Moore
Bulletin de janvier 2024

Avez-vous recours à des particuliers pour des travaux à être effectués pour le compte de votre entreprise? Avez-vous recours à des préposés d’aide à domicile comme des gouvernantes ou des aides familiales? Assurez-vous de bien comprendre la nature de la relation de travail qui vous unit et de déclarer de façon appropriée les paiements que vous faites.

Ce sujet refait surface régulièrement devant les tribunaux − la personne a-t-elle été engagée comme entrepreneur indépendant ou s’agit-il d’un(e) employé(e)?

La distinction est très importante, car les deux classements ont des conséquences fiscales très différentes. Si une personne travaille comme entrepreneur indépendant, elle gagnera un revenu d’entreprise qu’elle devra présenter correctement dans sa propre déclaration de revenus. Les obligations de déclaration imposées à la partie qui l’engage sont relativement minimes à cet égard (un feuillet T4A doit être remis dans certains cas).

Cependant, si la personne est classée comme un employé, les obligations de l’employeur sont assez lourdes. Ainsi, l’employeur doit déduire l’impôt sur le revenu, les cotisations aux régimes de pensions gouvernementaux (RPC et RRQ) et les cotisations à l’assurance‑emploi des montants versés aux employés, et il doit déclarer ces retenues à la source et en remettre les montants à l’ARC. L’employeur doit également déclarer le salaire payé sur un feuillet T4. Il pourra avoir en outre des obligations de déclaration provinciales (indemnisation des accidents du travail, par exemple).

Les employeurs doivent aussi verser leur part des cotisations aux régimes de pensions gouvernementaux et à l’assurance-emploi.

Si un employeur classifie incorrectement un travailleur comme entrepreneur indépendant plutôt qu’employé, et qu’il ne fait pas les remises appropriées, les pénalités peuvent être sévères.

Il n’y a pas de critère définitif permettant de déterminer si une personne devrait être traitée comme un entrepreneur ou un employé. De plus, la conclusion avec cette personne d’une entente en vertu de laquelle les deux parties conviennent d’un statut ou de l’autre ne garantit pas que l’ARC acceptera le statut convenu si les circonstances donnent à penser qu’il en est autrement.

Chaque relation doit être évaluée selon son bien-fondé en vue de déterminer si elle crée un statut d’employé ou d’entrepreneur. Les tribunaux ont mis au point une liste de facteurs, dont chacun incline à voir une relation d’employé ou une relation d’entrepreneur indépendant. Une analyse doit être faite de tous ces facteurs et une conclusion peut alors être tirée selon le poids des facteurs.

Facteurs qui doivent être pris en considération :

Degré de contrôle du travail − si le payeur contrôle et surveille étroitement la façon dont le travail est effectué, et le temps pris pour l’effectuer, ce sera davantage l’indice d’une relation d’employeur-employé que si le travailleur exerce lui-même ce contrôle.

Fourniture des outils − si le travailleur utilise les outils du payeur pour effectuer le travail, cela donne à penser qu’il est plutôt un employé que s’il utilisait ses propres outils pour le travail.

Recours à la sous-traitance − le travailleur peut-il amener ses propres adjoints pour aider au travail, ou les utiliser en remplacement à l’occasion, ce qui donnerait à penser qu’il est un entrepreneur indépendant, car les employés ne peuvent normalement agir ainsi.

Risque financier − le travailleur doit-il assumer le fardeau des pertes potentielles (ou a-t-il l’obligation de réparer les erreurs sans rémunération compensatoire) si le travail n’est pas exécuté de façon adéquate? Les employés ne sont habituellement pas tenus d’assumer ces pertes, alors que les entrepreneurs indépendants le sont généralement.

Possibilité de profit − les employés ont habituellement un salaire fixe ou une rémunération horaire et, si ce n’est des primes potentielles, n’ont pas droit directement à une part des profits. Les entrepreneurs indépendants, de leur côté, sont plus susceptibles de tirer profit d’un travail efficient par le jeu d’une augmentation des bénéfices.

La cause récente à la Cour canadienne de l’impôt (CCI) – Balatoni c. Ministre du revenu national [en anglais seulement] est un bon exemple d’une telle erreur de classification. Dans cette affaire, la contribuable possédait une cuisine industrielle où elle employait deux chefs pâtissiers pour la préparation de strudels destinés à une clientèle constituée d’hôtels et de centres de congrès.

Les chefs devaient, pour la cuisson, suivre une recette familiale précise appartenant à la contribuable, et cette dernière formait les chefs personnellement à cet effet. Le travail était fait dans la cuisine industrielle de la contribuable, au moyen d’appareils fournis par cette dernière.

Les chefs touchaient une rémunération horaire pour leurs services et, si l’un des chefs était dans l’incapacité de travailler, l’autre chef prenait sa place. Aucun des chefs n’avait de contrat écrit.

Lorsque les chefs ont perdu leur travail et demandé l’AE, la contribuable a affirmé que les chefs étaient des entrepreneurs indépendants, comme elle visitait rarement la cuisine. Le Ministre s’est dit en désaccord.

La CCI a étudié les faits propres à la cause et tranché à l’encontre de la contribuable, affirmant que les chefs étaient en fait des employés. La cour a relevé, notamment, le fait que la contribuable exerçait un contrôle sur le travail des chefs (en imposant l’utilisation d’une recette familiale précise), et que tous les appareils étaient fournis par la contribuable.

La cour a relevé également que les chefs ne pouvaient engager d’adjoints (un chef remplaçait simplement l’autre au besoin), et qu’ils n’assumaient aucun risque de perte ni n’avaient d’occasion quelconque de profit.

En conséquence, les chefs étaient des employés, avaient droit à l’AE et, au bout du compte, la contribuable devait assumer les obligations liées aux déductions salariales.

Mise à jour : 9 January 2024