Règles générales
Fiducies et successions sont traitées comme des particuliers et des contribuables en vertu de la LIR. À ce titre, elles doivent déclarer tous leurs revenus et payer l’impôt sur leur revenu imposable, le cas échéant.
Même si elles sont considérées comme des particuliers, la plupart des fiducies ne sont pas admissibles aux taux d’imposition progressifs qui s’appliquent aux autres particuliers. La plupart des fiducies sont assujetties à un taux uniforme correspondant au taux marginal le plus élevé applicable aux autres particuliers. Le taux fédéral est de 33 % et les taux provinciaux varient. En général, le taux combiné fédéral et provincial est d’environ 50 % ou plus.
L’idée derrière le taux d’imposition uniforme élevé est d’empêcher le fractionnement du revenu au moyen de fiducies. Par exemple, si les taux progressifs s’appliquaient aux fiducies, vous pourriez constituer de multiples fiducies et fractionner vos revenus de placement entre ces diverses fiducies de manière à vous prévaloir des taux d’imposition progressifs.
Deux exceptions ouvrent droit aux taux d’imposition progressifs dans le cas des « successions assujetties à l’imposition à taux progressifs » (« SAITP ») et des « fiducies admissibles pour personne handicapée ». De façon générale, la SAITP est la succession d’une personne décédée pouvant bénéficier de ce statut pendant une période d’au plus 36 mois après le décès, sous réserve de certaines conditions. La fiducie admissible pour personne handicapée est une fiducie testamentaire (créée en vertu du testament de la personne décédée) dont le bénéficiaire est handicapé et a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées; ici encore, certaines autres conditions doivent être satisfaites. Toutes les autres fiducies sont assujetties au taux d’imposition uniforme élevé.
Une fiducie calcule son revenu essentiellement de la même manière que les autres contribuables. Cependant, elle peut, dans une année d’imposition, déduire le revenu qui est payé ou payable à ses bénéficiaires dans l’année. (Quelques exceptions à cette règle du revenu « payé ou payable » sont décrites ci-dessous.) Les bénéficiaires incluent alors le montant dans leur revenu, et les bénéficiaires qui sont des particuliers sont assujettis aux taux d’imposition progressifs habituels.
L’année d’imposition de toute fiducie qui n’est pas une SAITP doit correspondre à l’année civile. Une SAITP peut opter pour l’année civile, ou choisir une année d’imposition qui ne coïncide pas avec l’année civile pendant une période allant jusqu’à 36 mois. Si elle choisit une année d’imposition autre que l’année civile, elle aura une fin d’année réputée au terme des 36 mois (lorsqu’elle cessera d’être une SAITP), après quoi elle clôturera son année d’imposition le 31 décembre. Cette souplesse peut être bénéfique, comme l’illustre l’exemple qui suit.
Exemple
X décède le 1er juillet 2018. La succession assujettie à l’imposition à taux progressifs choisit l’année civile comme année d’imposition. Sa première année d’imposition se termine donc le 31 décembre 2018 et, de ce fait, il s’agit d’une année d’imposition abrégée. Les deux années d’imposition suivantes se terminent les 31 décembre 2019 et 2020, et la quatrième année d’imposition est une année d’imposition abrégée qui se termine le 30 juin 2021. La fiducie a donc quatre années d’imposition (en 36 mois) au cours desquelles elle peut gagner un revenu assujetti à des taux d’imposition progressifs, plutôt que trois années d’imposition. En d’autres mots, elle a quatre chances plutôt que trois de se prévaloir des faibles taux marginaux qui s’appliquent aux tranches de revenu imposable inférieures.
En revanche, la fiducie pourrait choisir une année d’imposition se terminant le 30 juin, jusqu’en 2021 (c’est-à-dire aussi longtemps qu’elle conserve le statut de SAITP). Dans ce cas, les trois premières années d’imposition se termineraient les 30 juin 2019 à 2021. Si le revenu de la fiducie est versé à un bénéficiaire, il est inclus dans le revenu de ce dernier pour l’année civile au cours de laquelle se termine l’année d’imposition de la fiducie. Par exemple, si la fiducie gagne un revenu en septembre 2018 et le verse immédiatement au bénéficiaire, ce revenu est inclus dans le revenu de 2019 du bénéficiaire, parce que l’année d’imposition de la fiducie se termine le 30 juin 2019. Ainsi l’impôt peut‑il être reporté dans une certaine mesure.
