Ceci touche de nombreux secteurs, des services de construction, aux agences qui fournissent du personnel temporaire, à la fabrication de vêtements, à la vente de ferraille, ou autres.
Fait surprenant, le risque est présent principalement lorsque le fournisseur vous facture la TPS/TVH. S’il ne vous facture pas la TPS ou la TVH que vous devriez payer, votre risque est beaucoup plus faible, parce que le pire qui peut normalement se produire est que vous deviez payer la TPS ou la TVH un jour ou l’autre, et alors vous pourrez demander un crédit de taxe sur intrants compensatoire.
Historique
En supposant que votre entreprise effectue des «fournitures taxables» aux fins de la TPS/TVH, vous avez normalement droit à des crédits de taxe sur intrants (CTI) qui vous permettent de recouvrer la totalité de la TPS ou TVH que vous payez sur vos achats.
Cependant, comme vous le savez probablement, vous n’avez droit à des CTI que si le fournisseur vous remet une facture ou un reçu qui satisfait aux exigences documentaires détaillées, qui comprennent normalement le nom du fournisseur et son numéro d’inscription au registre de la TPS/TVH, le prix payé, «une description suffisante pour pouvoir identifier chaque fourniture», le montant de TPS ou TVH, la date, le nom de l’acheteur, les conditions de paiement et certains autres détails. Voir le Mémorandum sur la TPS/TVH 8.4 à www.arc.gc.ca.)
Ces exigences documentaires sont contraignantes; si elles ne sont pas satisfaites, vous ne pouvez demander de CTI afin de recouvrer la taxe que vous avez payée au fournisseur.
Le problème
L’ARC se préoccupe depuis nombre d’années du problème des sociétés qui facturent la TPS ou la TVH pour des produits ou des services, perçoivent l’argent puis disparaissent. En plus de ne pas payer l’impôt sur le revenu des sociétés sur leurs profits, ces entreprises volent littéralement les taxes de vente qu’elles per-çoivent pour le compte du gouvernement et qu’elles sont censées détenir en fiducie pour ce dernier.
Le problème se pose également au Québec, où Revenu Québec (RQ) administre la TPS ainsi que la taxe de vente du Québec.
Des entreprises innocentes se voient refuser des CTI
Au cours des dernières années, RQ a poursuivi de façon très «agressive» des entreprises qui avaient fait affaire avec de tels fournisseurs véreux. Incapable de trouver les voleurs, RQ s’en est plutôt pris aux entreprises qui avaient acheté des produits et services auprès de ces fournisseurs, et a refusé à ces entreprises innocentes les CTI qu’elles avaient demandés.
Dans les derniers mois, RQ a connu beaucoup de succès devant les tribunaux lorsque des entreprises innocentes avaient interjeté appel.
Malgré le fait qu’une entreprise n’a pas d’obligation légale de «contrôler» ses fournisseurs pour s’assurer qu’ils remettent la TPS/TVH qu’ils ont perçue, les tribunaux ont trouvé des moyens de rendre responsables des entreprises innocentes.
La façon dont RQ et les tribunaux ont cloué les entreprises innocentes a été de statuer que la facture ne provenait pas du fournisseur «véritable». Même si la facture provenait d’une société à dénomination numérique qui était dûment inscrite au registre de la TPS, et qui satisfaisait par ailleurs les exigences documentaires, les tribunaux ont conclu, dans certaines de ces causes, que le fournisseur nommé sur la facture n’était pas le fournisseur «véritable» et que, par conséquent, les exigences documentaires n’étaient pas satisfaites.
L’ARC n’a pas été aussi «agressive» que RQ jusqu’à maintenant à l’égard des entreprises innocentes dans pareilles circonstances (du moins à la lumière de la jurisprudence), mais elle pourrait bien y venir. En réponse aux questions posées lors d’une conférence tenue en octobre 2014, de hauts fonctionnaires de l’ARC ont mentionné qu’ils appuyaient l’approche prise par RQ et qu’ils refuseraient les CTI pour les mêmes raisons. Ainsi, l’ARC pourrait être tout aussi «agressive» lors de la prochaine vérification des demandes de votre entreprise relativement aux CTI de TPS/TVH.
Comment une entreprise peut-elle se protéger contre ce risque?
Certes, il est préférable de ne faire affaire qu’avec des fournisseurs de bonne réputation et bien établis, de telle sorte que ce problème ne se présente pas. Cependant, vous pourriez ne pas savoir qu’un fournisseur particulier est sur le point de disparaître sans s’acquitter de ses obligations fiscales et, pour des raisons pratiques, vous pourriez ne pas toujours être en mesure de choisir vos fournisseurs.
Une façon d’aborder ce problème consiste à prendre des mesures pour vous assurer que le nom de l’entreprise qui figure sur la facture que vous payez correspond bien à l’entité juridique avec laquelle vous faites affaire, et que celle-ci est bien inscrite au registre de la TPS/TVH de l’ARC ou de RQ (ou de la TVQ de RQ).
- Pour vous assurer qu’un fournisseur est inscrit au registre de la TPS/TVH : pour tout nouveau fournisseur, avant de payer quelque TPS ou TVH, allez à l’adresse www.arc.gc.ca/gsthstregistry, cliquez sur Français, et entrez son nom et le numéro d’inscription à la TPS/TVH qu’il vous donne. Le registre en ligne vous dira si la personne est effectivement inscrite sous ce nom en date du moment. (Attention : le système vous donne une réponse de type faux positif une fois que les 10 premiers caractères concordent; par conséquent, si le nom de l’entreprise est trop long et qu’il y a un montant important de taxe en jeu, téléphonez à l’ARC à 1-800-959-5525 pour demander confirmation du nom complet.)
- Pour vérifier l’identité :
- Si la facture est faite au nom d’une personne physique, demandez à voir son permis de conduire ou quelque autre photo ID délivrée par le gouvernement, et assurez-vous que c’est bien le nom que vous avez trouvé dans le registre de TPS/TVH en 1) ci-dessus et que c’est le nom qui figure sur la facture que vous payez.
- S’il s’agit d’une dénomination d’entreprise, en particulier d’une dénomination numérique, la seule façon de vous assurer que l’entité identifiée sur la facture est celle avec laquelle vous faites réellement affaire est de demander au fournisseur des documents qui montrent qui sont les administrateurs de la société (cette information est également disponible en ligne auprès du gouvernement provincial, moyennant un coût), et vérifiez l’identité de la personne avec laquelle vous faites affaire comme étant un administrateur de la société, en obtenant une copie de son permis de conduire ou quelque autre photo ID. Idéalement, vous voudrez aussi voir un contrat ou un bordereau de vente indiquant que vous avez un contrat avec la société parce qu’un administrateur signe en son nom. Ceci créera une piste papier qui prouve que vous avez réellement un contrat avec cette entreprise spécifique et, même si elle devait disparaître sans remettre la TPS, l’ARC ou RQ ne pourrait pas dire que cette personne n’était pas le véritable fournisseur, mais qu’elle utilisait sur la facture un faux nom fourni par le fournisseur véritable.
Évidemment, toute entreprise devra déterminer s’il vaut la peine de mettre en place ces procédures, ou si le risque que des fournisseurs soient des voleurs de taxe est assez faible pour que ces mesures n’en valent ni le coût, ni l’énergie. Mais pour ceux qui sont sérieusement à risque de recevoir un avis de nouvelle cotisation leur refusant d’importants CTI, ces mesures pourraient assurer leur subsistance.