Dans Patterson Dental Canada Inc. c. La Reine, on avait demandé une prorogation de délai pour faire opposition à la cotisation de TPS. (Les règles pour les avis d’opposition de TPS sont pratiquement identiques à celles qui s’appliquent en matière d’impôt sur le revenu.)
Normalement, un avis d’opposition doit être produit dans les 90 jours suivant un avis de cotisation. La CCI peut accorder une prorogation de délai pouvant aller jusqu’à un an au-delà de l’échéance, dans la mesure où certaines conditions sont respectées. Selon l’une de ces conditions, la personne doit soit avoir été «incapable d’agir» durant les 90 jours, soit avoir eu l’intention de faire opposition à la cotisation avant l’échéance du délai de 90 jours.
Patterson Dental (PDI), établie à Montréal, vendait du matériel de dentisterie et autres produits aux dentistes. Un produit était une solution anesthésique contenant de l’épinéphrine, un médicament qui était vendu en franchise de TPS. PDI n’avait pas perçu la TPS sur ces ventes de 2005 à décembre 2008.
En décembre 2008, PDI apprend que RQ, qui administre la TPS au Québec, a déclaré qu’une solution contenant de l’épinéphrine ne pouvait être assimilée à l’épinéphrine elle-même et qu’elle était taxable. Comme cette déclaration est claire et définitive, et que PDI souhaite se conformer à ses obligations fiscales, la société commence à percevoir et à remettre la TPS sur ses ventes de la solution. PDI fait l’objet d’une vérification en 2009-10, et le vérificateur de RQ confirme clairement que la solution anesthésique est taxable. Le vérificateur établit un avis de cotisation en mars 2010 pour plus de 1 M$ de TPS non remise sur la solution de 2005 à 2008.
PDI ne fait pas opposition dans le délai de 90 jours (pour juin 2010), parce qu’elle n’a aucune raison de penser que la solution anesthésique n’est pas taxable. Cependant, en mars 2011, un cabinet de consultants en TPS qui revoit les affaires de PDI informe la société qu’à la lumière d’un jugement de 2007 dans une cause connexe (mais non identique), la solution anesthésique pourrait bien être exonérée de TPS.
PDI obtient un rapport d’expert en médecine dentaire le 21 avril 2011, confirmant que l’épinéphrine constitue un ingrédient essentiel de la solution, ce qui semblerait l’affranchir de la TPS à la lumière du jugement dans la cause connexe. Six jours plus tard, soit le 27 avril 2011, PDI demande une prorogation de délai pour faire opposition.
L’ARC rejette la demande de prorogation, et PDI s’adresse à la CCI pour demander la prorogation. Il était clair que PDI n’avait pas l’intention de s’opposer avant l’expiration du délai de 90 jours. La question était donc de savoir si PDI était «incapable d’agir» pendant la période de 90 jours.
Le juge de la CCI a accueilli la demande. À son avis, PDI était «incapable d’agir» parce qu’elle ne disposait pas de toute l’information. La cause connexe avait été entendue par le tribunal plusieurs années auparavant; or, le vérificateur de RQ n’en était pas au courant et ne l’avait donc pas portée à l’attention de PDI. La décision de PDI de ne pas faire opposition dans le délai de 90 jours n’était pas une décision «éclairée», puisqu’elle se fondait sur les assertions définitives de RQ suivant lesquelles la solution anesthésique était taxable.
De plus, il serait «juste et équitable» d’accueillir la demande, satisfaisant une autre des conditions prévues pour une prorogation de délai. La question de savoir si la solution anesthésique était taxable était clairement légitime et sérieuse, et méritait d’être étudiée, considérant en particulier que plus de 1 M$ étaient en jeu. PDI «a démontré, par ses agissements passés, qu’elle a toujours tenu à se conformer à ses obligations fiscales», et elle ne devrait pas être laissée sans recours.
Ce jugement établit de nouvelles balises en permettant une prorogation de délai même si le contribuable en cause n’a pas réellement eu l’intention de faire appel dans les 90 jours.