Moore
Bulletin de mai 2019

Le gouvernement fédéral a présenté le 19 mars dernier son budget de 2019 qui, comme à l’accoutumée, prévoit quelques propositions et modifications importantes de l’impôt sur le revenu, dont les suivantes :

  • Allocation canadienne pour la formation : On propose dans le budget un nouveau crédit d’impôt remboursable, l’« allocation canadienne pour la formation », visant à apporter une aide aux personnes qui travaillent en ce moment et souhaitent parfaire leur formation professionnelle. Ce crédit a ceci d’exclusif que les particuliers accumulent 250 $ par année dans un compte théorique, à compter de 2019. Dans toute année d’imposition au cours de laquelle vous engagez des frais de scolarité admissibles, vous pouvez demander un crédit égal à la moitié des frais de scolarité engagés, sans dépasser le solde de votre compte théorique accumulé au fil des années précédentes. Par exemple, si vous avez accumulé 250 $ dans chacune des années 2019 et 2020 et engagé 1 200 $ de frais de scolarité en 2021, vous obtiendriez un crédit d’impôt de 500 $ en 2021.

Les frais de scolarité admissibles sont les mêmes que ceux qui donnent droit au crédit d’impôt pour frais de scolarité, si ce n’est que l’établissement d’enseignement doit être situé au Canada. Les frais de scolarité qui sont effectivement remboursés par le jeu du nouveau crédit d’impôt ne sont pas admissibles au crédit pour frais de scolarité, mais tout excédent des frais de scolarité peut ouvrir droit au crédit pour frais de scolarité.

Pour accumuler le montant de 250 $ dans une année, vous devez avoir au moins 25 ans et moins de 65 ans à la fin de l’année, avoir des gains admissibles de 10 000 $ ou plus (ce qui englobe le revenu d’emploi, le revenu d’entreprise et certains autres montants), et ne pas avoir un revenu net (selon votre déclaration de revenus, mais y compris la partie exonérée des gains d’Indien inscrit, le cas échéant) excédant 147 668 $ en 2019.

  • Régime d’accession à la propriété faisant appel au REER : Ce régime permet actuellement aux particuliers de retirer sans devoir payer d’impôt jusqu’à 25 000 $ d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) en vue d’acheter une habitation, pour un maximum de 50 000 $ par couple et sous réserve de certaines restrictions. Le plafond est porté à 35 000 $, ou 70 000 $ par couple, pour les retraits effectués après le 19 mars 2019. La période de remboursement demeure de 15 ans.

Les règles relatives au REER sont également modifiées afin de faciliter les choses aux couples mariés ou vivant en union de fait qui se séparent ou divorcent, en permettant à ces particuliers d’utiliser à nouveau leur régime d’accession à la propriété (de manière générale, vous ne pouvez utiliser le régime si vous ou votre conjoint avez détenu une habitation dans l’année du retrait ou dans les quatre années civiles précédentes; cette règle est assouplie quelque peu pour les couples qui rompent).

  • Plus de souplesse pour les rentes de retraite à compter de 2020 : En vertu des règles actuelles, si vous souhaitez convertir un régime enregistré, comme votre REER ou un régime de pension agréé (RPA) à cotisations déterminées, en une rente, les paiements de rente doivent commencer au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle vous atteignez l’âge de 71 ans. On instaure dans le budget la « rente viagère différée à un âge avancé » (RVDAA), dont le commencement des prestations pourra être différé jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle vous atteignez l’âge de 85 ans. La RVDAA sera autorisée en vertu d’un REER, d’un RPA, d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), d’un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB) ou d’un régime de pension agréé collectif (RPAC). Le montant dans le régime enregistré qui pourra être converti en une RVDAA sera plafonné à 25 % de la valeur des biens détenus dans le régime admissible à la fin de l’année précédente, plus les montants du régime ayant servi à acheter des RVDAA au cours des années antérieures, sous réserve d’un plafond cumulatif de 150 000 $, qui sera indexé après 2020.

