Le gouvernement libéral fédéral a déposé son premier budget le 22 mars 2016. Même si certaines mesures avaient déjà été proposées, nombreuses étaient les mesures nouvelles et quelques-unes ont même causé une surprise. Les mesures importantes en matière d’impôt sur le revenu et les propositions connexes comprennent les éléments suivants :
- Élimination du fractionnement du revenu entre conjoints : Le précédent gouvernement conservateur avait adopté une règle qui permettait aux époux (et conjoints de fait) de transférer sur papier jusqu’à 50 000 $ de revenu imposable d’un conjoint à l’autre, de manière à économiser jusqu’à 2 000 $ d’impôt fédéral. En campagne électorale, les libéraux avaient promis d’éliminer cette mesure, ce qu’ils ont fait dans le budget, à compter de l’année 2016 et dans les années suivantes.
- Allocation canadienne pour enfants majorée. Les actuelles Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) et Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) seront remplacées à compter du 1 juillet 2016 par une nouvelle Allocation canadienne pour enfants (ACE). L’ACE prévoit le versement d’une prestation maximale de 6 400 $ par enfant de moins de 6 ans et de 5 400 $ par enfant de 6 à 17 ans. Les prestations seront réduites pour un revenu familial net ajusté se situant entre 30 000 $ et 65 000 $, et encore davantage pour un revenu familial net ajusté supérieur à 65 000 $. Le taux de la réduction varie selon le nombre d’enfants dans la famille. L’ACE sera versée tous les mois, ne sera pas imposable, et ne sera pas incluse dans le revenu aux fins de certains programmes fédéraux fondés sur le revenu, tels le Supplément de revenu garanti, la Subvention canadienne pour l’épargne-études et le Bon canadien pour l’épargne-invalidité. Les prestations de l’ACE versées pour l’année de prestations allant de juillet 2016 à juin 2017 seront fondées sur le revenu familial net ajusté pour l’année d’imposition 2015.
- Rétablissement du crédit relatif à une SCRT : Autre mesure attendue puisqu’elle avait été proposée dans la plateforme électorale du Parti libéral, l’ancien crédit de 15 % à concurrence de 5 000 $ par année à l’égard d’investissements dans des sociétés à capital de risque de travailleurs (SCRT) est rétabli pour les années 2016 et suivantes. (Le précédent gouvernement avait réduit progressivement le crédit et proposé de l’éliminer à compter de 2017.) Le rétablissement du crédit ne s’applique toutefois qu’aux SCRT de régime provincial et non aux SCRT de régime fédéral.
- Nouveau crédit d’impôt pour fournitures scolaires : Ici encore cette mesure était proposée dans la plateforme électorale libérale : les enseignants et les éducateurs de la petite enfance pourront demander un crédit d’impôt remboursable de 15 % en fonction d’un montant maximal de 1 000 $ en dépenses qu’ils engagent au cours d’une année d’imposition au titre de « fournitures scolaires admissibles », lesquelles comprennent le papier de construction et les fiches, les articles destinés aux expériences scientifiques, les fournitures d’arts, telles que le papier et la peinture et les articles de papeterie. Ce crédit s’appliquera aux fournitures acquises en 2016 et par la suite.
- Prolongement du crédit d’impôt pour exploration minière : Ce crédit, qui s’applique à certaines dépenses d’exploration minière engagées par des sociétés du secteur des ressources naturelles qui y ont renoncé en faveur d’investisseurs dans des actions accréditives, a été prolongé dans chaque budget annuel depuis 2003. Cette année ne fait pas exception, et le crédit est prolongé d’une année de manière à inclure les conventions d’émission d’actions accréditives conclues avant le 1 avril 2017.
- Crédits d’impôt pour études et pour manuels : Ces crédits seront éliminés à compter de 2017. Le crédit d’impôt pour frais de scolarité est maintenu. Les crédits pour études et pour manuels inutilisés des années 2016 et antérieures peuvent toujours être reportés sur 2017 et les années suivantes. De pair avec l’élimination de ces crédits, qui ne sont pas fondés sur le revenu, le gouver-nement augmentera le Bon d’études canadien pour les familles à revenu faible ou moyen et les étudiants à temps partiel, et relèvera le plafond de revenu auquel les anciens étudiants devront commencer à rembourser leurs prêts d’études canadiens. Cette proposition était également inscrite dans la plateforme électorale libérale.
- Crédits d’impôt pour la condition physique et les activités artistiques des enfants : Ces crédits sont réduits pour 2016, et seront éliminés à compter de 2017.
- Taux d’imposition des petites entreprises : Dans un revirement inattendu, contraire à ce que prévoyait la plateforme électorale libérale, le taux d’imposition fédéral des petites entreprises qui s’applique aux premiers 500 000 $ de revenu d’une entreprise exploitée activement par une société privée sous contrôle canadien (SPCC) restera à 10,5 %. Le budget annule les autres réductions à 9 % sur deux ans adoptées par le précédent gouvernement conservateur, qui auraient pris effet de 2017 à 2019. Pour les particuliers qui reçoivent des dividendes versés sur tel revenu, la « majoration » restera à 17 % du dividende et le crédit d’impôt fédéral pour dividendes restera à 21/29 du montant de la majoration pour 2016 et les années suivantes. Les modifications proposées de la majoration et du crédit d’impôt pour dividendes pour 2017 à 2019 (décrites dans notre Bulletin de fiscalité d’avril) ont donc été annulées.
