Moore
Bulletin de décembre 2020

Si vous envisagez d’émigrer du Canada, les considérations fiscales seront extrêmement importantes. Les conséquences fiscales de cette décision pourraient faire (et font effectivement) l’objet d’un livre entier. Nous passons en revue ci-dessous quelques-uns des éléments les plus importants de la question. Il est généralement prudent d’obtenir d’un professionnel des conseils qui sont adaptés à votre situation particulière.

Deviendrez-vous un non-résident du Canada?

Si vous devenez un non-résident, vous ne serez plus assujetti à l’impôt canadien sur l’ensemble de vos revenus mondiaux. Vous serez généralement imposé seulement sur certains revenus de « source canadienne » (par exemple, un revenu de location d’un bien au Canada, des dividendes de sociétés canadiennes, ou des gains en capital sur des immeubles canadiens). D’un point de vue fiscal canadien, il peut donc être souhaitable de devenir un non-résident (même si vous devez perdre des avantages tels l’Allocation canadienne pour enfants et le crédit de TPS/TVH). Certes, les impôts ne doivent pas constituer votre unique considération; d’autres aspects comme les soins de santé, le coût de la vie, la sécurité, la stabilité politique, les droits civils et la qualité de la vie ne doivent pas être négligés.

Aussi, le simple fait de déménager à l’extérieur du Canada ne signifie pas automatiquement que vous deviendrez un non-résident.

Si aucune convention fiscale ne s’applique

En premier lieu, vous devez démontrer que vous avez élu domicile quelque part ailleurs. Les tribunaux canadiens ont affirmé que vous devez nécessairement résider quelque part. En général, vous êtes considéré comme étant un résident de l’endroit où vous habitez de façon régulière, normale ou habituelle dans le cours ordinaire de votre vie quotidienne. Il n’y a pas de règles précises à appliquer; chaque cas étant un cas d’espèce.

En second lieu, comme il est possible d’être résident de plus d’un pays simultanément, vous devez démontrer que vous avez rompu vos « liens de résidence » avec le Canada. Ces liens sont confirmés par des éléments tels les suivants :

Liens de résidence « importants »

  • un domicile au Canada
  • un conjoint ou conjoint de fait au Canada
  • des personnes à charge au Canada

Liens de résidence « secondaires »

  • des biens personnels au Canada comme des meubles, des vêtements et des automobiles
  • des comptes bancaires auprès de banques canadiennes
  • des cartes de crédit émises par des institutions financières canadiennes
  • des liens sociaux comme l’adhésion à une association ou à un organisme religieux canadien (à titre de résident)
  • une assurance-maladie provinciale
  • un permis de conduire canadien, ou un véhicule immatriculé au Canada
  • une affiliation à une association professionnelle au Canada (à titre de résident)

Liens de résidence « mineurs »

  • une résidence saisonnière au Canada
  • la location d’un coffret de sûreté au Canada
  • la location d’un casier postal au Canada
  • une inscription téléphonique au Canada
  • le maintien de papeterie et cartes de visite à une adresse canadienne

Aucun facteur n’est déterminant à lui seul, mais de l’avis de l’ARC tous les liens « importants » et la plupart des liens « secondaires » doivent être rompus pour que soit établie la non-résidence. L’ARC étudiera également votre mode de vie général et coutumier, et vérifiera si vous faites des visites régulières ou prolongées au Canada.

 

Exemples

  1. X est muté de Vancouver au bureau de sa société aux Bermudes pour plusieurs années. Il conserve ses comptes dans une banque canadienne ainsi que son adhésion à diverses associations. Sa femme et ses enfants restent au Canada, et continuent d’habiter sa maison à Vancouver. Il les visite régulièrement.

    X continuera vraisemblablement d’être considéré par l’ARC comme un résident du Canada tout au long de son séjour aux Bermudes.

  2. Y est mutée de Vancouver au bureau de sa société aux Bermudes pour une période de trois ans. Elle et son mari vendent leur maison de Vancouver et achètent une nouvelle maison aux Bermudes, où ils déménagent avec leurs enfants. Y annule ses cartes de crédit canadiennes et ferme la plupart de ses comptes bancaires canadiens, mais conserve un compte d’épargne dans une succursale bancaire à Calgary.

    Y sera vraisemblablement considérée par l’ARC comme une non-résidente du Canada. Le maintien d’un compte bancaire canadien ne signifiera pas qu’elle demeure une résidente canadienne.

Certaines personnes sont réputées être des résidents du Canada même si elles travaillent à l’étranger. Cette règle s’applique notamment aux membres des Forces canadiennes et aux diplomates canadiens en poste à l’étranger, de même qu’à leurs conjoints si ces derniers ont déjà été résidents canadiens aux fins de l’impôt.

Si une convention fiscale s’applique : les règles décisives

Le Canada a signé des conventions fiscales avec plus de 90 pays, dont évidemment les États-Unis et presque tous ses partenaires commerciaux importants autres que des paradis fiscaux. Les conventions fiscales prévoient des règles décisives (tie-breaker rules) pour la détermination du statut de résidence, si une personne devait être considérée par ailleurs comme un résident dans les deux pays en vertu des lois internes de chacun. La plupart des conventions fiscales suivent le même modèle, bien qu’il y ait de légères différences entre elles. (Les accords d’échange de renseignements à des fins fiscales que le Canada a conclus avec de nombreux paradis fiscaux ne sont pas des conventions fiscales; les paragraphes suivants ne s’y appliquent pas.)

