Moore
Bulletin de mars 2021

Quels sont les domaines où les auditeurs de l’Agence du revenu du Canada (ARC) trouvent le plus souvent des erreurs qui peuvent donner lieu à une rectification dans un avis de cotisation?

Voici quelques problèmes et erreurs d’ordre fiscal les plus fréquents pouvant donner lieu à une rectification dans un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation. À surveiller!

  1. Frais de repas et de divertissement. Si vous déduisez des dépenses − que ce soit pour une société, ou pour vous-même à titre de travailleur autonome, ou des dépenses déductibles liées à votre emploi si vous êtes un employé −, les frais de repas et de divertissement sont normalement limités à 50 % du montant que vous payez (sous réserve de quelques exceptions). Si vous déduisez le plein montant d’un repas au restaurant, vous prêtez le flanc à une nouvelle cotisation! Certes, si vous ne pouvez démontrer que le repas au restaurant était lié à une entreprise (ou constituait une dépense déductible liée à un emploi), vous n’avez droit à aucune déduction, et non pas à 50 %.
  2. Attribution ou prêt à un actionnaire. Si vous retirez de l’argent ou un bien de votre société sans vous déclarer un dividende (imposable) ou vous verser un salaire (imposable), il y aura normalement imposition de la valeur de ce que vous avez retiré − même si vous avez simplement emprunté l’argent. Si vous utilisez un bien de la société sans payer une contrepartie suffisante, il y aura également imposition. Il s’agit là de l’une des cibles favorites des auditeurs qui vérifient les comptes de petites entreprises à propriétaire exploitant. Diverses exceptions sont prévues et il existe des mécanismes permettant d’éviter le problème, mais il peut y avoir là un piège fiscal dangereux.
  3. Fractionnement du revenu : règles d’attribution et impôt sur le revenu fractionné (IRF). Si vous prêtez ou donnez de l’argent, des titres de placement ou d’autres biens à votre conjoint ou à votre enfant de moins de 18 ans, le revenu tiré de ces biens (intérêts, dividendes ou loyers, par exemple) vous sera « attribué » et sera imposé entre vos mains, plutôt que dans celles de votre conjoint ou de votre enfant. De plus, si vous faites en sorte que votre enfant ou même un membre adulte de votre famille reçoive des dividendes d’une société, même si les règles d’attribution n’entrent pas en jeu dans ce cas, l’IRF peut s’appliquer au taux marginal le plus élevé, et vous ainsi que le bénéficiaire pourriez en être solidairement responsables. Les règles relatives à l’IRF, qui ont été considérablement élargies en 2018 au regard de l’ancien « impôt sur le revenu fractionné avec des mineurs » (« kiddie tax »), sont extraordinairement complexes.
  4. Documentation relative au crédit de taxe sur les intrants – TPS ou TVH. Si vous exploitez une entreprise, dans la plupart des cas, vous pouvez demander un « crédit de taxe sur les intrants » à l’égard de la totalité de la TPS ou de la TVH que vous payez dans le cadre des activités de l’entreprise. Vous récupérez ainsi cette taxe de l’ARC − soit en la déduisant de la TPS/TVH que vous percevez ou, si vous ne percevez pas suffisamment de TPS/TVH, en obtenant un remboursement. Cependant, si vous ne conservez pas de reçus détaillés contenant les renseignements prescrits (y compris une description des fournitures acquises, le numéro d’entreprise du fournisseur et, dans la plupart des cas, votre identité précise comme acheteur), vos demandes de crédits pourraient être rejetées lorsque l’auditeur s’y intéressera. Les mêmes règles s’appliquent au Québec à la taxe de vente du Québec (TVQ).
  5. Frais d’une automobile. Les auditeurs de l’ARC aiment bien refuser des frais d’automobile. Si vous déduisez des dépenses d’entreprise ou des dépenses liées à un emploi relativement à votre automobile, assurez-vous de tenir un journal de bord détaillé indiquant dans quelle mesure vous utilisez l’automobile aux fins de l’entreprise ou de votre emploi. (La distance parcourue de la maison à votre travail ne compte généralement pas, à moins que votre maison soit un lieu d’affaires pour vous.) Si vous ne vous souciez pas de tenir un journal, vous courez le risque que les déductions pour l’essence, les réparations, les assurances, les lavages et les vidanges d’huile vous soient refusées ou soient sévèrement réduites.
  6. Responsabilité d’administrateur. Si vous êtes administrateur d’une société – qu’il s’agisse de votre propre société privée détenue à 100 % ou d’une grande société publique −, on pourrait vous mettre le grappin dessus si la société venait à manquer d’argent. Plus particulièrement, l’ARC pourrait vous adresser un avis de cotisation pour toutes déductions salariales non remises (retenues à la source au titre de l’impôt sur le revenu, des cotisations au RPC et des cotisations à l’AE), et pour toute TPS, TVH ou TVQ que la société n’a pas versée (ou pour laquelle elle a reçu un remboursement). Il se peut que vous puissiez échapper à une telle cotisation en invoquant une défense de « diligence raisonnable », mais cela est incertain et requiert le plus souvent de coûteuses représentations juridiques. Assurez-vous que la société dont vous êtes un administrateur soit constamment à jour dans ses déductions à la source et ses remises de TPS/TVH! Si vous risquez l’imposition, démissionnez le plus tôt possible, et assurez-vous que votre démission est bien consignée, selon les exigences légales, dans les registres gouvernementaux des sociétés. Une fois que vous avez démissionné, l’ARC ne peut vous cotiser à titre d’administrateur au-delà d’un délai de deux ans − dans la mesure où vous ne continuez pas d’agir comme un administrateur de fait.
