Vous avez peut-être lu d’autres bulletins d’information et rapports concernant le budget fédéral du 21 avril 2015. Dans l’affirmative, le présent bulletin vous proposera quelques perspectives et idées nouvelles au sujet des propositions budgétaires. Dans la négative, vous trouverez ici nombre d’informations nouvelles !
Ce budget a un caractère « politique », un regard tourné vers l’élection d’octobre qui s’en vient. Quelques-uns des changements sont inclus dans le projet de loi C-59, qui a été déposé devant le Parlement le 7 mai et sera adopté d’ici la fin de juin. D’autres ont été préservés pour l’automne, et pourraient ne jamais être adoptés si les Conservateurs ne devaient pas former le prochain gouvernement après l’élection.
Voici donc quelques-uns des changements les plus positifs proposés dans le budget, ainsi que quelques perspectives et informations nouvelles à leur sujet, que vous n’avez peut-être pas lues encore.
Exonération des gains en capital relative aux biens agricoles et de pêche
L’exonération des gains en capital relative aux biens agricoles et de pêche et aux sociétés exploitant une petite entreprise admissible a été de 500 000 $ pendant de nombreuses années, puis elle fut portée à 750 000 $ en 2007, 800 000 $ en 2014, puis indexée sur l’inflation à compter de 2015, pour s’établir à 813 600 $ pour 2015. Aussi, en 2014, une modification technique a été adoptée afin de fusionner les exonérations relatives aux « biens agricoles » et aux « biens de pêche », de telle sorte qu’une entreprise qui s’adonne en partie à l’agriculture et en partie à la pêche puisse être admissible. Le contribuable doit satisfaire à certaines conditions au sujet de l’utilisation active des biens dans des activités agricoles et de pêche. Les actions d’une « société agricole/de pêche » ou une participation dans une « société de personnes agricole/de pêche » peuvent être admissibles.
Techniquement, cette exonération n’en est pas une, mais plutôt une « déduction pour gains en capital ». Le gain en capital doit toujours être déclaré ; la moitié du gain en capital est toujours incluse dans le revenu à titre de « gain en capital imposable ». Une déduction peut ensuite être demandée en diminution du gain en capital imposable (par exemple, pour 2015, à hauteur de 406 800 $, soit la moitié de 813 600 $).
Quel est le changement positif ici ?
Le budget porte à 1 M $ l’exonération pour les biens agricoles/ de pêche admissibles. Ce montant ne sera plus indexé sur l’inflation, jusqu’à ce que l’exonération relative aux actions de petite entreprise (actuellement de 813 600 $) atteigne 1M $. Comme cela prendra des années, il ne fait aucun doute que cette règle sera modifiée bien avant.
Donner le produit de la cession d’actions d’une société privée, ou de biens immobiliers, à un organisme de bienfaisance
La Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) prévoit depuis 2006 une règle qui permet de donner des actions d’une société cotée à un organisme de bienfaisance sans constater et payer l’impôt sur le gain en capital qui s’appliquerait normalement lorsqu’on fait un don (c’est-à-dire le gain en capital accumulé à hauteur de la valeur marchande du moment). La seule exception concerne les actions accréditives, qui bénéficient déjà d’importants avantages fiscaux au moment de l’acquisition des actions.
Quel est le changement positif ici ?
Le budget propose de permettre le don du produit de la cession d’actions d’une société privée, et de biens immobiliers, à un organisme de bienfaisance sans constater le gain en capital provenant de la vente des biens. Un organisme de bienfaisance ne peut normalement détenir des actions d’une société privée, et détiendrait rarement des biens immobiliers, de telle sorte que le bien lui-même ne serait pas donné à l’organisme. Vous pourrez plutôt vendre le bien et donner le produit en espèces (en totalité ou en partie) à un organisme dans les 30 jours suivant la vente. Vous ne serez alors pas tenu de constater le gain en capital (ou une partie de celui-ci si vous ne donnez pas la totalité du produit). Ceci aura pour effet d’augmenter sensiblement la valeur du don par rapport au crédit pour don actuel de 45 % à 50 %.
Cette règle n’entrera pas en vigueur avant 2017.
Fait important, la proposition budgétaire ne dit pas clairement si le produit véritable de la vente doit être isolé, suivi puis donné dans les 30 jours suivants, ou s’il suffira de donner quelque somme d’argent dans les 30 jours. Le ministère des Finances a indiqué qu’il donnera une réponse claire à cette question lors de la publication de l’avant-projet de loi.
