Moore
Bulletin de juillet 2015

Le fractionnement du revenu entre les membres d’une famille peut être bénéfique en raison principalement des taux d’impôt progressifs utilisés dans notre système d’impôt sur le revenu. Aux fins  de l’impôt sur le revenu fédéral, nous avons quatre tranches d’imposition : la plus faible, au taux de 15 %, s’applique au revenu imposable jusqu’à 44 701 $, alors que la plus élevée, au taux de 29 %, s’applique  au revenu imposable supérieur à 138 586 $ (montants de 2015). Toutes les provinces ont également des taux  d’impôt progressifs semblables (l’Alberta a un taux d’impôt uniforme de 10 %, mais ceci devrait changer avec la récente élection d’un gouvernement NPD).  En conséquence, si vous vous situez dans une tranche d’imposition plus faible que des membres de votre famille, le fractionnement du revenu peut faire que le revenu soit soumis à un taux d’impôt inférieur. De plus, les crédits d’impôt auxquels des membres de votre famille ont droit peuvent réduire encore l’impôt à payer sur le revenu fractionné.

Le gouvernement est conscient de cette possibilité d’économies d’impôt et désapprouve généralement  le fractionnement du revenu. En conséquence, diverses règles d’attribution du revenu peuvent s’appliquer  si vous transférez un bien à votre époux (ou conjoint  de fait) ou à des enfants mineurs. Ces règles  sont résumées ci-dessous, de même que leurs principales exceptions.

Prêts ou transferts au conjoint

L’attribution peut s’appliquer si vous prêtez ou transférez de l’argent ou un bien à votre époux (ou conjoint de fait), y compris par un prêt ou  un transfert avant que vous ne soyez devenus conjoints. En vertu de cette règle, un revenu ou  une perte provenant du bien (ou d’un bien y substitué) vous est attribué et inclus dans votre revenu (ou perte) plutôt que dans le revenu de votre conjoint. Un revenu de bien comprend des éléments tels  des intérêts, des dividendes et des loyers. Une règle semblable peut s’appliquer de façon à attribuer  des gains en capital imposables (ou des pertes  en capital déductibles) résultant de la disposition  de bien ou de bien substitué de votre conjoint.

La règle relative au bien substitué signifie que l’attribution peut se poursuivre même si votre conjoint vend ou convertit le bien prêté ou transféré et affecte  le produit à l’acquisition d’un autre bien. Par exemple, si vous donnez de l’argent à votre conjointe et  que celle-ci l’utilise pour acheter des obligations  de société, les intérêts sur celles-ci vous seront attribués. De plus, si elle vend les obligations et utilise  le produit pour acheter un autre bien productif  de revenu, les règles d’attribution peuvent continuer de s’appliquer au revenu ou au gain tiré de cet autre bien.

L’attribution du revenu de bien cesse si vous divorcez ou vivez séparé du fait de la rupture de votre mariage (ou de votre union de fait). L’attribution des gains  en capital cesse après le divorce, mais s’arrête durant votre séparation seulement si vous faites un choix conjoint dans vos déclarations de revenus.

Prêts ou transferts à des enfants mineurs

Une autre règle d’attribution s’applique si vous prêtez  ou transférez un bien (ou de l’argent) à votre enfant de moins de 18 ans, à tout autre enfant avec qui  vous avez un lien de dépendance, ou à un neveu ou nièce mineur. Tout comme la règle relative aux conjoints,  un revenu ou une perte provenant du bien ou d’un bien  substitué vous est attribué. L’attribution du revenu ne s’applique pas dans l’année au cours de laquelle l’enfant atteint l’âge de 18 ans ou dans les années suivantes.

Cependant, les règles d’attribution ne s’appliquent pas aux gains en capital d’enfants mineurs, de  telle sorte que le fractionnement des gains en capital avec vos enfants mineurs est généralement admis.  Par exemple, vous pouvez acheter des actions ordinaires  ou des parts de fonds communs de placement pour vos enfants mineurs, et les gains en capital imposables ultérieurs sur le bien seront inclus dans leur revenu  et ne seront pas soumis à l’attribution. (Voyez toutefois les explications ci-dessous relatives à l’impôt sur le revenu fractionné avec des mineurs, qui peuvent s’appliquer aux gains en capital d’un enfant mineur dans certaines circonstances.) Vous devez vous assurer  en outre qu’en vertu de la loi de la province où vous habitez, vos enfants mineurs ont légalement le droit d’acquérir et de détenir le bien en question.