  7. Pension au conjoint. Si vous payez une pension alimentaire à un ex-conjoint, assurez-vous de bien connaître la myriade de règles et de conditions qui s’appliquent pour que les montants que vous payez soient déductibles. La pension versée pour un enfant n’est pas déductible (à moins que vos arrangements ne soient antérieurs à mai 1997 et n’aient pas été modifiés depuis −, un cas maintenant rarissime puisque la plupart des pensions pour enfants s’arrêtent autour de l’âge de 18 ans). Pour que la pension versée à un ex-conjoint soit déductible pour vous (et imposable pour l’ex-conjoint), elle doit normalement être versée à titre d’« allocation », le ou la bénéficiaire ayant entière discrétion quant à son usage, sur une « base périodique », en vertu d’une ordonnance judiciaire ou d’un accord écrit. Ces règles prévoient d’autres conditions et variantes.
  8. Transfert de bien par un débiteur fiscal. Si le mari M doit de l’argent à l’ARC (ou à Revenu Québec (RQ)), qu’il s’agisse d’impôt sur le revenu, de TPS/TVH ou de quelque autre impôt ou taxe, et qu’il transfère sa participation dans la maison familiale – ou quoi que ce soit d’autre, y compris de l’argent − à son épouse E, l’Administration peut alors cotiser E pour la dette fiscale de M, à hauteur de la valeur du bien transféré (moins ce que E peut avoir payé à M pour le bien). Dans la plupart des cas, le transfert d’un tel bien aggrave la situation, parce que l’ARC ou RQ peut saisir d’autres actifs de E, pas seulement la maison ou quelque autre bien transféré, relativement à sa nouvelle dette fiscale. Autre risque du même ordre : si le compte de banque de M a été gelé par l’ARC, et que M endosse ses chèques de paie au profit de son ami A qui verse l’argent dans son propre compte de banque pour le retirer immédiatement en espèces et le remettre à M, l’ARC cotisera A pour le total des sommes ainsi déposées dans le compte de A. Ce dernier peut contester la cotisation en tentant de convaincre l’ARC ou la Cour canadienne de l’impôt qu’il avait une obligation juridique exécutoire de rembourser à M toutes les sommes déposées – mais, dans plusieurs décisions rendues par les tribunaux, A a perdu sa cause.
  9. Gain en capital ou revenu? La différence entre un gain en capital (imposé pour la moitié seulement) et un revenu (profit d’entreprise) est importante. Si vous achetez un bien tel un immeuble, puis le revendez moyennant un profit que vous déclarez comme un gain en capital, attendez-vous à ce que l’auditeur scrute vos intentions. Si votre but premier, voire secondaire, en achetant le bien était de le revendre plutôt que d’en tirer un revenu, votre gain peut devenir un revenu d’entreprise pleinement imposé. Si vous avez acheté et vendu plusieurs biens semblables, ou si vous avez détenu le bien pendant moins d’un an, l’auditeur considérera probablement votre gain comme un revenu ordinaire sans égard aux explications rationnelles que vous pourrez lui donner quant au motif pour lequel vous l’avez vendu, et il vous imposera sans doute au surplus une pénalité pour « faute lourde » de 50 %. L’ARC a maintenant une attitude très stricte quant à la question des ventes de maisons et d’appartements.
  10. Constructeurs-occupants à répétition. Dans un contexte semblable à celui que nous avons décrit au point 9, si vous travaillez dans le secteur de la construction d’habitations et que vous aimez emménager dans les habitations que vous construisez, attention! Peut-être pensez-vous ne pas avoir à payer l’impôt sur le gain réalisé lorsque vous vendez la maison, mais ce n’est pas le cas. Si vous avez construit la maison pour la vendre, même si vous l’habitez pendant un certain temps, votre profit sera entièrement imposé (comme en 9. ci-dessus), et vous ne pourrez demander l’exonération de résidence principale, qui s’applique seulement aux gains en capital, non aux profits qui sont des revenus d’entreprise. Deuxièmement, vous recevrez probablement un avis de cotisation de TPS ou de TVH sur la pleine valeur de la résidence, y compris le terrain, qui deviendra payable dès que vous emménagerez dans la maison (ou la louerez à un tiers), en vertu de la règle de la « fourniture à soi-même » de la TPS/TVH. L’ARC, qui poursuit vigoureusement les « constructeurs-occupants à répétition », a beaucoup de succès devant les tribunaux. Prétendre que vous aviez réellement (mais réellement!) l’intention d’habiter la maison pour longtemps, et que vous ne l’avez vendue que pour des motifs imprévus, ne va pas vous mener très loin devant le juge si vous construisez des maisons pour y vivre. Notez en outre que, depuis 2016, vous devez signaler la vente dans votre déclaration de revenus pour demander l’exonération de résidence principale. Ce faisant, vous levez un drapeau rouge au nez de l’ARC si vous déclarez une vente année après année.
Mise à jour : 11 March 2021