Nous vous informons régulièrement des causes fiscales ayant fait l’objet de décisions de tribunaux. Pourquoi sont-elles importantes?
En premier lieu, vous devez comprendre le fondement juridique sur lequel repose notre système fiscal. L’impôt est levé en vertu de la LIR, qui est une loi adoptée par le Parlement (et modifiée chaque année). Le ministère des Finances propose des modifications à la LIR dans le budget fédéral annuel et tout au long de l’année, mais les modifications n’ont pas force de loi tant que le Parlement ne les a pas adoptées.
Lorsque nous avons un gouvernement majoritaire, il est presque assuré que toutes les propositions des Finances seront adoptées. Même en contexte de gouvernement minoritaire, il est presque certain que les modifications techniques qui n’ont pas de signification politique seront adoptées à un moment ou l’autre, même si cela peut prendre des années. Et, lorsqu’elles sont adoptées, elles sont le plus souvent rétroactives à la date indiquée lors de leur première annonce.
La LIR est toutefois très complexe – elle comporte plus de 2 000 pages écrites dans une langue difficile et parfois inintelligible. Elle commande une large part d’interprétation, et son application n’est pas évidente dans maintes situations.
L’ARC publie une documentation étoffée dont le but est de faciliter l’interprétation de la LIR. On peut trouver la plus grande part de cette documentation sur le Web, à cra-arc.gc.ca. Les publications de l’ARC comprennent des Bulletins d’interprétation, des Circulaires d’information, des folios d’impôt sur le revenu, des guides, des brochures et autres documents. Les contribuables et leurs conseillers peuvent les consulter pour décider de la façon dont la LIR s’appliquera à une situation donnée. Les « cotiseurs », les auditeurs et les agents d’appel de l’ARC les utilisent également pour décider de la façon d’établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’intention des contribuables dans une situation donnée.
Cependant, l’ARC n’est pas le législateur. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, la loi relève du Parlement. L’ARC interprète simplement la loi, et ses interprétations ne sont pas légalement exécutoires. Il arrive souvent que les contribuables (et leurs conseillers) ne soient pas d’accord avec les interprétations de l’ARC. (Voir l’arrêt Conocophillips sous la rubrique « Qu’en disent les tribunaux? » ci-dessous, par exemple.)
C’est ici que les tribunaux entrent en jeu. Tout contribuable qui n’est pas d’accord avec un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation peut produire un avis d’opposition dans les 90 jours suivant la date de l’avis de (nouvelle) cotisation. Pour un particulier, l’échéance est la plus éloignée des dates suivantes : la fin de cette période de 90 jours et un an après la date d’échéance de production pour l’année visée. Le dossier est alors étudié par un agent d’appel de l’ARC : un processus purement administratif, tout à fait informel, fait de discussions téléphoniques et d’échanges de correspondance, mais pas d’audiences officielles.
Si, après avoir discuté de la question avec le contribuable ou son représentant et avoir étudié leurs représentations écrites, l’agent d’appel estime que l’avis de cotisation était bien fondé sur les règles de la LIR, il « confirme » l’avis de cotisation. Aussi, il peut « modifier » l’avis de cotisation de façon à le réduire, mais peut-être pas de manière aussi importante que le contribuable le souhaiterait.
À ce moment, le contribuable qui veut toujours faire changer l’avis de cotisation doit s’adresser à la cour. Les appels en matière d’impôt (et de TPS) sont interjetés devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI).
Il n’y a rien de répréhensible à interjeter appel d’une cause devant de la CCI. Cela n’amènera pas l’ARC à vous considérer comme un « problème », ni n’entraînera une attention plus poussée des auditeurs à votre égard dans l’avenir. Si vous avez réellement une bonne cause en droit, vous devriez interjeter appel. Vous devez toutefois consulter un avocat fiscaliste ou autre professionnel compétent pour déterminer si votre cause est bonne. Sans l’avis d’un expert, il est très facile de vous tromper en essayant d’interpréter la Loi.
La CCI est un excellent tribunal : bien gérée, efficiente, humaine et amicale, en particulier pour les contribuables qui n’ont pas d’avocat et en appellent d’un montant d’impôt relativement faible. Lorsque le montant de l’impôt fédéral et de la pénalité ne dépasse pas 25 000 $ pour chaque année d’imposition, l’appel en matière d’impôt sur le revenu peut être entendu selon la « procédure informelle » de la CCI.