Exceptions

Heureusement, diverses exceptions sont prévues aux règles d’attribution. Les principales sont résumées ci-dessous.

Les règles ne s’appliquent pas au revenu d’entreprise.  Vous pouvez donc donner ou prêter un bien à votre conjoint ou à un enfant mineur pour lui permettre  de gagner un revenu d’entreprise et ce revenu ne vous sera pas attribué.

Comme il a été mentionné ci-dessus, les règles  ne s’appliquent normalement pas aux gains en capital  d’enfants mineurs. Par conséquent, vous pouvez légitimement fractionner des gains en capital avec ces derniers. Notez cependant que l’attribution peut s’appliquer si vous transférez certains biens agricoles ou de pêche à votre enfant en vertu des dispositions de roulement de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR).

Les règles ne s’appliquent pas si vous prêtez  de l’argent à votre conjoint ou à un enfant mineur  au taux d’intérêt prescrit, dans la mesure où ils vous paient effectivement l’intérêt chaque année  ou au plus tard le 30 janvier de l’année suivante.  Le taux prescrit est actuellement de 1 % (et cela depuis un moment), de sorte que c’est le moment idéal pour procéder à ce type de fractionnement du revenu. Par exemple, si vous prêtez de l’argent  à votre conjointe au taux annuel de 1 % et que  celle-ci affecte les fonds à l’achat d’un placement qui lui rapporte un rendement annuel de 8 %, les règles d’attribution ne s’appliquent pas dans la mesure où elle vous paie le 1 % chaque année. Elle inclura  le rendement net de 7 % dans son revenu  (le rendement brut de 8 % diminué de l’intérêt  de 1 % qui vous est payé). Vous inclurez l’intérêt reçu de 1 % dans votre revenu. Cependant, si votre conjointe rate l’échéance même d’un seul paiement d’intérêt, cette exception à l’attribution cesse de s’appliquer.

Les règles d’attribution ne s’appliquent pas si vous recevez pour le bien au moins une contrepartie égale à la juste valeur marchande. Tout comme pour  l’exception relative aux prêts ci-dessus, si la contrepartie  est un titre de créance, vous devez demander au moins  le taux d’intérêt prescrit, et l’intérêt doit vous être payé chaque année ou au plus tard le 30 janvier de l’année suivante. De plus, dans le cas de votre conjoint, si vous lui transférez un bien en vertu  de cette exception, vous devez faire le choix de vous soustraire au « roulement » en franchise d’impôt sur le transfert, qui est possible par ailleurs pour les transferts entre conjoints. Cela signifie que  le transfert du bien se fera normalement à la juste valeur marchande, ce qui pourrait générer pour vous un gain en capital si la valeur est supérieure  à votre coût du bien. Malheureusement, en raison  des règles relatives aux pertes apparentes (étudiées ci-dessous), la déduction de toute perte sur le transfert  sera normalement refusée.

Les règles ne s’appliquent pas au revenu réinvesti. Par conséquent, si vous transférez un bien à votre conjoint ou à un enfant mineur qui en réinvestit  le revenu, le revenu gagné sur le revenu réinvesti n’est pas soumis à l’attribution.

Les règles ne s’appliquent pas aux transferts de biens  à des enfants de plus de 18 ans. Cependant, une règle  anti-évitement peut s’appliquer si vous prêtez  de l’argent à un membre de votre famille (mineur ou adulte) ou à une autre personne ayant avec vous un lien de dépendance et que l’une des raisons principales du prêt est de réduire votre impôt à payer. Comme ci-dessus, une exception à cette règle anti-évitement est prévue si vous demandez au moins  le taux d’intérêt prescrit sur le prêt.

De toute évidence, les règles ne s’appliquent pas si le bien ne produit aucun revenu ou gain en capital. Par conséquent, vous pouvez acquitter des dépenses personnelles pour votre conjoint et vos enfants sans vous soucier des règles d’attribution. À titre d’élément de planification, envisagez de payer la plupart ou  la totalité des dépenses personnelles de votre conjoint, les dépenses communes du ménage et tout impôt sur le revenu que doit votre conjoint, libérant ainsi  le propre revenu de ce dernier qui pourra être investi dans des biens productifs de revenu. Les règles d’attribution ne s’appliqueront pas.