On propose en outre dans le budget de nouvelles règles qui permettront aux RPAC et aux RPA à cotisations déterminées d’offrir une « rente viagère à paiements variables » (RVPV), prévoyant des paiements qui varieront en fonction du rendement des placements sous-jacents et de l’expérience de mortalité des bénéficiaires de la RVPV.

  • Impôt d’un CELI sur un revenu d’entreprise : Si vous exploitez une entreprise par l’entremise de votre compte d’épargne libre d’impôt (CELI), l’émetteur du CELI (le fiduciaire) doit payer l’impôt sur le revenu tiré de l’entreprise. (Par exemple, l’ARC peut imposer la fiducie d’un CELI dont le nombre des opérations sur actions est tel que le revenu qui en est tiré est jugé provenir de l’exploitation d’une entreprise.) On instaure dans le budget une règle en vertu de laquelle, à compter de 2019, le titulaire du CELI sera tenu solidairement responsable de l’impôt à payer sur ce revenu d’entreprise. La responsabilité du fiduciaire du CELI à l’égard de l’impôt sera limitée au montant des biens détenus dans le CELI, plus la somme de toutes les distributions de biens du CELI à compter de la date d’expédition de l’avis de cotisation relatif à l’impôt par l’ARC.
  • Soutien au journalisme canadien : On propose dans le budget de nouvelles mesures fiscales visant à soutenir les organisations journalistiques canadiennes qui remplissent certains critères. Si une organisation est admissible, elle sera considérée « donataire reconnu », ce qui signifie que les dons faits à l’organisation donneront droit au crédit d’impôt pour dons de bienfaisance. Une organisation admissible peut également obtenir un « crédit d’impôt pour la main-d’œuvre » remboursable à l’égard des employés de salle de presse admissibles. Pour les années 2020 à 2024, les contribuables auront aussi droit à un crédit d’impôt de 15 % non remboursable pour les abonnements numériques canadiens (plafond de 500 $ d’abonnements par année, ce qui limite le crédit à 75 $).
  • Transfert à un régime de retraite individuel (RRI) : Un RRI est un régime de pension à prestations déterminées comptant moins de quatre participants. En vertu des règles actuelles, un particulier qui cesse de participer à un régime de pension à prestations déterminées peut transférer sans impôt immédiat environ 50 % de la valeur de rachat des prestations accumulées dans un REER. En revanche, le particulier peut transférer la totalité de la valeur de rachat des prestations sans avoir à payer d’impôt dans un nouveau RRI offert par une société privée qu’il contrôle. On instaure dans le budget une nouvelle règle qui interdit ce dernier type de transfert sans impôt – en fait, le transfert dans un RRI ne sera pas permis dans la mesure où le montant transféré concerne des droits à pension acquis auprès d’un ancien employeur. Ce montant sera inclus dans le revenu du particulier.
  • Véhicules zéro émission : On crée dans le budget de nouvelles catégories de biens amortissables pour les véhicules zéro émission aux fins de la déduction pour amortissement (DPA). La catégorie 54 inclura la plupart des automobiles, VUS et fourgonnettes (montant amortissable maximum de 55 000 $), tandis que la catégorie 55 regroupera les véhicules comme les voitures de taxi, et les camions lourds et les tracteurs conçus pour le transport des marchandises. Un taux bonifié spécial de DPA de 100 % s’appliquera aux véhicules achetés ou prêts à être mis en service après le 18 mars 2019 et avant 2024. À compter de 2024, le taux de DPA bonifié sera éliminé progressivement et passera à 75 % pour 2024 et 2025, et à 55 % pour 2026 et 2027. À compter de 2028, le taux de DPA de base sera de 30 % pour la catégorie 54 et de 40 % pour la catégorie 55.

Pour être admissible à la DPA bonifiée, le véhicule doit, entre autres, être entièrement électrique, ou être un hybride rechargeable muni d’une batterie d’une capacité d’au moins 15 kWh, ou encore être alimenté entièrement à l’hydrogène.