- Sociétés de personnes et déduction accordée aux petites entreprises : Comme il a été mentionné ci-dessus, le plafond de revenu qui s’applique aux fins du taux d’imposition des petites entreprises qui sont des SPCC est de 500 000 $. Si diverses SPCC sont associées d’une société de personnes, elles doivent se partager le plafond de 500 000 $ à l’égard du revenu d’entreprise provenant de la société de personnes (le « plafond des affaires de société de personnes déterminé » pour chaque associé), et la part revenant à chaque SPCC du revenu de la société de personnes fait dès lors partie du plafond global de 500 000 $ de la SPCC. Afin de contourner l’application de cette règle et éviter le partage du plafond de 500 000 $, des particuliers associés d’une société de personnes ont constitué des SPCC qui n’étaient pas des associés de leur société de personnes; les SPCC ont ensuite conclu des contrats avec la société de personnes dans le but de lui fournir des services. Comme les SPCC n’étaient pas des associés de la société de personnes, elles n’étaient pas soumises au plafond des affaires de société de personnes déterminé et, en conséquence, chaque SPCC pouvait tirer de la société de personnes jusqu’à 500 000 $ de revenu qui pouvait bénéficier du taux d’imposition des petites entreprises. Des structures semblables prévoyaient diverses SPCC qui fournissaient des services à une société de manière à contourner les règles relatives au plafond des affaires de société de personnes déterminé. Le budget prévoit effectivement que ces structures seront assujetties aux règles relatives au plafond des affaires de société de personnes déterminé. Cette mesure s’applique aux années d’imposition des sociétés qui s’ouvrent après le 21 mars 2016, sous réserve de certaines règles transitoires. La mesure touche en particulier les grandes sociétés de personnes comme les cabinets d’avocats, de comptables et de médecins, dont les professionnels associés établissent souvent de telles structures.
- Imposition des investisseurs dans des « fonds de substitution » : Les sociétés de fonds communs de placement peuvent être structurées de telle façon que les investisseurs dans une catégorie d’actions de la société soient en mesure de substituer ces actions pour des actions d’une autre catégorie sans faire apparaître une disposition aux fins de l’impôt. La substitution a essentiellement pour effet de faire passer l’investisseur dans un autre fonds à l’intérieur de la société. Les fiducies de fonds communs de placement ne bénéficient pas de cet avantage. Pour que tous aient les mêmes avantages, les investisseurs de sociétés de fonds communs de placement qui procèdent à ces substitutions après septembre 2016 seront réputés avoir disposé des actions à leur juste valeur marchande.
- Élimination des règles relatives aux immobilisations admissibles : Comme il avait été proposé dans le budget de 2014, les règles complexes relatives aux « immobilisations admissibles » (IA) seront éliminées. Une IA est essentiellement un achalandage et certains autres biens incorporels achetés. En vertu des nouvelles règles, un tel bien sera un bien à classer dans une nouvelle catégorie 14.1, amortissable au taux annuel de 5 % du solde dégressif, et soumis au régime régulier de la déduction pour amortissement. Les nouvelles règles s’appliqueront à compter de 2017 avec diverses règles transitoires régissant le passage de l’IA existante à la catégorie 14.1.
- Dons concernant des biens immobiliers et des actions de sociétés privées : Le budget conservateur de l’année dernière proposait que les gains en capital réalisés sur de tels biens soient exonérés dans la mesure où le produit est versé à un organisme de bienfaisance. La règle proposée devait s’appliquer à compter de 2017. Le budget de cette année a annulé cette proposition.
qu’est-ce qu’on ne retrouve pas dans le budget?
Fait intéressant, le gouvernement libéral a fait marche arrière sur la promesse électorale de pleinement imposer les avantages consentis à des employés au titre d’options d’achat d’actions supérieures à 100 000 $ par année.
En vertu des règles actuelles, la plupart des avantages au titre d’options d’achat d’actions sont imposés comme des gains en capital, ce qui fait que la moitié seulement des avantages est incluse dans le revenu. Malgré la promesse électorale, les règles ne sont pas changées dans le budget de cette année. De plus, le ministre des Finances a indiqué, lors d’une confé-rence de presse post-budgétaire, que des modifications des règles ne sont pas dans les cartons. Divers secteurs d’activité, et en particulier le secteur de la haute technologie qui utilise les options d’achat d’actions aux employés pour attirer les talents, ont fait pression sur le Ministre pour qu’il aille à l’encontre de la promesse électorale et ne modifie pas les règles. De toute évidence, le lobbying a été efficace.