(Il en va de même pour un appel en matière de TPS/TVH, à hauteur de 50 000 $.) Ce processus consiste en une audience formelle de la cour selon les règles de celle-ci, mais le juge peut faire une entorse aux règles de la preuve et se montrer plus souple dans son jugement. Au bout du compte, toutefois, le jugement doit toujours se fonder sur les règles de la LIR, et la CCI n’accueillera pas l’appel du contribuable pour la seule raison que le résultat est injuste par ailleurs. Il doit y avoir un fondement légal dans la LIR pour que l’appel soit accueilli.
Pour les appels plus importants, on a recours à la procédure générale de la cour. Bien que les personnes physiques aient le droit de se représenter elles-mêmes, il est fortement recommandé qu’elles retiennent les services d’un avocat spécialiste des litiges fiscaux pour les procédures, ce qui comprend les plaidoyers, les listes de documents, les interrogatoires préalables, les audiences sur l’état de l’instance et diverses autres étapes procédurales, ainsi que l’organisation et la production de la preuve et la formulation des bons arguments juridiques.
Si vous n’êtes pas satisfait du jugement de la CCI, vous pouvez en appeler devant la Cour d’appel fédérale, mais normalement seulement sur un point de droit. Toutes les conclusions de fait formulées par la CCI sont exécutoires (à moins que vous ne puissiez démontrer qu’aucun juge n’aurait pu raisonnablement formuler une telle conclusion à la lumière des preuves soumises – une « erreur manifeste et dominante »). Vous n’êtes habituellement pas autorisé à soumettre quelque nouvelle preuve à la Cour d’appel fédérale – la décision est fondée sur la transcription de la preuve produite lors du procès devant la CCI.
Si vous gagnez votre cause devant la CCI, l’ARC peut interjeter appel auprès de la Cour d’appel fédérale, en vertu des mêmes règles que celles décrites ci-dessus.
Après la Cour d’appel fédérale, un appel est possible auprès de la Cour suprême du Canada, mais seulement avec l’« autorisation » de cette cour. Chacune des parties peut produire une « demande d’autorisation d’en appeler ». Une telle autorisation n’est accordée que s’il s’agit d’une question d’« importance nationale ». La Cour suprême n’entend que quelques causes fiscales chaque année.
Que signifie tout cela en termes de compréhension des décisions de la cour?
- Les jugements des tribunaux supérieurs ont davantage valeur de précédent. Les tribunaux inférieurs sont tenus d’appliquer les principes juridiques énoncés par les tribunaux supérieurs.
Un jugement de la Cour suprême du Canada sur une question fiscale est extrêmement important – et rare, puisque la Cour suprême n’entend que très peu d’appels en matière d’impôt. Les jugements de la Cour d’appel fédérale sont également très importants, en particulier lorsqu’ils comportent des énoncés des principes de droit.
Les décisions de la CCI en vertu de la procédure générale sont moins importantes mais néanmoins valables. Même les décisions en vertu de la procédure informelle qui, techniquement, ne sont pas exécutoires pour les causes futures, donnent une bonne indication de l’orientation de la cour à l’égard d’une question et, en pratique, l’ARC et les autres juges de la CCI les suivront. - Les tribunaux n’accordent pas beaucoup de poids aux publications de l’ARC comme les Bulletins d’interprétation. Le juge prend acte de ces documents, mais ne se considère pas lui-même obligé de quelque façon de suivre l’interprétation de l’ARC – étant donné que l’ARC est l’une des parties au litige soumis au tribunal. Le droit se trouve dans la LIR et la jurisprudence, non dans les publications de l’ARC.
- Si le gouvernement n’aime pas une décision de la cour, il peut l’infirmer effectivement par des dispositions législatives, en apportant à la LIR des modifications que le Parlement adopte ensuite. De nombreux « stratagèmes » qui ont été admis par les tribunaux ont plus tard été bloqués par des modifications à la LIR. Entretemps, toutefois, les contribuables peuvent néanmoins tirer profit de la décision de la cour – à moins que les dispositions législatives soient rétroactives, ce qui est parfois le cas.