Moore
Bulletin d’août 2021

En vertu de la LIR, vous avez le droit de transférer un bien à votre société (en fait, à n’importe quelle société canadienne imposable), dans le cadre d’un « transfert libre d’impôt » ou « roulement ». L’opération est libre d’impôt parce que le coût fiscal du bien pour vous devient votre produit de disposition, ce qui fait que vous n’en retirez aucun gain, et la société reprend à son compte le coût fiscal du bien — le coût fiscal est donc « transféré libre d’impôt ».

Vous devez recevoir au moins une action de la société en contrepartie du transfert. D’autres conditions sont prévues : les plus importantes sont décrites ci-après.

La règle, que l’on retrouve à l’article 85 de la LIR, vous permet de décider d’un montant (« le montant choisi »), qui devient votre produit de disposition. Dans nombre de cas, le montant choisi correspond au coût fiscal du bien pour vous. Vous pourriez cependant choisir un montant différent, sous réserve de certaines restrictions.

Il s’agit en fait d’un choix que la société et vous effectuez conjointement. Ce choix doit être communiqué à la première des deux dates suivantes : la date d’échéance de production de vos déclarations de revenus personnelles et la date d’échéance de production des déclarations de revenus de la société pour l’année du transfert. Les choix tardifs sont permis, mais le plus souvent moyennant de pénalités.

Montant choisi

Le montant choisi est soumis aux limites suivantes :

  • il ne peut être supérieur à la juste valeur marchande du bien transféré;
  • il ne peut être inférieur à la juste valeur marchande de la contrepartie autre que des actions que vous recevez de la société, le cas échéant; et
  • il ne peut être inférieur au moins élevé des montants suivants : la juste valeur marchande du bien transféré ou le coût fiscal du bien pour vous.

Le montant choisi devient votre produit de disposition du bien transféré à la société. Il devient également le coût du bien pour la société. De plus, le montant choisi, diminué de la juste valeur marchande de toute contrepartie autre que des actions que vous recevez de la société, devient le coût de l’action ou des actions de la société que vous recevez dans le cadre du transfert.

Par conséquent, si votre choix est celui du coût fiscal du bien pour vous, vous n’aurez ni gain ni impôt à payer sur le transfert.

Pourquoi choisiriez-vous un montant supérieur au coût fiscal du bien pour vous, puisque cela ferait apparaître un gain en capital ou peut-être un autre montant à inclure dans votre revenu? Il y a au moins deux raisons pour cela. En premier lieu, il se peut que vous ayez des pertes en capital qui pourraient neutraliser ces gains et faire en sorte qu’ils n’entraînent aucun impôt pour vous, mais une majoration du coût du bien pour la société et du coût des actions que vous recevrez de la société (et, par conséquent, un gain en capital inférieur à un moment quelconque dans l’avenir). En second lieu, si vous transférez à la société des « actions admissibles de petite entreprise » ou un « bien agricole ou de pêche admissible », vous pourriez avoir droit à l’exonération des gains en capital, ce qui neutraliserait votre impôt sur le transfert tout en majorant ici encore le coût du bien pour la société et le coût des actions que vous recevez en retour de la société.

Malheureusement, en règle générale, vous ne pouvez faire apparaître une perte sur le transfert en choisissant un montant inférieur au coût fiscal du bien (si la juste valeur marchande du bien est inférieure à son coût fiscal). Vous ne pouvez, notamment, faire apparaître une perte si vous et la société êtes « affiliés ». À ces fins, vous et la société serez affiliés si vous ou votre conjoint contrôlez la société, individuellement ou ensemble, ou si vous faites partie d’un groupe affilié qui contrôle la société. Il peut y avoir affiliation aussi dans d’autres circonstances. Par « contrôle », on entend normalement la détention de plus de 50 % des actions avec droit de vote de la société, même si, en vertu des règles d’affiliation, la notion recouvre aussi le contrôle dit « de fait ».

