Aperçu général
Nos lecteurs se rappelleront qu’en juillet dernier, le gouvernement fédéral a proposé des modifications importantes à l’imposition du revenu de placement passif gagné par une société privée sous contrôle canadien (« SPCC »). Des modifications ont ensuite été introduites dans le budget fédéral de février 2018 (comme on l’a mentionné dans notre Bulletin de fiscalité du mois dernier), mais plus modestes que celles qui avaient été proposées à l’origine.
En vertu de la loi actuelle, une SPCC est assujettie sur son revenu de placement à un taux d’impôt annuel de l’ordre de 50 % ou un peu plus, selon la province. Cependant, lorsqu’elle verse des dividendes à son ou ses actionnaires, la société obtient un remboursement sur son « impôt en main remboursable au titre de dividendes » (« IMRTD »), compte qui sert à suivre le revenu de placement. Après le remboursement, et compte tenu de l’impôt payé sur les dividendes par un actionnaire ayant un revenu élevé, le taux d’impôt global sur le revenu de placement est lui aussi de l’ordre de 50 %. Cela signifie qu’il y a « intégration » des systèmes de l’impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers, de sorte qu’un revenu, qu’il soit gagné personnellement ou par l’entremise d’une société, est soumis, au bout du compte, à peu près au même montant total d’impôt.
Le gouvernement croit, cependant, que le système actuel comporte un problème. En effet, la première tranche de 500 000 $ du revenu tiré d’une entreprise exploitée activement par une SPCC est assujettie à un taux inférieur d’impôt, le plus souvent de l’ordre de 13 %, selon la province. Ce faible taux résulte de la déduction accordée aux petites entreprises (« DAPE ») qui s’applique à la première tranche de 500 000 $ de ce revenu tiré d’une entreprise par la SPCC, ce qui a pour effet de ramener le taux d’impôt général de la société de 27-30 % à environ 13 %. Si la SPCC utilise ensuite le revenu d’entreprise après impôt pour gagner un revenu de placement passif, elle obtient un avantage au titre d’un report qui n’est pas accessible aux autres contribuables. Ainsi, même si le revenu de placement est assujetti à un impôt remboursable annuel comme on le précise ci-dessus, il reste à la SPCC beaucoup plus d’argent à investir initialement en raison du faible taux d’impôt de 13 % sur le revenu d’entreprise, comparativement à un taux d’impôt de 50 % ou plus auquel peut être assujetti un revenu d’entreprise gagné par un particulier non constitué en société. En bref, la SPCC a une « longueur d’avance » importante pour ce qui est des sommes qu’elle peut investir par rapport à un particulier ayant un revenu élevé. Par conséquent, au bout du compte, la SPCC s’en tire mieux qu’un particulier qui exploite une entreprise personnellement et investit son revenu d’entreprise après impôt à un taux élevé.
En vertu de la proposition de l’année dernière, l’IMRTD aurait été mis au rancart, de sorte que la SPCC n’aurait plus eu aucun remboursement au moment de verser des dividendes sur son revenu de placement. Cette proposition aurait eu pour effet de hausser considérablement les taux d’impôt effectifs sur le revenu de placement lorsque celui-ci aurait été versé sous forme de dividendes, comparativement aux règles actuelles. La proposition n’a toutefois jamais été mise en vigueur et, comme on l’a dit plus haut, elle a été remplacée par une proposition budgétaire plus modeste.
Principale proposition budgétaire
Dans le budget de février 2018, le gouvernement a décidé de ne pas abandonner l’IMRTD. Celui-ci sera donc conservé et il y aura toujours remboursement de l’impôt des sociétés lorsque la SPCC versera des dividendes.
Le gouvernement a introduit une proposition de remplacement, en vertu de laquelle le revenu d’entreprise de la SPCC qui est admissible à la DAPE dans une année d’imposition sera réduit, selon un ratio de 5:1, lorsque son revenu de placement passif (conjugué à celui des SPCC « associées ») pour l’année d’imposition précédente sera supérieur à 50 000 $.
Par exemple, si le revenu de placement passif d’une SPCC dans une année d’imposition est de 70 000 $, son revenu d’entreprise maximal admissible à la DAPE pour l’année d’imposition suivante sera ramené à 400 000 $ (soit le plafond de 500 000 $ de revenu tiré d’une petite entreprise moins 5 x (70 000 $ moins 50 000 $)).
En bref, le revenu d’entreprise de la SPCC qui donne droit à la DAPE sera réduit selon un ratio de 5:1. Le revenu d’entreprise non admissible sera alors assujetti au taux d’impôt général élevé des sociétés qui, on l’a vu, est de l’ordre de 27-30 %, selon la province.
Autre proposition budgétaire
Sur une note connexe, le gouvernement a introduit une mesure visant l’« asymétrie » qui apparaît dans certains cas lorsqu’une SPCC verse des dividendes. De manière générale, lorsqu’une SPCC verse des dividendes sur un revenu qui bénéficiait de la DAPE ou sur un revenu de placement admissible à l’impôt remboursable sur son IMRTD, les dividendes sont considérés comme des dividendes « autres que déterminés ». Dans les mains de l’actionnaire, ces dividendes donnent droit à un crédit d’impôt pour dividendes inférieur à celui qui s’applique aux « dividendes déterminés ». Ces derniers ouvrent droit à un crédit d’impôt pour dividendes supérieur pour l’actionnaire, parce qu’ils sont normalement versés sur un revenu d’entreprise qui n’était pas admissible à la DAPE et qui, par conséquent, était imposé plus lourdement pour la SPCC.
Cependant, dans certains cas, les règles actuelles permettent à une société de verser des dividendes déterminés même si c’est sur un revenu qui bénéficiait de la DAPE ou sur un revenu de placement admissible à l’impôt remboursable sur son IMRTD. Le gouvernement a réglé cette « asymétrie». On a introduit dans le budget une nouvelle règle selon laquelle le compte d’IMRTD est scindé en deux : un compte dans lequel on suit le revenu qui peut être admissible au traitement fiscal des dividendes déterminés ou autres que déterminés, et un autre compte dans lequel on suit le revenu qui n’est admissible qu’au seul traitement fiscal des dividendes autres que déterminés.
Les propositions ci-dessus s’appliquent aux années d’imposition des sociétés s’ouvrant après 2018. Elles sont incluses dans le projet de loi C-74 – le premier projet de loi budgétaire de 2018 – qui chemine en ce moment au Parlement et qui sera presque certainement adopté en juin.