La déclaration de biens étrangers simplifiée pour nombre de gens
Les contribuables ayant des « biens étrangers » dont le coût dépasse 100 000 $CA ont été tenus pendant de nombreuses années de déclarer ces biens à l’Agence du revenu du Canada (ARC) dans leur déclaration T1 et de produire un formulaire T1135 de déclaration des biens étrangers. Le but est de permettre à l’ARC de s’assurer que le contribuable déclare le revenu de ses placements étrangers adéquatement, et paie l’impôt correspondant.
Jusqu’à 2013, le T1135 était un simple formulaire du type « cases à cocher » où l’on demandait simplement les catégories de placements étrangers (par exemple, actions étrangères, prêts étrangers ou biens immobiliers étrangers). À compter de l’année 2013, l’ARC a rendu le formulaire beaucoup plus complexe, ce qui demande beaucoup de temps pour le remplir. De plus amples changements ont été apportés pour l’année 2014, rendant le formulaire encore plus complexe et exigeant que soient indiqués la nature et la valeur des biens, le revenu en provenant et le pays d’origine. On exige même que soient déclarés les titres étrangers détenus dans des comptes de courtiers en valeurs canadiens, bien que tous les montants relatifs à un même pays dans un compte puissent être regroupés.
Quel est le changement positif ici ?
À compter de l’année 2015, le T1135 sera simplifié pour les contribuables dont le coût total des biens étrangers se situe entre 100 000 $ et 250 000 $. Ce n’est qu’au dessus du seuil de 250 000 $ que les renseignements détaillés actuels seront exigés.
Crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire
En 2009, le gouvernement avait introduit le « crédit d’impôt pour la rénovation domiciliaire », qui accordait à tous les contribuables un crédit de 15 % pour des rénovations à leur maison se chiffrant entre 1 000 $ et 10 000 $ (soit un crédit maximal de 1 500 $). Cette mesure ne valait que pour 2009, question de stimuler l’économie au coeur de la récession de 2008-09. Elle s’est révélée très populaire et, sans aucun doute, elle a contribué à la relance de l’économie.
Quel est le changement positif ici ?
Le budget propose un crédit semblable, le « crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire », qui se limite toutefois aux rénovations requises pour rendre plus accessible le logement d’une personne de plus de 65 ans ou d’une personne handicapée (admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées) qui vit dans le logement. Le crédit correspondra à 15 % du coût des rénovations à concurrence de 10 000 $ − soit un crédit maximal de 1 500 $ par année. Il ne prévoit pas de date d’expiration; il sera disponible pour les dépenses engagées à compter de 2016.
Un contribuable pourra séparer les travaux de part et d’autre d’une fin d’année civile et ainsi doubler le plafond de 10 000 $ en dépensant la moitié du montant dans une année et l’autre moitié, dans l’autre année.
Fabrication et transformation – la déduction pour amortissement
Une entreprise qui achète du matériel à inclure dans les immobilisations peut demander une déduction pour amortissement (DPA ou amortissement fiscal), afin de radier le coût du matériel au fil du temps. Le Règlement de l’impôt sur le revenu prévoit des encouragements à l’achat de certains types de biens, en accordant un taux élevé de DPA au regard de la dépréciation réelle probable du bien.
Les machines et le matériel acquis entre 2007 et 2015, pour utilisation principalement au Canada dans la fabrication ou la transformation de biens destinés à la vente ou la location, bénéficient d’un taux de DPA accéléré temporaire de 50 %, appliqué linéairement (catégorie 29). En d’autres termes, le coût des machines ou du matériel peut être complètement radié sur deux ans. Pour les biens acquis après 2015, cette mesure doit disparaître, et le taux de DPA revenir à 30 %, sur le solde dégressif (catégorie 43).
Quel est le changement positif ici ?
Le budget propose de créer une nouvelle catégorie 53, avec un taux de DPA de 50 % sur le solde dégressif pour ces machines et matériel acquis entre 2016 et 2025.