En général, en vertu des règles décisives inscrites dans les conventions fiscales, une personne est réputée être un résident du pays où elle dispose d’un « foyer d’habitation permanent ». Une personne qui a un foyer d’habitation permanent dans les deux pays, ou dans aucun des deux pays, est réputée être un résident du pays où elle entretient les relations les plus étroites (on parle aussi de « centre des intérêts vitaux »). Si la détermination n’est pas possible, il faut regarder du côté du « domicile habituel » et, si cela ne résout pas la question, du côté de la citoyenneté.

Dans chaque cas, il faut étudier attentivement la convention pertinente entre le Canada et l’autre pays, puisque les détails des différentes règles varieront.

Si vous êtes un résident d’un autre pays en vertu d’une règle décisive d’une convention fiscale, vous êtes alors réputé selon la LIR (paragraphe 250(5)) ne pas résider au Canada, même si vous n’avez pas rompu vos liens avec le Canada.

Par conséquent, si vous déménagez dans un pays avec lequel le Canada a une convention fiscale, il est plus facile de devenir un non-résident, en ayant un « foyer d’habitation permanent » (qui peut être un appartement loué) dans ce pays seulement, ou en ayant des « liens personnels et économiques » plus étroits dans l’autre pays.

Impôt de départ à payer si vous devenez un non-résident

Si vous devenez un non-résident aux fins de l’impôt canadien (y compris en raison d’une règle décisive d’une convention fiscale, comme il est mentionné plus haut), vous risquez de devoir payer un impôt en conséquence. On parle parfois ici d’« impôt de départ ». En fait, il s’agit d’un impôt sur le revenu ordinaire à payer sur les gains en capital réputés être réalisés au moment où vous devenez un non-résident. Ces gains en capital doivent être inclus dans votre déclaration de revenus canadienne pour l’année au cours de laquelle vous devenez un non-résident.

Au moment de devenir un non-résident, vous êtes réputé disposer de la plupart de vos biens à leur juste valeur marchande. Des gains en capital peuvent donc apparaître, selon le coût de base de chaque bien pour vous. Cependant, cette règle ne s’applique généralement pas à certains biens, dont les suivants :

  • les immeubles (par exemple, fonds de terre et bâtiments) au Canada, qui seront plutôt imposés lorsque vous les vendrez plus tard
  • les participations que vous détenez dans des REER, FERR, REEE, RPDB, CELI et divers autres régimes et mécanismes
  • les divers droits que vous pouvez avoir, par exemple en vertu d’une option d’achat d’actions à l’intention de salariés
  • les biens utilisés dans le cadre d’une entreprise exploitée activement par l’entremise d’un établissement stable au Canada

Ces indications ne sont qu’un aperçu très général; l’impôt de départ soulève de nombreuses complications, et il est recommandé d’obtenir d’un expert des conseils adaptés à votre situation particulière.

Si vous ne payez pas l’impôt canadien que vous devez, l’ARC peut, en vertu des conventions fiscales conclues avec certains pays, demander aux autorités fiscales du pays concerné de procéder au recouvrement de l’impôt canadien que vous devez. Ces mesures peuvent s’appliquer aux États-Unis (si vous n’êtes pas citoyen américain), au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande, en Norvège et en Espagne.

Revenu passif − retenues d’impôt à la source

Une fois que vous êtes un non-résident, le Canada exige une retenue d’impôt à la source sur la plupart de vos revenus « passifs », autres que des intérêts (qui, depuis 2008, ne sont imposés pour les non-résidents que dans des circonstances restreintes). On parle ici de « retenue » d’impôt parce que le payeur est tenu de soustraire l’impôt, de le verser à l’ARC, et de ne vous rendre que le solde après déduction de l’impôt.

Les revenus auxquels cette règle s’applique comprennent notamment :

  • les dividendes de sociétés canadiennes
  • les loyers afférents à des immeubles au Canada
  • les redevances reçues du Canada
  • les revenus de pension, dont les prestations de SV et du RPC/RRQ
  • les sommes retirées d’un REER/FERR

Le taux de la retenue d’impôt est de 25 %. Cependant, si vous êtes résident d’un pays avec lequel le Canada a signé une convention fiscale, le taux peut être ramené à 15 %, 10 %, 5 % ou même zéro. L’impôt sur les dividendes, les prestations de retraite et certaines redevances est généralement réduit en vertu d’une convention; l’impôt sur d’autres montants peut ne pas l’être. Dans chaque cas, vous devez vérifier les détails de la convention fiscale en cause, applicables au type de revenu concerné. Dans nombre de cas, l’impôt canadien retenu sera admis en déduction sous la forme d’un crédit pour impôt étranger dans le pays dont vous serez résident, de telle sorte qu’il ne représentera pas un coût appréciable pour vous.

Mise à jour : 14 December 2020