Bien admissible

Pour donner droit au transfert libre d’impôt, le bien que vous transférez à la société doit être un « bien admissible », ce qui comprend la plupart des types de biens amortissables utilisés dans une entreprise, ainsi que des immobilisations non amortissables, qui englobent entre autres les immeubles et les actions d’une autre société. Figurent aussi parmi les biens amissibles les « biens à porter à l’inventaire » autres que des immeubles inscrits en inventaire.

Exemple de transfert libre d’impôt 

Vous détenez les 100 actions d’une société d’exploitation « privée » (« E ltée »). Vous les transférez à une société de portefeuille (« P ltée ») en échange de 100 actions de P ltée, en conséquence de quoi vous détenez toutes les actions de P ltée.

Le coût fiscal de vos actions de E ltée était de 10 000 $. Leur juste valeur marchande était de 300 000 $ au moment du transfert.

Supposons que vous fixez votre choix à 10 000 $. Votre produit sera de 10 000 $, de sorte que le gain en capital sera nul. Le coût des actions de E ltée pour P ltée est de 10 000 $, tout comme le coût de vos actions de P ltée.

Le piège du dividende réputé

Si vous recevez plutôt une contrepartie autre que des actions de P ltée lors du transfert des actions de E ltée, il pourrait en résulter un dividende réputé plutôt qu’un gain en capital. Le plus souvent, il s’agira d’un dividende réputé dans la mesure où la juste valeur marchande de la contrepartie autre que des actions est supérieure au plus élevé du capital versé ou du coût des actions de E ltée pour vous. (Quelques ajustements peuvent devoir être faits.) Le capital versé des actions de E ltée reflétera normalement les montants après impôt versés pour ces actions lors de leur émission initiale.

À blâmer l’article 84.1, que nous avons analysé à la rubrique précédente. Dans le présent exemple, toutefois, les modifications apportées au projet de loi C-208 que nous avons passées en revue ne s’appliqueront pas, de telle sorte que le dividende réputé demeurera.

Comme il a été mentionné plus haut, la règle du dividende réputé soulève deux problèmes potentiels. En premier lieu, les taux d’impôt marginaux les plus élevés s’appliquant aux dividendes sont actuellement bien supérieurs aux taux d’impôt les plus élevés sur les gains en capital. En second lieu, le dividende réputé n’est pas admissible à l’exonération des gains en capital.

Exemple de piège du dividende réputé 

Reprenons les données de l’exemple précédent, si ce n’est que vous fixez votre choix à 210 000 $. Comme nous l’avons mentionné plus haut, vous croirez peut-être que vous êtes en mesure d’utiliser des pertes en capital existantes pour neutraliser tout gain en capital, ou que les actions de E ltée peuvent donner droit à l’exonération des gains en capital.

Le coût des actions de E ltée pour vous était de 10 000 $; supposons que ce coût corresponde au montant du capital versé à leur égard. En plus des 100 actions de P ltée, vous recevez de cette dernière une contrepartie autre que des actions sous la forme d’un billet de 210 000 $ (ce qui vous permettrait de retirer tout cet argent de P ltée sans coût fiscal dans l’avenir en lui faisant rembourser le billet).

Le cas échéant, vous aurez un dividende réputé de 200 000 $ (billet de 210 000 $ moins le montant de 10 000 $).

Votre seul réconfort est que le dividende réputé viendra réduire le produit de disposition lorsque vous transférerez les actions de E ltée, ce qui fait que vous n’aurez pas de gain en capital de toute façon.

La règle relative au dividende réputé ne s’applique pas si vous « n’avez pas de lien de dépendance » avec P ltée ou, d’ordinaire, si P ltée détient 10 % ou moins des actions de E ltée sur la base des droits de vote et de la valeur (ce qui, de toute évidence, n’est pas le cas dans l’exemple ci-dessus).

Mise à jour : 13 August 2021

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