Le 7 décembre 2015, le ministère des Finances a publié un Avis de motion des voies et moyens (AMVM) renfermant nombre des mesures d’impôt sur le revenu proposées par le nouveau gouvernement libéral fédéral. Ces mesures sont devenues le projet de loi C-2, qui a fait l’objet d’une première lecture au Parlement le 9 décembre.
Nous avons résumé quelques-unes de ces mesures dans notre Bulletin de fiscalité de décembre 2015. Nous y revenons ci-dessous, et y ajoutons d’autres mesures. À moins d’indications contraires, toutes les modifications prennent effet le 1 janvier 2016.
Réduction du taux d’impôt médian
La deuxième tranche d’impôt fédéral – couvrant le revenu imposable allant de 45 283 $ à 90 563 $ pour 2016 – est ramenée de 22 % à 20,5 %. Cette tranche d’impôt, comme toutes les autres, est indexée sur l’inflation chaque année.
Hausse du taux d’impôt le plus élevé
L’excédent du revenu imposable des particuliers sur 200 000 $ (indexé après 2016) sera assujetti à un taux d’impôt fédéral de 33 %, en hausse sur le taux précédent de 29 %. (Certes, aucun de ces taux ne tient compte de l’impôt provincial.)
Les fiducies, tant non testamentaires (créées du vivant d’une personne) que testamentaires (créées au décès), seront assujetties à un taux uniforme de 33 % sur l’ensemble de leur revenu imposable.
Une exception sera faite pour les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs (essentiellement, la succession pour les 36 mois suivant le décès) et les fiducies admissibles pour personne handicapée, qui seront assujetties aux taux progressifs qui s’appliquent aux autres particuliers.
De même, le taux d’impôt uniforme fédéral qui s’applique au revenu fractionné d’un enfant mineur (« kiddie tax ») sera majoré pour passer de 29 % à 33 %. Le revenu fractionné d’un enfant mineur comprend des éléments comme des dividendes et des avantages aux actionnaires consentis par des sociétés «privées».
Modification du crédit pour dons
À l’heure actuelle, la première tranche de 200 $ de dons de bienfaisance faits par un particulier dans une année donne droit à un crédit d’impôt fédéral de 15 % et tout excédent des dons sur 200 $, à un crédit de 29 %.
Suite à l’augmentation du taux d’impôt le plus élevé de 33 %, le crédit pour dons sera modifié pour les particuliers ayant un revenu imposable supérieur à 200 000 $. Essentiellement, pour l’excédent des dons annuels sur 200 $, un particulier continuera de se prévaloir d’un taux de crédit de 29 %, si ce n’est qu’un crédit de 33 % s’appliquera dans la mesure où le revenu imposable du particulier est supérieur à 200 000 $. En d’autres termes, le crédit aura le même effet que la déduction du don du revenu, aux fins de l’impôt fédéral.
Le ministre des Finances a fourni l’exemple suivant :
- Si un contribuable qui a un revenu imposable de 220 000 $ fait un don de 10 000 $, un taux de crédit de 33 % s’applique au total des dons faits en sus des premiers 200 $ (soit, 9 800 $).
- Si le même contribuable fait un don de 30 000 $ dans l’année, le taux de 33 % s’appliquera à 20 000 $ des dons (toujours 15 % sur les premiers 200 $, et 29 % sur le solde de 9 800 $).
Plafonds du celi
Depuis 2009, le plafond de cotisation annuel à un CELI (compte d’épargne libre d’impôt) était de 5 000 $, indexé sur l’inflation et arrondi au 500 $ le plus proche. Pour 2013 et 2014, le plafond a été porté à 5 500 $ du fait de l’inflation. Puis, le gouvernement conservateur l’a majoré à 10 000 $ pour 2015.
Les nouvelles dispositions législatives ramènent à nouveau le plafond annuel à 5 000 $ sur une base indexée, ce qui fait qu’il sera de 5 500 $ pour 2016 et indexé par la suite. Le plafond de 10 000 $ pour 2015 n’a pas été inversé.
De plus, toutes cotisations inutilisées à un CELI en 2015, sur la base du plafond de 10 000 $ pour cette année, peuvent être reportées en avant. Par exemple, si vous aviez fait des cotisations maximales au CELI pour 2014 puis versé 6 000 $ en 2015, le supplément de 4 000 $ du plafond de cotisation peut être reporté en avant sur 2016 et les années suivantes.
Impôt sur le revenu de placement des sociétés privées
Afin d’empêcher les particuliers de détenir leurs placements dans une société à capital fermé et de différer ainsi l’impôt, un taux d’impôt des sociétés plus élevé s’applique au revenu de placement de ces sociétés au regard du revenu d’entreprise.
Revenu de placement autre que des dividendes intersociétés
Essentiellement, avant 2016, le « revenu de placement total » d’une société privée sous contrôle canadien (gains en capital imposables nets et autres revenus de biens, à l’exception de la plupart des dividendes reçus d’autres sociétés) était assujetti à un taux d’impôt des sociétés fédéral de 34,67 %.
Cependant, afin de préserver une forme d’intégration entre les régimes d’imposition des sociétés et des particuliers (c’est-à-dire d’empêcher une double imposition excessive), une société privée sous contrôle canadien (SPCC), si elle versait des dividendes à ses actionnaires, avait droit à un remboursement d’impôt généralement égal au montant le plus faible de ⅓ des dividendes versés et 26,67 % de son revenu de placement total.
Suite à l’adoption du nouveau taux d’impôt marginal le plus élevé de 33 %, l’AMVM accroît le taux d’impôt des sociétés fédéral sur le revenu de placement total des SPCC de 4 points de pourcentage pour le porter à 38,67 %. En revanche, le remboursement est majoré pour les SPCC, pour être porté en général au montant le plus faible de 38,33 % des dividendes versés par la SPCC et de 30,67 % de son revenu de placement total.
Dividendes reçus par des sociétés privées
La plupart des dividendes intersociétés transitent entre les sociétés en franchise d’impôt de la « Partie I » de base en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). Plus particulièrement, si votre société reçoit un dividende d’une autre société, celui-ci est habituellement déductible dans le calcul du revenu imposable de telle sorte que votre société n’est pas imposée sur le dividende.
Cependant, si votre société privée reçoit un dividende d’une société qui ne lui est pas « rattachée » (on parle alors parfois de « dividendes de porte-feuille » puisqu’il s’agit le plus souvent de placements sur le marché public), elle doit payer un impôt spécial de la Partie IV remboursable. L’autre société n’est généralement pas rattachée si votre société ne la contrôle pas ni ne détient plus de 10 % de ses actions ou droits de vote.
Avant 2016, l’impôt de la Partie IV était de 33,33 % des dividendes reçus par une société privée. Cet impôt était remboursable lorsque la société versait à son tour des dividendes, à raison généralement de 1 $ pour chaque tranche de 3 $ de dividendes versés par la société privée à ses actionnaires.
À compter de 2016, l’AMVM porte le taux de l’impôt de la Partie IV à 38,33 % des dividendes reçus par une société privée. L’impôt est remboursable au taux de 38,33 % des dividendes versés par la société privée à ses actionnaires.