Moore
Bulletin de juin 2023

Dans les dernières années, le gouvernement a pris de plus en plus de mesures visant à contrer la « planification fiscale audacieuse » − c’est-à-dire l’utilisation d’abris fiscaux et autres stratagèmes visant à éviter l’impôt par des moyens que ne prévoyaient pas les concepteurs du système fiscal. Les nouvelles règles rendront plus dangereux le recours à de tels stratagèmes [d’évitement fiscal].

Nous ne parlons pas de fraude fiscale ou d’évasion fiscale ici. La fraude fiscale est l’acte criminel que commet une personne qui fait une fausse déclaration (ou ne produit pas de déclaration) de revenus gagnés ou de crédits d’impôt. Jusqu’à récemment, toutefois, l’évitement fiscal pour sa part – pratiqué en conformité avec la loi − en valait souvent la chandelle. Si un stratagème de planification fiscale faisait l’objet d’un audit et ne satisfaisait pas les critères, le coût se limitait habituellement à l’impôt et aux intérêts à payer.

La démarche comporte désormais plus de dangers.

Exemples de règles récemment instaurées ou adoptées par le Parlement :

  • Déclaration obligatoire d’« opérations à déclarer ». Si votre planification fiscale comporte l’une ou l’autre de trois « caractéristiques », elle doit être déclarée à l’Agence du revenu du Canada (ARC), faute de quoi vous et le promoteur du stratagème pourrez encourir d’importantes pénalités, sans compter que l’ARC aura plusieurs années additionnelles pour vous trouver et vous imposer de façon à annuler les avantages escomptés. Ces trois caractéristiques sont les suivantes :
  • Honoraires conditionnels: Les honoraires du promoteur dépendent du succès de la planification fiscale. (Une exception concerne les conseillers en recherche scientifique et développement expérimental, qui sont normalement rémunérés en pourcentage des économies d’impôt qu’ils obtiennent pour leurs clients.)
  • « Droit à la confidentialité» : vous n’avez pas l’autorisation de révéler les détails du stratagème à des tiers.
  • « Protection contractuelle »: toute forme d’assurance ou d’engagement quant à la défense du stratagème si l’ARC vous adresse un avis de nouvelle cotisation vous en refusant les avantages.

Jusqu’à maintenant, vous deviez remplir deux des « critères » ci-dessus d’une planification fiscale audacieuse pour être dans l’obligation d’en rendre compte. En vertu des modifications apportées à l’article 237.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), qui seront adoptées par le Parlement en juin − ce qui sera peut-être chose faite lorsque vous lirez ces lignes −, la présence de l’un ou l’autre des trois critères suffira pour déclencher l’application des règles relatives aux « opérations à déclarer ».

  • Déclaration obligatoire d’« opérations à signaler ». L’ARC publiera une liste des stratagèmes de planification fiscale qu’elle juge abusifs ou dignes d’intérêt. Si vous participez à l’un de ces stratagèmes, que ce soit comme contribuable, conseiller ou promoteur, vous devrez le signaler à l’ARC faute de quoi, ici encore, vous vous exposez à d’importantes pénalités. Le ministère des Finances a publié une première liste des stratagèmes à signaler. On y trouve : le recours à la faillite dans le but d’éliminer une dette de façon à échapper aux conséquences fiscales négatives des règles relatives à la remise d’une dette commerciale; une procédure faisant qu’une société n’ait pas le statut de société privée sous contrôle canadien » de façon à éviter le taux élevé d’imposition des revenus de placement; une mesure permettant aux fiducies de se soustraire à la règle de la « disposition réputée tous les 21 ans »; et plusieurs autres stratagèmes.

Ces règles (consignées à l’article 237.4 de la LIR) seront également adoptées par le Parlement en juin.

  • La Règle générale anti‑évitement (RGAE) existe depuis 35 ans. De nouvelles propositions visant à la renforcer prévoient toutefois une pénalité de 25 %, automatique, chaque fois que la RGAE s’applique, et cela en sus des intérêts et autres pénalités pouvant être imposés. De plus, un nouveau critère de « substance économique » et d’autres modifications feront qu’il sera plus facile pour l’ARC d’appliquer la RGAE. Aussi, l’ARC aura trois années additionnelles pour vous repérer et vous imposer si la RGAE s’applique.

 

Mise à jour : 8 June 2023