’accumulent si vous ne les utilisez pas totalement.
En 2009, lors du lancement du CELI, le plafond annuel était de 5 000 $, montant qui a été indexé annuellement sur l’inflation, mais arrondi au 500 $ le plus près (sauf une exception en 2015, où il a été porté à 10 000 $). Pour 2022, il est de 6 000 $.
De plus, si vous retirez de l’argent du CELI dans une année, le montant retiré est rajouté à vos droits de cotisations à compter de l’année suivante.
Contrairement au cas du REER, vous devez avoir 18 ans ou plus pour constituer un CELI.
Comme pour le REER, les droits de cotisations inutilisés peuvent être reportés en avant indéfiniment. Par conséquent, si votre naissance est antérieure à 1992, le montant total cumulatif que vous avez le droit de verser en 2022 est de 81 500 $. (Voir le tableau des maximums apparaissant dans notre bulletin de mars 2022 si votre naissance est postérieure à 1991.)
Lequel des deux régimes est le plus avantageux après impôt?
Si vous vous situez dans la même tranche d’imposition dans l’année de cotisation et l’année de retrait des fonds, REER et CELI sont équivalents sur le plan économique.
Même si cela peut être prouvé au moyen d’une formule arithmétique, vous pouvez en comprendre le concept de la façon suivante. Les deux régimes produisent un revenu libre d’impôt pendant que les fonds sont dans le régime. Le CELI ne permet aucune déduction au moment de la cotisation ni n’entraîne d’inclusion dans le revenu au moment du retrait, tandis que le REER prévoit une déduction à l’égard de la cotisation et une inclusion dans le revenu du montant retiré, lesquels « s’annulent » effectivement l’un l’autre, pour un résultat identique à celui du CELI.
Exemple 1
Vous vous situez dans une tranche d’imposition de 40 % en 2022 et aussi dans l’année ultérieure du retrait que nous supposons être 2028.
Vous souhaitez verser cette année un montant après impôt de 10 000 $ de votre revenu d’emploi dans l’un des deux régimes, ou les deux. Supposons que la valeur de la cotisation double d’ici 2028 et que vous retiriez alors le montant complet.
Cotisation au REER : Si vous décidez de verser dans un REER les 10 000 $ maintenant, vous obtenez une déduction de 10 000 $, ce qui fera que vous n’aurez aucun impôt à payer sur ce montant pour 2022. Vous pouvez donc verser le montant complet de 10 000 $. Ce montant s’accroît pour atteindre 20 000 $ en 2028 et, lorsque vous retirez les fonds, vous payez 8 000 $ d’impôt (taux de 40 %), ce qui vous laisse 12 000 $ après impôt.
Cotisation au CELI : Vous n’avez droit à aucune déduction en 2022, de telle sorte que votre revenu d’emploi après impôt est de 6 000 $ (10 000 $ moins l’impôt de 40 % en 2022).
Vous pouvez donc verser au régime 6 000 $, montant qui doublera pour atteindre 12 000 $ en 2028 au moment du retrait, sans impôt, vous laissant 12 000 $.
Vous vous retrouvez donc dans la même situation après impôt dans les deux cas.
Cependant, si vous vous situez dans une tranche d’imposition différente en 2028, les deux régimes ne s’équivalent pas après impôt.
Exemple 2
Tranche d’imposition inférieure en 2028 :
Reprenons les faits ci-dessus.
Supposons toutefois que vous êtes dans une tranche d’imposition de 30 % en 2028. Dans l’option REER, vous payez 6 000 $ d’impôt en 2028. Lorsque vous retirez les 20 000 $, il vous reste donc 14 000 $.
Dans l’option CELI, votre tranche d’imposition n’est pas pertinente, le retrait étant libre d’impôt. Par conséquent, comme ci-dessus, vous vous retrouvez avec 12 000 $ en 2028.
