Au cours des dernières années, divers promoteurs ont proposé des stratagèmes devant permettre aux contribuables de « profiter » du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance (les promoteurs réalisant eux aussi d’imposants profits.)
Les premiers stratagèmes prenaient la forme de dons d’œuvres d’art : vous achetez une œuvre accompagnée d’une évaluation d’expert, mais pour laquelle vous payez un prix substantiellement réduit, puis vous la donnez à un organisme de bienfaisance qui vous délivre, pour fins d’impôt, un reçu basé sur le prix évalué. Par exemple, vous affectez 20 000 $ à l’achat d’une œuvre d’art dont la valeur est estimée à 100 000 $, et vous demandez un crédit d’impôt pour don de bienfaisance de 100 000 $, lequel vaudra plus ou moins 50 000 $ selon votre province de résidence.
Ces abris fiscaux ont été étendus à d’autres produits, tels des logiciels et des produits pharmaceutiques. Il peut s’agir de stratagèmes de « dons avec effet de levier » en vertu desquels vous avez donné de l’argent qui provient toutefois d’un prêt sans intérêt que vous n’avez jamais eu à rembourser dans les faits. Les stratagèmes utilisés sont devenus de plus en plus complexes. Certains étaient carrément des impostures, aucun don réel n’étant jamais fait à l’organisme de bienfaisance. La plupart d’entre eux ne se traduisaient concrètement que par très peu de nouvelles activités caritatives.
En réaction, le gouvernement fédéral a apporté de nombreuses modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) afin de bloquer l’emploi de ces stratagèmes, et les règles ont été resserrées graduellement. De même, l’ARC a adressé un avis de nouvelle cotisation à tous les contribuables ayant eu recours à ces stratagèmes qu’elle pouvait prendre en défaut, et leur a refusé les avantages fiscaux (sauf dans les cas de simples achats et dons d’actions accréditives, ce qui est acceptable, bien qu’une modification apportée à la LIR les ait rendus moins intéressants).
Les appels consécutifs portés devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI) (et, au-delà, devant la Cour d’appel fédérale (CAF)) ont presque tous échoué, soit sur la question de l’évaluation, soit parce que la cour a conclu qu’il n’y avait pas eu de « don » véritable à l’organisme de bienfaisance. Dans de nombreux cas, l’ARC ou la CCI ont permis la déduction du montant d’argent réel versé à titre de don dans le cadre du stratagème, mais pas toujours.
Certaines demandes ont également été refusées parce que le stratagème n’avait pas été dûment inscrit comme « abri fiscal » auprès de l’ARC, un numéro d’enregistrement d’abri fiscal devant alors être indiqué sur la déclaration de chaque contribuable demandant le crédit d’impôt pour don de bienfaisance.
De nombreux organismes de bienfaisance ont été pénalisés par ces abris fiscaux, parce qu’ils avaient délivré des reçus pour dons de bienfaisance jugés faux par l’ARC. Des douzaines d’organismes ont vu leur enregistrement révoqué. Des promoteurs se sont également vu imposer des millions de dollars de pénalités. Des milliers de contribuables ont été gravement affectés, voire financièrement ruinés, par les avis de nouvelle cotisation de l’ARC, auxquels s’ajoutaient des intérêts et parfois des pénalités (sans compter les frais juridiques). De nombreux recours collectifs et autres poursuites sont en cours contre les promoteurs et les cabinets d’avocats et de comptables qui ont donné des conseils relativement à ces abris fiscaux; certains d’entre eux ont réglé moyennant d’importantes sommes.
La promotion de ces abris fiscaux a presque disparu, car promoteurs et conseillers professionnels sont conscients que leur stratagème ne fonctionnera pas, et les contribuables sont mieux informés que par le passé. L’ARC a pris des mesures pour s’assurer de bien renseigner le public à ce sujet sur son site Web.
En 2019, plusieurs autres décisions judiciaires se sont inscrites dans la même veine, les crédits demandés ayant été refusés aux contribuables.
Si vous avez eu recours à un stratagème de don il y a des années et que l’ARC vous a transmis un avis de nouvelle cotisation, et si les promoteurs ont retenu les services d’un conseiller juridique pour gérer votre appel en même temps que ceux de tous les autres…, n’espérez pas trop que votre appel sera entendu. Les appels peuvent se régler hors cour, mais il est peu probable que vous recouvriez le plein montant que vous avez déduit. (Certes, il s’agit ici d’un commentaire général; nous ne connaissons pas les détails de tous les stratagèmes de don et abris fiscaux qui ont été utilisés.)