Moore
Bulletin d’octobre 2016

L’acquisition du contrôle d’une société a de nombreuses conséquences fiscales. (Nous utilisons ici les expressions « acquisition du contrôle » et « changement de contrôle » comme des synonymes.)

Fin d’année d’imposition réputée

En premier lieu, la société a une fin d’année d’imposition réputée immédiatement avant l’acquisition du contrôle. Puis, elle a un début d’année d’imposition réputé au moment de l’acquisition du contrôle. La fin d’année réputée se traduira le plus souvent par une « courte année d’imposition » ou « court exercice ». La société doit produire une déclaration de revenus pour cette courte année dans le délai normal de six mois après la fin de l’année d’imposition. Elle doit payer le solde d’impôt exigible pour l’année dans les deux mois suivant la fin de l’année (ou trois mois, pour certaines sociétés privées sous contrôle canadien).

La courte année d’imposition exigera la répartition de certaines déductions. Par exemple, la déduction pour amortissement de la société devra être répartie proportionnellement pour tenir compte de la courte année. Aussi, une année de plus est utilisée lorsque des règles prévoient le « calcul » du nombre d’années d’imposition.

Fait peut-être plus important, le changement de contrôle donnera lieu à des conséquences fiscales qui ne s’appliquent pas à une fin d’année « ordinaire ». La plupart des règles limitent la mesure dans laquelle certaines pertes fiscales et certains autres attributs peuvent être reportés par delà le changement de contrôle (en avant ou en arrière). Les règles importantes en cause sont résumées ci-dessous.

Restriction du report des pertes en capital nettes et des pertes autres que des pertes en capital

Une restriction générale s’applique au report des pertes en capital nettes (pertes en capital déductibles inutilisées – généralement la moitié des pertes en capital) par delà le changement de contrôle. En d’autres termes, les pertes en capital nettes d’années antérieures au changement de contrôle ne peuvent être portées en diminution des gains en capital postérieurs au changement de contrôle. De même, les pertes en capital nettes d’années postérieures au changement de contrôle ne peuvent être portées en diminution des gains en capital réalisés avant le changement de contrôle.

Dans le cas de pertes autres que des pertes en capital (en général, des pertes d’entreprise et de biens), la même restriction s’applique, mais pas dans tous les cas.

Les pertes autres que des pertes en capital d’entreprise antérieures au changement de contrôle peuvent être reportées en avant sur des années postérieures au changement de contrôle, mais seulement si la même entreprise est exploitée après le changement de contrôle avec une attente raisonnable de profit, et seulement en diminution du revenu de cette entreprise ou d’une entreprise semblable.

Aussi, les pertes autres que des pertes en capital de l’entreprise postérieures au changement de contrôle ne peuvent être reportées sur des années antérieures au changement de contrôle que si la même entreprise est exploitée avec une attente raisonnable de profit, et imputées seulement en diminution du revenu de cette entreprise ou d’une entreprise semblable.

Dans toute autre situation, les pertes autres que des pertes en capital ne peuvent être reportées en avant ou en arrière par delà le changement de contrôle.

Réduction des pertes en capital accumulées

Immédiatement avant le changement de contrôle de la société, toutes les pertes en capital accumulées de la société se matérialisent et le coût de chaque bien comportant une perte accumulée est ramené à sa juste valeur marchande.

Les pertes en capital accumulées sont constatées dans l’année d’imposition terminée au moment du changement de contrôle. Cette règle, conjuguée aux restrictions relatives aux reports de pertes, fait en sorte que les pertes en capital ne peuvent être reportées sur des années d’imposition de part et d’autre du changement de contrôle.

La société peut cependant faire le choix pour que se matérialisent des gains en capital accumulés relativement à d’autres biens détenus au moment du changement de contrôle. Les gains en capital ainsi matérialisés peuvent alors être neutralisés par des pertes en capital accumulées constatées de la façon décrite ci-dessus. Plus précisément, la société peut faire le choix qu’une immobilisation comportant un gain en capital accumulé soit réputée avoir été cédée pour un montant se situant entre son coût et sa juste valeur marchande. La société aura un coût de réacquisition réputé du bien égal au montant ainsi choisi.