Même s’il s’agit d’une amélioration par rapport au taux de 30 %, en fait, ce changement est négatif au regard de la règle actuelle qui permet une radiation sur deux ans. La nouvelle catégorie 53 se fondera, comme il est dit plus haut, sur le « solde dégressif », et la règle de la « demi-année » qui ne permet de déduire que la moitié de la DPA dans l’année d’acquisition, s’appliquera à la catégorie 53. Par conséquent, pour des biens acquis en 2016 pour 1 000 $, plutôt que 500 $ dans chacune des années 2016 et 2017, la déduction sera la suivante :
Année | DPA | FNACC année suivante |
---|---|---|
2016 | 250 $ (50 % de 1 000 $, règle de la demi-année) | 750 $ |
2017 | 375 $ (50 % de FNACC de 750 $) | 375 $ |
2018 | 183 $ (50 % de FNACC de 375 $) | 182 $ |
2019 | 92 $ | 91 $ |
etc. |
FNACC = fraction non amortie du coût en capital
Allégement des pénalités – omission répétée de déclarer un revenu
Comme nous l’avons expliqué dans notre Bulletin de fiscalité de mars 2015, le paragraphe 163(1) de la LIR prévoit une pénalité dont l’effet peut être dévastateur pour une personne qui fait défaut de déclarer un montant de revenu deux années sur n’importe quelles de quatre années. La pénalité (y compris la pénalité provinciale parallèle) est actuellement de 20 % du revenu non déclaré, même si l’impôt avait été retenu à la source, ce qui fait qu’il n’y a pas d’impôt impayé.
Dans notre Bulletin de mars, nous avons donné un exemple qui illustre à quel point la pénalité peut avoir un caractère punitif :
Lorsque Joe a remis à son comptable ses documents pour sa déclaration de revenus de 2011, il a égaré l’un des douze T5 et autres feuillets semblables qu’il avait reçus pour divers types de revenus de placement. Le feuillet en question indiquait qu’il avait gagné des intérêts de 75 $. Un montant de 75 $ de revenu était donc omis de sa déclaration.
En 2014, Joe a pris sa retraite et a reçu une prime de 100 000 $, sur laquelle son employeur avait opéré une retenue. En raison de cette retenue, il n’avait pas d’impôt supplémentaire à payer sur les 100 000 $. Encore une fois, il a égaré le feuillet T et omis de parler à son comptable de ce montant, et sa déclaration de 2014 a été produite sans que le revenu additionnel de 100 000 $ ni l’impôt qui avait été retenu à son égard aient été indiqués.
L’ARC imposera une pénalité de 20 000 $, même si le montant de revenu non déclaré de 2011 était négligeable et que le montant de 2014 ne produisait aucun impôt à payer.
Quel est le changement positif ici ?
Le budget propose de modifier cette pénalité de telle sorte qu’elle ne s’appliquera que si les deux montants non déclarés étaient d’au moins 500 $, et la pénalité ne peut dépasser 50 % de l’impôt impayé sur le revenu non déclaré. Dans l’exemple de Joe ci-dessus, la pénalité ne s’appliquerait pas parce que le revenu non déclaré de la première année n’était que de 75 $ ; et, même si cela n’avait pas été le cas, comme il n’y avait pas d’impôt additionnel à payer en raison de la retenue à la source, il n’y aurait pas de pénalité du tout.
La nouvelle règle s’appliquera aux années 2015 et suivantes.
Réduction des retraits minimaux des FERR
Un contribuable ayant un REER doit liquider ce régime au plus tard dans l’année où il atteint l’âge de 71 ans (ou, dans certains cas, dans l’année où son conjoint plus jeune atteint l’âge de 71 ans). Il peut retirer la totalité des fonds et payer la totalité de l’impôt immédiatement; ou acheter une rente ; ou convertir le REER en un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Un FERR est comme un REER, si ce n’est qu’il n’est pas permis d’y faire de nouvelles cotisations. Aussi, un « montant minimum » doit en être retiré chaque année (un peu comme une pension). Le contribuable peut toujours choisir de retirer plus que le minimum.
Le montant minimum se fonde sur une table établie en 1992, alors que des taux d’intérêt de l’ordre de 6 % à 10 % étaient courants sur les obligations d’État.
Cette table exige qu’un montant croissant soit retiré chaque année, par exemple 7,85 % à l’âge de 75 ans et 8,75 % à l’âge de 80 ans. Compte tenu des faibles taux d’intérêt records des dernières années, peu de contribuables ont pu retirer le montant minimum sans réduire la valeur du capital de leur FERR et, par conséquent, leur revenu futur.
Quel est le changement positif ici ?