  • Crédit d’impôt à l’investissement dans la recherche scientifique et le dévelop-pement expérimental (RS&DE) : En vertu des règles actuelles, un crédit d’impôt remboursable de 35 % est offert aux sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) à hauteur de 3 M$ de dépenses de RS&DE admissibles dans une année d’imposition. Le crédit est progressivement éliminé si le revenu imposable de la société dépasse 500 000 $ l’année précédente ou si son capital imposable de l’année précédente excède 10 M$. On abroge dans le budget le recours au revenu imposable dans l’établissement de ce crédit, à compter des années d’imposition se terminant après le 18 mars 2019, de telle sorte que, pour la suite des choses, seul le capital imposable sera pris en considération.
  • Méthode d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat : Cette méthode, utilisée par les fiducies de fonds communs de placement, permet à ces dernières d’attribuer leurs gains en capital aux détenteurs d’unités qui demandent le rachat de leurs unités dans la fiducie. Le fonds commun de placement a le droit de déduire le montant attribué, qui est inclus dans le revenu du détenteur d’unités demandant le rachat, mais qui vient aussi réduire le produit du rachat pour le détenteur d’unités (et, par conséquent, son gain en capital résultant du rachat des unités, le cas échéant). Cette méthode a pour objet d’empêcher la double imposition. Il semble, toutefois, que certains fonds communs de placement aient attribué aux détenteurs d’unités qui demandaient le rachat, des gains en capital excédant le montant de gains en capital qui aurait autrement été réalisé lors du rachat de leurs unités. En pareil cas, l’attribution pourrait éliminer le gain en capital du détenteur d’unités résultant du rachat des unités, alors que la partie résiduelle de l’attribution pourrait entraîner une perte en capital susceptible de compenser entièrement le gain en capital attribué par le fonds commun de placement. On propose dans le budget une nouvelle règle qui met un terme à cette stratégie.
  • Options d’achat d’actions des employés : En vertu des règles actuelles, les avantages au titre des options d’achat d’actions des employés sont généralement imposés pour la moitié. En d’autres termes, même si ces avantages sont pleinement inclus dans son revenu, l’employé a normalement le droit d’en déduire la moitié dans le calcul de son revenu imposable (ce qui fait que l’impôt est équivalent à celui auquel serait assujetti un gain en capital). On propose dans le budget de limiter l’imposition préférentielle de la moitié des options d’achat d’actions, en fixant un plafond annuel de 200 000 $ de la valeur des options accordées aux employés (au moment de leur octroi). Les avantages au titre d’options d’achat d’actions au-delà de ce plafond seront pleinement imposés, l’employeur devant toutefois bénéficier normalement d’une déduction. Le plafond doit s’appliquer aux particuliers « employés de grandes entreprises matures et bien établies »). Le gouvernement a souligné que le plafond ne s’appliquera pas aux employés des « entreprises en démarrage et [d]es entreprises canadiennes en croissance rapide », mais les documents budgétaires ne définissent pas cette notion. À cet égard, le gouvernement a annoncé que plus de détails suivront avant l’été de 2019, et que les changements proposés s’appliqueront à l’avenir seulement, après leur entrée en vigueur, et ne toucheront donc pas les « options d’achat d’actions accordées avant l’annonce des propositions législatives visant la mise en œuvre de tout nouveau régime ». En d’autres termes, les options d’achat d’actions d’employés actuellement détenues ou accordées de quelque autre façon avant l’adoption des propositions législatives (qui ne seront vraisemblablement pas publiées avant l’automne de 2019) seront protégées par des droits acquis et ne seront pas soumises au plafond de 200 000 $. (Certes, l’adoption de cette proposition dépendra de la réélection ou non des Libéraux en octobre 2019.)

Nombre des propositions budgétaires sont comprises dans le projet de loi C-97, qui a été présenté au Parlement en avril et devrait être adopté en juin. D’autres, dont les modifications aux options d’achat d’actions des employés, n’ont pas encore la forme législative et pourraient rester lettre morte si les Libéraux n’étaient pas réélus en octobre.

Mise à jour : 14 May 2019