Exemple 3
Tranche d’imposition supérieure en 2028 :
Supposons cette fois que vous êtes dans une tranche d’imposition de 50 % en 2028. Dans l’option REER, vous payez 10 000 $ d’impôt en 2028. Lorsque vous retirez les 20 000 $, il vous reste donc 10 000 $.
Dans l’option CELI, encore une fois, votre tranche d’imposition n’est pas pertinente puisque le retrait est libre d’impôt. Par conséquent, comme ci-dessus, vous vous retrouvez avec 12 000 $ en 2028.
En pratique toutefois, dans bien des cas, nous ne savons pas si notre taux d’imposition sera supérieur ou inférieur dans l’année du retrait.
Certes, si vos ressources financières vous permettent de verser le plein montant des plafonds de cotisation à la fois dans le REER et le CELI, vous devriez le faire.
Une autre question se pose si vous retirez les montants alors que vous avez 65 ans ou plus. Dans l’option REER, vous incluez le montant retiré dans votre revenu. Selon votre revenu, vous pourriez par conséquent être soumis à l’« impôt de récupération » de la prestation de sécurité de la vieillesse. Cela pourrait affecter également votre crédit d’impôt en raison de l’âge, qui disparaît au-delà d’un certain niveau de revenu. (Aspect positif, le revenu du REER, ou du FERR dans lequel il est converti, peut donner droit au « crédit d’impôt pour pension » dans votre déclaration de revenus.) Dans l’option CELI, ces écueils n’existent pas, puisque le montant retiré n’est pas inclus dans votre revenu. Il s’agit donc d’une autre question à prendre en considération, en sus de vos taux d’imposition dans l’année de la cotisation et l’année du retrait. Ici encore, toutefois, cela est souvent difficile à prédire.
Possibilité de fractionnement du revenu avec votre conjoint
Un élément de planification fiscale qui peut être pris en considération en lien avec un REER ou un CELI est la possibilité de fractionner votre revenu avec votre conjoint (époux ou conjoint de fait).
En vertu des règles relatives au REER, vous pouvez verser une cotisation dans votre REER ou dans le REER de votre conjoint (dans la mesure où celui-ci est constitué comme un « REER au profit du conjoint » auprès de l’institution), et vous prévaloir de la déduction fiscale vous permettant de réduire vos impôts. Votre conjoint profitera de la franchise d’imposition du revenu pendant qu’il est dans le REER. De plus, si votre conjoint se situe dans une tranche d’imposition inférieure à la vôtre au moment où il retire les fonds, de toute évidence, vous économiserez de l’impôt comme couple. Une mise en garde s’impose toutefois : votre conjoint doit attendre la troisième année après l’année au cours de laquelle vous versez votre cotisation pour retirer l’argent. Si le retrait est fait plus tôt, une règle d’attribution prévoit que le montant sera inclus dans votre revenu.
Exemple
En 2022, je me situe dans une tranche d’imposition de 50 %. Je verse 20 000 $ dans le REER de mon conjoint (qui a été constitué à titre de REER au profit du conjoint).
Je peux déduire le montant de 20 000 $ de mon revenu, ce qui me fait économiser 10 000 $ d’impôt du fait de mon taux d’imposition de 50 %.
En 2027, les fonds dans le REER de mon conjoint atteignant 30 000 $, ce dernier les retire. Imposé à 20 %, il paie 6 000 $ d’impôt, ce qui lui laisse 24 000 $ après impôt. En supposant que je me situe toujours dans une tranche d’imposition de 50 %, il est évident que j’aurais payé plus d’impôt et conservé moins d’argent après impôt.
En raison de la règle d’attribution, si, en 2024 par exemple, mon conjoint faisait un retrait, le montant serait inclus dans mon revenu et la possibilité de fractionnement du revenu serait perdue.
En vertu des règles relatives au CELI, vous pouvez, de la même façon, donner de l’argent à votre conjoint pour qu’il cotise à son propre CELI. Bien qu’il n’y ait pas attribution du revenu pendant que les fonds sont dans le CELI, rien n’empêche une attribution future si les fonds transférés au CELI sont retirés par le conjoint.