S’il se produit un changement de contrôle dans une société, diverses règles fiscales entrent en jeu. La plupart de ces règles ont un caractère restrictif, et elles visent en général à empêcher la prise de contrôle d’une société dans le but d’avoir accès aux pertes fiscales et crédits d’impôt existants qu’elle n’a pu utiliser parce qu’elle n’était pas rentable, et de transférer effectivement ces pertes à une autre entreprise.
À ces fins, on entend normalement par changement de contrôle l’acquisition de plus de 50 % des actions avec droit de vote de la société. Quelques exceptions sont prévues − par exemple, si X achète les actions de Y ltée auprès d’une personne liée à X qui contrôle déjà Y ltée, il n’y aura pas de changement de contrôle.
Un changement de contrôle s’entend également de l’acquisition de plus de 75 % des actions de la société sur la base de la juste valeur marchande, sans égard au nombre de droits de vote. Ici encore, quelques exceptions sont prévues − par exemple, il n’y a pas de changement de contrôle si X achète plus de 75 % des actions de Y ltée mais que X contrôlait déjà Y ltée.
Voici un résumé des principales règles concernant le changement de contrôle.
Fin d’année d’imposition et nouvelle année d’imposition réputées
Un changement de contrôle se traduit par une fin d’année d’imposition réputée de la société immédiatement avant le changement de contrôle, et l’ouverture d’une nouvelle année d’imposition au moment du changement de contrôle. Comme la fin d’année réputée entraîne le plus souvent une année d’imposition raccourcie, les dates de production des déclarations et les dates d’échéance de paiement des soldes pour cette année sont déplacées en conséquence. (La date de production est fixée à six mois après la fin de l’année, et la date d’échéance de paiement du solde, à deux mois après la fin de l’année, trois mois pour certaines SPCC).
La fin d’année réputée cause en outre la perte d’une année aux fins du report en avant de diverses pertes et divers crédits inutilisés qui peuvent être reportés sur un nombre déterminé d’années postérieures. (Cependant, comme il est mentionné ci-dessous, certaines pertes et certains crédits ne peuvent pas être utilisés du tout.)
L’année d’imposition raccourcie exigera le calcul proportionnel de certaines déductions. Par exemple, la déduction pour amortissement (amortissement fiscal) devra être calculée proportionnellement, selon le nombre de jours de l’année raccourcie par rapport à une année de 365 jours.
Pertes en capital nettes
Normalement, les pertes en capital nettes (excédent des pertes en capital déductibles [moitié des pertes en capital réelles] sur les gains en capital imposables [moitié des gains en capital réels] pour une année) peuvent être reportées sur les trois années précédentes ou indéfiniment sur les années suivantes. Elles ne peuvent toutefois pas être reportées d’années antérieures au changement de contrôle sur des années postérieures au changement de contrôle, ou inversement.
En d’autres termes, une restriction précise fait que les pertes en capital nettes ne peuvent être reportées en avant au-delà d’un changement de contrôle ou en arrière avant le changement de contrôle.
Réduction de valeur des pertes en capital non matérialisées
Immédiatement avant le changement de contrôle, les immobilisations d’une société comportant des pertes accumulées − c’est-à-dire dont la juste valeur marchande est inférieure au prix de base rajusté − font l’objet d’une disposition réputée et d’une acquisition à nouveau à la juste valeur marchande. Cela entraîne la matérialisation de toutes les pertes en capital accumulées dans l’année se terminant avant le changement de contrôle. Du fait de la règle décrite ci-dessus, ces pertes ne peuvent être reportées sur les années postérieures au changement de contrôle.
Cependant, la société peut choisir de déclencher tous ses gains en capital accumulés sur d’autres biens, auquel cas le coût de ces biens est majoré en conséquence. Les gains ainsi matérialisés peuvent être diminués des pertes en capital accumulées comme il est décrit ci-dessus. Essentiellement, cette règle permet à la société de faire le choix, bien par bien, d’une disposition réputée et d’une nouvelle acquisition réputée à quelque montant entre le prix de base rajusté du bien et sa juste valeur marchande.
Exemple
Il se produit un changement de contrôle chez X ltée. Avant le changement de contrôle, X ltée détenait une immobilisation ayant un prix de base rajusté de 100 000 $ et une juste valeur marchande de 70 000 $. La valeur du bien est automatiquement ramenée à 70 000 $, ce qui entraîne une perte en capital de 30 000 $ et une perte en capital déductible de 15 000 $ dans l’année qui est réputée prendre fin avant le changement de contrôle.
La société détient également une autre immobilisation ayant un prix de base rajusté de 50 000 $ et une juste valeur marchande de 90 000 $. La société peut faire le choix d’une disposition et d’une nouvelle acquisition réputées à 80 000 $, se soldant par un gain en capital de 30 000 $ et un gain en capital imposable de 15 000 $. Ce gain en capital imposable peut être totalement annulé par la perte en capital déductible. De ce fait, le prix de base rajusté du bien est porté à la hausse à 80 000 $.
Pertes autre que des pertes en capital
Normalement, les pertes autres que des pertes en capital (la plupart du temps des pertes d’entreprise et de biens inutilisées dans une année, autres que des pertes en capital nettes) peuvent être reportées sur les trois années précédentes ou sur les 20 années suivantes. Lors d’un changement de contrôle, les reports sont quelque peu limités.
Les pertes autres que des pertes en capital provenant d’une entreprise et qui sont antérieures au changement de contrôle peuvent être reportées sur les années postérieures au changement de contrôle, en général pour n’être déduites que du revenu provenant de la même entreprise ou d’une entreprise semblable exploitée après le changement de contrôle dans une attente raisonnable de profit. De même, les pertes autres que des pertes en capital provenant d’une entreprise et qui sont postérieures au changement de contrôle peuvent être reportées sur les années antérieures au changement de contrôle si la même entreprise ou une entreprise semblable était exploitée dans une attente raisonnable de profit. Autrement, les pertes autres que des pertes en capital ne peuvent être reportées sur les années postérieures ou antérieures au changement de contrôle.