Le budget propose de modifier la table des facteurs déterminant le « minimum » du paragraphe 7308(4) du Règlement de l’impôt sur le revenu, afin de permettre des retraits moindres et ainsi de permettre aux contribuables de conserver plus longtemps les fonds croissant à l’abri de l’impôt dans leur FERR. Si nous reprenons les exemples ci-dessus, le retrait exigé à l’âge de 75 ans sera désormais de 5,82 % et, à l’âge de 80 ans, de 6,82 %. Certes, cela ne sera d’aucune utilité pour un contribuable qui a assez d’argent pour vivre sans faire trop de retraits de son FERR.
Ce changement entre en vigueur en 2015. Considérant que certains contribuables pouvaient avoir déjà retiré le « minimum » exigé pour 2015 avant le budget et que, par conséquent, ils auront retiré plus que requis, une règle spéciale, consignée à l’article 60.022 de la LIR, leur permettra de retourner l’excédent dans leur FERR sans pénalité, d’ici le 29 février 2016.
Réduction du taux d’imposition des sociétés exploitant une petite entreprise
La « déduction accordée aux petites entreprises » prévoit un taux d’imposition de la première tranche de 500 000 $ du revenu tiré d’une entreprise exploitée activement par les sociétés exploitant une petite entreprise bien inférieur à celui s’appliquant aux grandes sociétés ou aux revenus de niveaux élevés. Le montant de 500 000 $ doit être partagé entre des sociétés « associées » (à l’intérieur du même groupe de contrôle).
Le taux de l’impôt fédéral de base sur les sociétés (sans tenir compte du taux provincial d’imposition des sociétés) est de 28 %. La déduction accordée aux petites entreprises correspond à 17 points d’impôt, ce qui fait que le taux d’imposition des petites entreprises est de 11 %.
Quel est le changement positif ici ?
Le budget propose d’accroître la déduction accordée aux petites entreprises, et de réduire ainsi le taux d’imposition des sociétés exploitant une petite entreprise de un demi point de pourcentage par année civile pendant quatre ans (avec répartition proportionnelle de part et d’autre du 1er janvier de chaque année). Le taux de l’impôt sur le revenu fédéral des sociétés sera donc de 10,5 % pour 2016, de 10 % pour 2017, de 9,5 % pour 2018 et de 9 % à compter de 2019.
(Les taux d’imposition provinciaux du revenu tiré d’une petite entreprise par des sociétés varie de 0 % (au Manitoba) à 4,5 % (en Ontario et à l’Î.P.É.), à l’exception du taux de 8 % au Québec.)
Majoration du plafond de cotisation CELI qui est porté à 10 000 $
Le compte d’épargne libre d’impôt (CELI) permet de verser des cotisations cumulatives pouvant atteindre 5 000 $ par année pour les années 2009 à 2012 et 5 500 $ par année pour 2013 à 2015 – pour un total de 36 500 $ pourune personne née avant 1992 (un CELI ne peut être constitué que si le contribuable a au moins 18 ans à la finde l’année). Les fonds, qui s’accumulent en franchise d’impôt dans le CELI, peuvent être retirés à n’importe quel moment. Le retrait de fonds reconstitue le même montant dans le nouveau plafond de cotisation, mais pas immédiatement – seulement en date du 1er janvier de l’année civile suivante.
Quel est le changement positif ici ?
Le budget propose de majorer le plafond de cotisations CELI pour le porter à 10 000 $ par année, à compter de 2015. En conséquence, si vous avez déjà versé le maximum, vous pouvez verser 4 500 $ de plus immédiatement. L’ARC a annoncé le 25 avril 2015 qu’elle appliquerait immédiatement la Loi comme si cette règle était adoptée : les 4 500 $ supplémentaires peuvent donc être versés immédiatement.
Vétérans blessés
Anciens Combattants Canada a créé une nouvelle « indemnité pour blessure grave », un montant forfaitaire de 70 000 $ à l’intention des membres et des vétérans des Forces armées canadiennes (FAC) les plus grièvement blessés ou malades.
Anciens Combattants Canada a également créé une nouvelle « allocation de secours pour les aidants familiaux », une subvention annuelle non imposable de 7 238 $. Cette aide financière peut être utilisée pour des mesures d’allégement telles le paiement pour les services d’un dispensateur de soins professionnel à domicile ou encore le paiement des frais de voyage permettant à un autre membre de la famille ou à un ami de se rendre au domicile du vétéran. D’ici 2020, cette nouvelle allocation devrait permettre de venir en aide à quelque 350 conjoints ou aidants naturels des vétérans les plus grièvement blessés ou malades.
Les deux indemnités sont libres d’impôt.