Moore
Bulletin de mai 2023

Les abris fiscaux font figure de légende. Souvent, ces instruments sont publicisés dans les médias comme offrant des stratégies d’évasion fiscale pour ultrariches. Par ailleurs, des abris fiscaux illégitimes tombent inévitablement sous le joug de la règle générale anti-évitement (RGAE), conçue dans le but de débusquer ces comportements, et s’attirent les foudres de l’Agence du revenu du Canada (ARC) et du grand public.

RGAE : la règle générale revisitée

La RGAE a été adoptée en 1987 en vue d’empêcher les contribuables de procéder à des opérations ou de recourir à des mécanismes techniquement conformes à la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), mais de façon abusive, pour se soustraire à l’impôt. La RGAE vise à mettre fin à ces pratiques répréhensibles qui ont pour effet de réduire les recettes fiscales de l’ARC. Une explication écrite de la RGAE occuperait des rames de papier. Nous nous contenterons de dire qu’un contribuable peut se conformer à la RGAE en procédant à des opérations de bonne foi avec à l’esprit un objectif commercial véritable. Si l’objectif principal du contribuable est simplement d’éviter l’impôt, et que les opérations n’ont aucune signification sur le plan commercial, la voie est pavée pour une violation de la RGAE. Il faut bien garder en tête ces grands principes en ce qui a trait aux abris fiscaux, auxquels la RGAE risque fort de s’appliquer. 

Il est important de noter que les abris fiscaux sont effectivement prévus dans les divers systèmes fiscaux des États de par le monde. En dépit des diverses connotations négatives qui y sont associées, les abris fiscaux ont une fonction particulièrement importante, à savoir minimiser, de façon tout à fait légale, les impôts exigés des contribuables de telle sorte que, dans bien des cas, ces derniers puissent utiliser les fonds économisés à des fins productives, dans des entreprises génératrices de bénéfices ou encore pour le soutien de causes sociales nobles. On pense ici aux régimes enregistrés-d’épargne retraite (REER) qui, utilisés de manière efficace, permettent à des millions de Canadiens de différer l’application de taux d’impôt marginaux élevés sur les revenus de leurs jeunes années, tout en affectant les sommes investies à l’accumulation de fonds pour les années dorées de leur retraite. Le REER permet aux Canadiens de toucher d’importantes prestations de retraite et, à ce titre, constitue une utilisation valide d’un abri fiscal.

Les stratagèmes d’abris fiscaux vendus sur le marché de masse sont inefficaces! 

Les abris fiscaux, lorsqu’ils sont conçus en toute légalité, peuvent être parfaitement efficaces. Démystifier les abris fiscaux est un enjeu crucial. Souvent, des promoteurs douteux offrent sur le marché de masse des abris fiscaux à des clients sans méfiance, en moussant des idées nouvelles comme la possibilité d’obtenir des reçus pour dons plus élevés, alors que la somme donnée est dérisoire. Comme il est indiqué sur le site Web même de l’ARC, tous et chacun de ces stratagèmes nébuleux ont été jugés déficients quant à leur conformité à la LIR. Inévitablement, les clients crédules sont ceux qui souffrent le plus de l’échec du mécanisme, contraints de payer à grand-peine les impôts dus, majorés des intérêts et des pénalités. 

Exemple :

Personne A s’adresse au promoteur d’un abri fiscal lucratif, qui promet d’être en mesure de lui procurer un reçu fiscal pour don de 10 000 $ moyennant un don en nature de 200 $ seulement. Le promoteur peut établir à 10 000 $ la valeur du bien donné en nature, et A pourra demander un crédit d’impôt pour don de bienfaisance dudit montant dans sa déclaration de revenus. Le promoteur garantit à A que le stratagème fiscal est enregistré; il peut même avoir un numéro d’entreprise et une adresse pour son siège social. Le promoteur informe également A que de nombreux clients ont eu recours à ce mécanisme pour obtenir d’importants remboursements d’impôt et que, si l’ARC devait contester la demande de crédit, il appuierait A dans le processus de règlement du litige.

Ce cas est assez typique et l’issue en est prévisible. Au bout du compte, A est la personne qui doit acquitter les impôts, plus les pénalités et les intérêts. Le coût est supérieur à l’avantage. Ne vous laissez pas séduire par ce stratagème!

Mise à jour : 16 May 2023