Moore
Bulletin de février 2023

Chaque fois qu’une une société privée (fermée) compte des actionnaires de plus d’une famille (et parfois de la même famille), une convention entre actionnaires devrait être envisagée.

Dans une situation type, deux ou trois particuliers se lancent en affaires ensemble, et constituent juridiquement leur entreprise en société, chacun détenant un certain nombre, égal ou pas, d’actions de la société.

Si vous n’avez pas de convention entre les actionnaires, la règle normale veut que les détenteurs d’une majorité des droits de vote puissent élire les membres du conseil d’administration, et que ces derniers puissent faire à peu près ce qu’ils veulent de la direction de l’entreprise. Quiconque contrôle le conseil contrôle l’entreprise. Un actionnaire minoritaire peut même n’avoir aucun droit de vote. (Dans certains cas, une action en justice peut être intentée si l’actionnaire minoritaire est injustement traité, mais cette procédure est incertaine, lente et coûteuse.)

Une convention entre actionnaires peut protéger les actionnaires minoritaires et permettre aux parties de résoudre de façon planifiée diverses éventualités. Ce peut être un document très complexe, car les situations à prévoir sont susceptibles d’être multiples.

Voici quelques enjeux qui peuvent être abordés dans une convention entre actionnaires :

  • Contrôle de la société : qui sera membre du conseil ? Un actionnaire minoritaire peut se voir garantir un ou plusieurs sièges au conseil d’administration. La convention peut également garantir à des particuliers déterminés des postes précis à la direction de l’entreprise, comme ceux de président ou de trésorier.
  • Qu’arrivera-t-il si une personne clé décède, devient invalide, ou veut simplement se retirer de l’entreprise ? La convention peut prévoir un mécanisme permettant aux actionnaires restants d’acheter la participation de l’actionnaire qui quitte, ainsi qu’une formule d’évaluation de cette participation.
  • Qu’arrivera-t-il si les actionnaires clés ne s’entendent plus ? Dans une société comptant deux actionnaires, une solution serait une clause de coercition (clause « shotgun »). L’un ou l’autre des actionnaires (l’actionnaire « A ») peut, à tout moment, activer la clause de coercition en proposant un prix pour les actions de l’autre (actionnaire « B »). B choisit alors soit de vendre ses actions à ce prix, soit d’acheter les actions de A à ce prix. Cela assure l’honnêteté de A : si l’offre est trop basse, B acquerra simplement les actions de A à faible prix, alors que si l’offre est trop haute, B vendra et encaissera l’argent.
  • Options d’acheter plus d’actions de la société à un prix prédéterminé.
  • Rémunération et incitatifs tels des primes. Ce sont normalement les membres du conseil d’administration qui en décident, mais une convention entre actionnaires peut avoir priorité à cet égard ou peut fixer des limites.
  • Enjeux fiscaux, comme l’assurance que le compte de dividendes en capital de la société (qui permet de verser certains montants de dividendes en franchise d’impôt) est utilisé de façon équitable, ou le maintien des actifs de la société d’une façon qui assurera l’admissibilité à l’exonération des gains en capital si les actionnaires vendent leurs actions.
  • La société devrait-elle détenir ou contracter une assurance vie et invalidité pour ses actionnaires clés ? Les actionnaires devraient-ils détenir réciproquement des polices sur leurs vies respectives de telle sorte que, si l’un d’eux décède, l’autre aura l’argent nécessaire pour acheter les actions du propriétaire décédé auprès de la succession ? Les administrateurs devraient-ils être assurés quant à la responsabilité professionnelle, y compris pour les déductions à la source d’impôt sur le revenu non remises et les montants de TPS/TVH non remis ?
  • Qu’arrivera-t-il si une tierce partie offre d’acheter les actions de l’actionnaire de contrôle ? La convention entre actionnaires peut prévoir que l’actionnaire de contrôle n’aura le droit d’accepter que si la même offre est faite aux actionnaires minoritaires. Elle peut aussi prévoir des droits de préemption selon lesquels les autres actionnaires auraient la possibilité d’égaler l’offre de la tierce partie.
  • Les transferts d’actions exigent normalement l’approbation des administrateurs ou des actionnaires de la société. La convention peut prévoir que telle approbation soit garantie pour certains types de transferts (par exemple, à des membres de la famille, à une société de portefeuille ou à une fiducie familiale).
  • Sans une convention entre actionnaires, le conseil d’administration peut, à sa discrétion, déclarer quelques dividendes qu’il souhaite (à la condition que la société soit solvable) − ou ne pas déclarer de dividendes du tout. La convention peut exiger que des dividendes minimaux soient versés selon des seuils de rentabilité déterminés, ou exiger que certaines sommes soient réinvesties dans l’entreprise.

De toute évidence, la gamme des éléments qu’il est possible de prendre en considération dans une convention entre actionnaires est très large. Les points ci-dessus n’en représentent que quelques-uns. Quiconque lance une nouvelle entreprise devrait sérieusement envisager une telle convention. Même si la négociation et la rédaction de la convention demandent beaucoup de temps et d’argent, elles aident les parties à se concentrer dès le départ sur certains enjeux susceptibles de se manifester au cours de la vie de l’entreprise. Sans une telle convention, les litiges entre les parties risquent de devenir insolubles.

Les conventions entre actionnaires soulèvent aussi de nombreux enjeux de planification fiscale. Par exemple, l’existence d’une convention entre actionnaires peut avoir une incidence sur le « contrôle » de la société aux fins de l’impôt. Elle peut influer sur le statut de société privée sous contrôle canadien de l’entreprise, sur la question de savoir si la société est « associée » à d’autres sociétés aux fins de la déduction accordée aux petites entreprises, et sur de nombreux autres paramètres. Une analyse attentive de toutes les répercussions fiscales est cruciale au moment de la rédaction d’une convention entre actionnaires.

Mise à jour : 8 February 2023