Diverses règles de transmission assurent la préservation de la nature du revenu entre les mains des bénéficiaires. Par exemple, si une fiducie reçoit des dividendes d’une société canadienne et les verse à un bénéficiaire, elle peut les désigner comme des dividendes pour le bénéficiaire. Ce dernier peut demander le crédit d’impôt pour dividendes. Des règles semblables s’appliquent aux gains en capital, y compris ceux qui sont admissibles à l’exonération des gains en capital pour le bénéficiaire (par exemple, les gains sur des actions admissibles de petite entreprise).
Déduction pour un revenu dévolu à un bénéficiaire de moins de 21 ans
Si le bénéficiaire a moins de 21 ans, et que son droit au revenu de la fiducie dans une année lui est « irrévocablement dévolu », la fiducie peut déduire ce revenu dans l’année, même si elle ne le verse pas au bénéficiaire dans l’année. Le bénéficiaire en inclura alors le montant dans son revenu. Cette règle permet à la fiducie de conserver davantage de revenu après impôt, puisque le revenu sera imposé aux taux d”imposition progressifs du bénéficiaire, plutôt qu’au taux d’imposition uniforme élevé de la fiducie.
Comme le droit du bénéficiaire doit lui être irrévocablement dévolu (ce qui signifie essentiellement qu’il a un droit acquis sur le montant), le revenu devra lui être versé dans une année d’imposition ultérieure. L’encaissement postérieur du montant sera considéré comme une rentrée de capital, qui ne sera assujettie à aucun autre impôt. Certaines autres conditions devront être satisfaites.
Choix du bénéficiaire privilégié
Il existe une autre situation dans laquelle la fiducie peut demander une déduction même si elle ne verse pas son revenu dans l’année au bénéficiaire. Ce dernier doit être un « bénéficiaire privilégié », ce qui signifie en général une personne handicapée. Ici encore, certaines autres conditions devront être satisfaites.
La fiducie peut attribuer une part de son revenu au bénéficiaire privilégié, qui l’inclut dans son revenu. La fiducie déduit le montant de son revenu. Le revenu est donc imposé aux taux d’imposition progressifs du bénéficiaire même s’il reste dans la fiducie. Si le montant est versé dans une année ultérieure, il ne sera assujetti à aucun autre impôt.
Choix de verser un revenu qui demeure inclus dans le revenu de la fiducie
Une autre règle permet à une fiducie de verser son revenu à un bénéficiaire mais sans en déduire le montant, de telle sorte qu’il demeure un revenu de la fiducie, non imposable pour le bénéficiaire. Ainsi la fiducie peut‑elle utiliser des pertes reportées en avant pour compenser l’inclusion dans son revenu de façon à ne pas payer d’impôt sur le montant.
Exemple
Une fiducie a 40 000 $ de pertes autres que des pertes en capital inutilisées, reportées d’années précédentes (qu’elle peut reporter sur les 20 années suivantes). Dans l’année considérée, la fiducie a un revenu de placement de 40 000 $, qu’elle verse à son bénéficiaire.
Si la fiducie fait le choix de ne pas déduire les 40 000 $ versés au bénéficiaire, le revenu de 40 000 $ demeure un revenu de la fiducie. Elle peut cependant utiliser le report en avant de la perte autre qu’une perte en capital de 40 000 $ en compensation de l’inclusion, et ne payer aucun impôt sur la somme. Le bénéficiaire reçoit les 40 000 $ en franchise d’impôt.
Cette règle ne s’applique que si les pertes reportées en avant ramènent le revenu imposable de la fiducie à zéro. Cela signifie que les pertes reportées en avant doivent annuler complètement le revenu de la fiducie. Par exemple, si, dans l’exemple ci-dessus, seulement 30 000 $ de la perte reportée en avant de la fiducie avaient été utilisés, la fiducie ne pourrait faire ce choix.
Dates de disposition réputée pour la fiducie
Afin d’empêcher les fiducies de différer indéfiniment l’imposition des gains accumulés, la LIR stipule que la plupart des fiducies sont réputées disposer de leurs biens et les acquérir à nouveau à leur juste valeur marchande tous les 21 ans. Tous les gains et pertes courus sont réalisés lors de la disposition réputée, de sorte que la fiducie peut avoir un impôt à payer. Des exceptions sont prévues. Par exemple, la disposition réputée ne s’applique pas aux fiducies de fonds communs de placement.
Pour certaines fiducies, comme la fiducie au profit de l’époux ou conjoint de fait et la fiducie « en faveur de soi-même », la première disposition réputée survient au décès du bénéficiaire − le conjoint ou le constituant (« soi-même ») de la fiducie, selon le cas. Par la suite, la règle des 21 ans s’applique.