Une société procède à un changement de contrôle. Immédiatement avant le changement, elle détenait une immobilisation A ayant un coût (prix de base rajusté) de 100 000 $ et une juste valeur marchande de 60 000 $.

En vertu des règles de réduction de valeur, la société aura une perte en capital réputée de 40 000 $ et une perte en capital déductible égale à la moitié de ce montant, soit 20 000 $.

La société détenait également une immobilisation B ayant un coût de 50 000 $ et une juste valeur marchande de 80 000 $. La société peut faire le choix de disposer du bien B pour 80 000 $, ce qui donne lieu à un gain en capital de 30 000 $ et à un gain en capital imposable de 15 000 $.

La perte en capital déductible sur le bien A neutralisera complètement le gain en capital imposable sur le bien B. Le coût du bien B pour la société sera majoré à 80 000 $.

La société se retrouvera avec une perte en capital nette de 5 000 $ (la perte en capital déductible de 20 000 $ sur le bien A moins le montant de 15 000 $ qui neutralise le gain en capital imposable sur le bien B). Ce montant de 5 000 $ ne peut être reporté en avant au-delà du changement de contrôle, mais peut être reporté en arrière sur trois ans pour, le cas échéant, neutraliser les gains en capital imposables de ces années.

Restriction du report des crédits d’impôt à l’investissement

Une société peut acquérir un crédit d’impôt à l’investissement (CII) de diverses façons. Le crédit peut-être le plus courant concerne une entreprise qui engage des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE), lesquelles génèrent un crédit d’impôt égal à 15 % des dépenses, et jusqu’à 35 % dans le cas de certaines sociétés privées sous contrôle canadien. Les crédits peuvent normalement être reportés sur les 20 années suivantes ou les 3 années précédentes.

Cependant, lors du changement de contrôle d’une société, le report des CII est limité. Essentiellement, les CII acquis avant le changement de contrôle d’une entreprise peuvent être reportés en avant pour neutraliser les impôts, postérieurs au changement de contrôle, relatifs au revenu de la même entreprise ou d’une entreprise semblable. De même, les CII acquis après le changement de contrôle peuvent être reportés en arrière pour neutraliser les impôts relatifs au revenu de la même entreprise ou d’une entreprise semblable. Autrement, les CII ne peuvent être reportés en avant au-delà du changement de contrôle.

Qu’est-ce qu’une acquisition du contrôle?

Comme il a été dit, les règles ci-dessus s’appliquent à une acquisition ou un changement du contrôle d’une société. Mais, quand cela se produit-il?

En premier lieu, un changement de contrôle se produit normalement lorsqu’une transaction (comme l’achat et la vente d’actions) fait qu’une nouvelle personne ou un nouveau groupe de personnes détient des actions de la société représentant plus de 50 % des droits de vote exigés pour l’élection du conseil d’administration. Ce type de contrôle est souvent dit « contrôle de droit ». Cette règle ne s’applique normalement pas si une autre personne liée à la personne ou au groupe de personnes contrôlait la société avant la transaction. Par exemple, si vous transférez vos actions de contrôle à votre conjoint, il n’y aura pas de changement de contrôle.

Une autre règle fait qu’il y a changement de contrôle réputé lorsqu’une personne ou un groupe de personnes acquiert des actions de la société ayant une juste valeur marchande correspondant à plus de 75 % de la juste valeur marchande de l’ensemble des actions de la société (même s’il s’agit d’actions sans droit de vote). La règle ne s’applique pas si la personne ou le groupe de personnes détenait déjà le contrôle de droit, comme indiqué dans le paragraphe précédent.

Mise à jour : 13 October 2016