Comme les revenus ou les gains en capital d’un compte  d’épargne libre d’impôt (CELI) n’entrent pas dans votre revenu, vous pouvez mettre de l’argent dans le CELI de votre conjoint ou de vos enfants adultes  et il n’y aura pas d’attribution de quelque revenu ultérieur. De même, comme nous l’avons vu plus haut, si vous cotisez au REER de votre conjoint  (à la condition que le régime ait été constitué en tant  que régime en faveur du conjoint), il n’y a pas d’attribution au moment où ce dernier retire des fonds  et du revenu, en général dans la mesure où le retrait  n’a pas lieu dans l’année où vous avez versé  la cotisation ou les deux années suivantes.

Si vous recevez la Prestation universelle pour la garde d’enfants parce que vous avez des enfants de moins de 18 ans, celle-ci peut être investie et la totalité du revenu et des gains découlant du placement est exemptée de l’attribution à la condition que vous puissiez en faire le suivi. Ce peut donc être une bonne idée de placer ces sommes dans un compte de banque séparé, si vous n’avez pas besoin de les dépenser.

Autres exceptions : le fractionnement  d’un revenu de pension et la baisse d’impôt pour les familles

Même si le fractionnement du revenu est perçu le plus souvent comme une façon de contourner le système d’imposition, notre gouvernement actuel a décidé qu’il devait être expressément admis dans deux cas.

En premier lieu, vous pouvez fractionner un revenu de pension admissible (c’est-à-dire un revenu de votre régime de pension agréé, un revenu de rente  de votre REER, et un revenu de votre fonds enregistré de revenu de retraite) avec votre époux ou conjoint de fait. Vous pouvez fractionner jusqu’à 50 %  de ce revenu de pension par année. (Si vous avez moins de 60 ou 65 ans, des limites sont imposées  au genre de revenu admissible.)

En second lieu, fait nouveau pour les années 2014 et suivantes, la prestation fiscale pour famille  vous accorde un crédit d’impôt pouvant aller jusqu’à 2 000 $, calculé comme si vous transfériez jusqu’à 50 000 $ de revenu imposable à votre conjoint. Vous ne fractionnez ni ne transférez effectivement le revenu ; le crédit est accordé au conjoint ayant  le revenu le plus élevé. (Comme expliqué dans notre Bulletin de fiscalité de décembre 2014, la baisse d’impôt pour les familles n’est disponible que si vous avez au moins un enfant de moins de 18 ans).

L’impôt sur le revenu fractionné avec un enfant mineur (« kiddie tax »)

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une règle d’attribution, l’« impôt sur le revenu fractionné avec un enfant mineur » peut s’appliquer. L’impôt est levé sur le revenu  fractionné de l’enfant au taux d’impôt marginal  le plus élevé (c’est-à-dire 29 % au fédéral, plus l’impôt provincial). De plus, les seuls crédits d’impôt pouvant être portés en diminution de l’impôt sur le revenu fractionné sont le crédit d’impôt pour dividendes  et tous crédits pour impôts étrangers disponibles. Par conséquent, bien qu’il n’y ait pas d’attribution du revenu, l’impôt sur le revenu fractionné avec un enfant  mineur est tout aussi onéreux, si ce n’est plus.

Le « revenu fractionné » comprend les avantages aux actionnaires et les dividendes reçus sur des actions  de sociétés autres que des sociétés cotées et des fonds communs de placement. De manière générale, il comprend en outre certains revenus de fiducie ou de société de personnes tirés de services ou de biens fournis à une entreprise dans laquelle le père ou  la mère est en cause (les détails sont assez complexes). Il peut s’appliquer de plus au revenu d’une fiducie ou d’une société de personnes si la fiducie ou la société de personnes fournit des services à un tiers et que  le père ou la mère participe activement à la prestation des services.

De plus, si votre enfant vend à profit des actions d’une société (autres que des actions cotées ou des parts de fonds communs de placement) à  une personne ayant un lien de dépendance, le montant  du gain est réputé être un revenu de dividende et,  par conséquent, un revenu fractionné. Le dividende est réputé être un dividende « non déterminé », ce qui  signifie que, s’applique à celui-ci, le crédit d’impôt pour dividendes moins généreux que le crédit qui s’appliquerait à des dividendes de sociétés publiques.

L’impôt sur le revenu fractionné ne s’applique pas dans l’année au cours de laquelle l’enfant atteint 18 ans ni dans les années suivantes. De plus, il ne s’applique pas aux revenus ou aux gains sur des biens  hérités de l’un des parents de l’enfant, ou de quelque autre personne si l’enfant est inscrit à temps plein dans un établissement post-secondaire ou a une déficience.

Dans maintes situations, vous serez – à titre de père  ou de mère – solidairement responsable, avec l’enfant  mineur, du paiement de l’impôt sur le revenu fractionné.

Mise à jour : 31 July 2015

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